C’est l’histoire d’un petit village breton qui résiste encore et toujours à l’artificialisation des sols. Trémargat, village pionnier dans l’écologie et la démocratie participative depuis plus de 50 ans, a un nouveau projet. La commune cherche des futurs habitants pour créer un éco-hameau sur une parcelle communale de 6000m2. Durée du bail : 99 ans.
Un village pionnier
Trémargat est un petit village breton de 14 km2 (soit 1400 hectares) et de 200 habitants bien connu. Dans les années 70, alors que le village se vidait de ses membres au profit des agglomérations voisines, une bande de néo-ruraux a choisi de poser ses valises dans le territoire pour cultiver en bio et bâtir une société soudée.
50 ans plus tard, le village a fait l’objet de nombreux reportages et documentaires pour son exemplarité en matière d’écologie, de solidarité, d’entraide et de démocratie participative.
A Trémargat, une règle tacite implique que le maire ne fasse qu’un seul mandat. La mairie prend en compte l’avis des habitants dans les projets à travers des comités consultatifs et les chantiers participatifs sont nombreux (environ un tous les deux mois).
En 2013, la municipalité a même initié avec des citoyens une SCI (Société Civile Immobilière) pour acquérir les terres dans et autour de la commune afin de les louer à de jeunes agriculteurs en bio pour les aider à s’installer. Trémargat compte aujourd’hui 16 exploitations réparties sur 600 hectares, 16 associations et 33 entreprises d’agriculteurs, potier, ébéniste, fleuriste, infirmiers, coutelier…
Le village comprend de plus un café associatif dynamique, des gîtes, une épicerie associative bio et locale, mais aussi une base nautique et nature au bord du lac et une ferme pédagogique. Alors quand la mairie a fait l’acquisition d’une parcelle constructible de 6000m2, il n’était pas question de faire un lotissement classique.
« Le conseil municipal ne voulait pas d’un projet standard avec la maison en parpaings à crépis. D’abord parce que nous avons énormément d’anciennes maisons en pierre et beaucoup d’habitats écolos déjà présents, il y avait donc une volonté de garder cette dynamique. On a donc créé un comité consultatif pour prendre l’avis des habitants, de gens intéressés à venir vivre ici et des élus, et on a épluché ce qui se fait en Bretagne avec le réseau Bruded où on a découvert comment Saint-André-des-Eaux et Commana se font accompagner par Les Hameaux Légers » raconte Antoine Marin, élu référent pour le projet, pour La Relève et La Peste
Après l’étude de faisabilité menée en Janvier, l’association Les Hameaux Légers et le conseil municipal ont officiellement lancé l’appel à candidatures pour l’éco-hameau fin juin de cette année.
« Il y aura 6 foyers pour de l’habitat permanent et, c’est l’originalité du projet de Trémargat, deux emplacements supplémentaires prévus pour des personnes qui seraient là de manière plus temporaire soit des personnes nomades, soit le temps qu’elles construisent leur maison ailleurs sur le village » explique Xavier Gisserot, co-fondateur de l’association Hameaux Légers, auprès de La Relève et La Peste
Le terrain communal constructible d’environ 6000m2 sera aménagé et mis à disposition par un bail emphytéotique de 99 ans pour un loyer maximum de 150 euros par mois et par foyer comprenant l’accès au terrain aménagé et aux espaces communs (buanderie, cuisine partagée, salle commune, chambre d’amis…). Le financement de ces derniers seront pris en charge par la mairie, qui a plus facilement accès à des subventions pour l’éco-construction que les particuliers.
Un système d’assainissement autonome de phytoépuration sera également mis en place. Reste à charge des futurs habitants : le financement et la construction de leur propre habitat léger qui devra être adapté à la pente du terrain mais surtout être démontable, compostable ou mobile de manière à ne pas imperméabiliser durablement les sols.
Bien-vivre ensemble
« Notre objectif premier, c’est d’accueillir le plus de familles possibles avec le plus faible impact environnemental possible. Cela fait quelques années qu’on crée un nouveau programme tous ensemble avec des réunions publiques à la fin de chaque mandat pour déterminer ce qui va être fait durant le prochain et il y a toujours eu le mot « accueillir » dedans. Nous sommes aujourd’hui 200 habitants, on était 800 à une époque donc on a encore de la place et on aimerait être plus nombreux pour renforcer la dynamique collective avec des compétences très diverse et variées pour produire plein de choses localement, comme des outils ou des savoir-faire anciens » précise Antoine Marin, élu référent pour le projet, pour La Relève et La Peste
Pour choisir ses futurs habitants, la commune sera attentive à la mixité sociale et au côté intergénérationnel du groupe. En effet, le but n’est pas de rajeunir la population, le village comprenant déjà de nombreuses familles, mais de participer au bien-vivre ensemble du territoire.
« A une époque c’était même l’une des communes les plus jeunes de France. C’est toujours un village vivant avec beaucoup d’enfants de tous les âges. Cela fait 10 ans que j’habite à Trémargat : notre petit village a été surmédiatisé, mais tout n’est pas tout rose, comme partout il nous arrive d’avoir des conflits autour de l’agriculture par exemple. On est une commune comme les autres, mais avec en plus cette volonté pour une bonne partie de la population de faire ensemble malgré nos différences » temporise Antoine Marin, élu référent pour le projet, pour La Relève et La Peste
Plutôt que du « Putain de Facteur Humain » (ou PFH) qui fait capoter de nombreux projets collectifs, Antoine préfère parler de « Précieux Facteur Humain ». C’est pourquoi les personnes sélectionnées seront accompagnées par l’association Les Hameaux Légers pendant un an pour mener leur projet d’habitat en toute sérénité.
« Créer un éco-hameau est une aventure incroyable qui nécessite de savoir-être au sein d’un projet collectif avec une vision commune du vivre-ensemble. Nous organiserons des rencontres entre toutes les personnes intéressées pour trouver leurs points de convergence et développer leur vision commune » sourit Xavier Gisserot, lui-même habitant du hameau léger de Saint-André-des-Eaux, auprès de La Relève et La Peste
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Les candidatures sont ouvertes aux groupes constitués d’au moins 3 foyers jusqu’au 2 janvier. Pour former des groupes, l’association Hameaux Légers va organiser des temps de rencontre à distance (les 11 août et 10 septembre) et un weekend à Trémargat les 1 et 2 octobre 2022.
Si jamais certains groupes ne sont pas choisis, l’association Hameaux Légers va les soutenir pour trouver d’autres communes où s’installer. Forte de 7 salariés et 1500 adhérents, elle accompagne actuellement 8 collectivités dont Commana, St Cézaire-sur-Siagne (Alpes-Maritimes) et Guipel (Ille-et-Vilaine).
De leur côté, la municipalité de Trémargat ainsi que les autres communes de la CCKB (communauté de communes du Kreiz Breizh) veulent inciter à habiter et / ou récupérer les habitats inoccupés pour répondre à la mise en place de l’objectif « zéro artificialisation nette » du ministère de l’écologie. Bien que cet objectif ne soit pas clair du point de vu des extensions agricoles et routières.
A Trémargat, l’avenir s’écrit depuis hier.
Pour en savoir plus sur le projet de Trémargat, rdv sur le site de l’association Les Hameaux Légers
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