Après un retour en force suite à sa quasi-extinction, le loup est de nouveau dans le viseur de l’Union Européenne. Le Comité permanent de la Convention de Berne vient de déclasser le loup. Cette triste première est décriée par les scientifiques et les ONGs comme un recul majeur sur la protection de la biodiversité.
Ce mardi 3 décembre, les 50 États membres de la Convention de Berne, un traité international de référence pour la protection de la biodiversité, ont décidé d’abaisser le niveau de protection du loup d’espèce « strictement protégée » à « protégée ». Cela entrera en vigueur dans trois mois, « sauf si au moins un tiers des parties à la Convention de Berne s’y oppose », a précisé l’organe décisionnaire européen.
Sur les 50 votants, deux pays se sont abstenus : la Tunisie et la Turquie. Seuls cinq pays se sont opposés au déclassement du loup : Royaume-Uni, Monaco, Monténégro, Albanie et Bosnie-Herzégovine. « Cette dernière a tenté de faire reporter d’un an le vote, sans succès » déplore l’ONG One Voice. C’est la première fois qu’un animal perd son statut d’espèce strictement protégée.
« Cette décision ne sape pas seulement des décennies d’efforts de conservation, mais représente également un revers important pour ce qui a été salué comme l’un des succès les plus notables de l’Union européenne en matière de conservation de la faune : le retour du loup après sa quasi-extinction » alerte France Nature Environnement
Pour s’appliquer, la modification de la convention de Berne doit en premier lieu être inscrite dans la directive européenne « Habitats », qui retranscrit les demandes de la Convention de Berne. Concrètement, le loup va passer de l’annexe IV de la directive (espèce strictement protégée) à l’annexe V (espèce protégée). Or, si l’annexe IV interdit tout mise à mort intentionnelle d’une espèce qui y est classée (hormis dérogation très précise), l’annexe V est bien plus permissive. Elle stipule que la mise à mort de spécimens doit être « compatible avec leur maintien dans un état de conservation favorable ». Une dernière phrase qui laisse une large part à l’interprétation des Etats-membres.
En 2023, les loups étaient au nombre de 20 300 en UE, majoritairement dans les Balkans, les pays nordiques, en Italie et en Espagne. En France, leur population était de 1003 individus, une baisse de 9 % par rapport à l’année précédente. Près de 20 % des loups français sont déjà tués chaque année. Les difficultés rencontrées par les éleveurs auraient motivé l’UE à déclasser le prédateur naturel.
« Pour nous c’est complètement démago et mensonger de faire croire que déclasser le loup va régler le problème des éleveurs, dénonce Thierry Ruf de l’ASPAS pour La Relève et La Peste. La seule solution, c’est le triptyque clôtures-chiens-berger comme en Italie, en Slovénie et en Albanie. »
Dans les Abruzzes, en Italie, les éleveurs coexistent avec les loups et en dépendent même économiquement. Tuer un loup peut en effet avoir de terribles conséquences. De nombreux articles scientifiques expliquent que la mort d’un loup peut déstructurer toute une meute, et ainsi augmenter le phénomène de prédation des jeunes loups livrés à eux-mêmes.
« Cette décision s’inscrit dans un recul global de la législation environnementale : pesticides ré-autorisés, espèces classées comme occasionnant des dégâts… On ouvre la porte à n’importe quoi avec ce déclassement, cela risque d’en entraîner d’autres. Il y a déjà des demandes sur le lynx qui ne cause aucun dégât, l’ours depuis longtemps, le vautour qui est un charognard et même le Grand Cormoran pour le pêcheur ! » alerte Thierry Ruf de l’ASPAS pour La Relève et La Peste.
Durant une visite au Sommet de l’élevage début octobre, le Premier ministre français Michel Barnier avait annoncé que la nouvelle évaluation officielle du nombre de loups en France, qui doit paraître d’ici la fin d’année, pourrait représenter un potentiel « moment clé » pour augmenter les abattages de loups.
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