Le grand hamster d’Alsace est une espèce protégée depuis 1993, mais pourtant récemment considérée comme étant en danger critique d’extinction. À ce titre et depuis de nombreuses années, l’association alsacienne Sauvegarde Faune Sauvage se bat pour la survie de l’espèce. Mais aujourd’hui, elle porte plainte contre l’État français pour mise en danger de ce petit rongeur emblématique de la région, qui risque de définitivement disparaître si rien n’est mis en place.
Deux plaintes déposées contre l’État
Le grand hamster d’Alsace ne porte pas son nom par hasard. Ce petit rongeur ne se trouve, en France, que dans les plaines de la région. C’est là toute sa spécificité, qui en fait une espèce rare, locale et protégée depuis maintenant plus de 30 ans.
À la fin des années 70, l’Alsace était peuplée de près de 4000 hamsters, assez, donc, pour assurer sa viabilité et sa reproduction. Mais aujourd’hui, les chiffres sont en chute libre, bien loin du compte.
Jean-Paul Burget, président de l’association Sauvegarde Faune Sauvage, a recensé ces dernières années à peine 800 rongeurs dans le Bas-Rhin, quand le Haut-Rhin n’en compte quant à lui plus que 4. Un constat alarmant pour la survie de l’espèce, dont son défenseur en explique les raisons à travers un seul et même responsable.
« Il y a un manque de moyens évident engagés par l’État français pour leur protection depuis de trop nombreuses années. J’avais déjà porté plainte contre la France en 2007, qui a été condamnée en 2011 pour inaction à propos de la protection du hamster », explique-t-il à La Relève et la Peste.
Aujourd’hui, Jean-Paul Burget réitère et dépose cette fois deux plaintes contre l’État.
L’une auprès du comité de Berne, du Conseil de l’Europe, pour non-respect de recommandations de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe. L’autre, quant à elle, vient s’ajouter à une plainte déposée en 2022 auprès de la Cour européenne de justice, cette fois pour non-respect de l’arrêté du 9 juin 2011 qui avait condamné l’État suite à la plainte de l’association de Jean-Paul Burget, évoquée plus haut.
Avec ces plaintes, Sauvegarde Faune Sauvage espère notamment voir l’État investir davantage de moyens pour une augmentation significative de parcelles conventionnées de blé sur pieds, qui permettent de protéger le grand hamster d’Alsace et ainsi mieux assurer sa survie.
L’extension des monocultures de maïs
Selon le président de Sauvegarde Faune Sauvage, la responsabilité de l’État se matérialise en effet à travers la surabondance des monocultures de maïs, notamment dans le département du Haut-Rhin.
« Ce sont des cultures qui ne sont pas propices à l’installation et la survie des hamsters, ce ne sont pas des habitats qui leur conviennent », détaille Jean-Paul Burget pour La Relève et la Peste.
En effet, les cultures de maïs sont synonymes de sols appauvris. Là où les hamsters pouvaient auparavant trouver de la nourriture dans les champs de blé ou d’orge, ils ne le peuvent plus dans ce type de parcelles et n’ont pas les apports nécessaires à leur bonne santé, ni à leur reproduction. Par ailleurs, les récoltes sont réalisées à la sortie de l’hibernation du petit rongeur, alors en proie à ses prédateurs. Enfin, ces cultures, très gourmandes en eau, peuvent également noyer leurs terriers.
Il existe pourtant des cultures dites conventionnées, notamment de blé, où il est prévu que la culture ne soit pas récoltée afin que les hamsters puissent y rester, s’y réfugier. À ce jour, 4000 hectares le sont en Alsace, mais tous ou presque se situent uniquement dans le Bas-Rhin.
« À la fin des années 2000, l’État a conventionné des cultures sur 10 ou 12 communes du Haut-Rhin. Aujourd’hui, il n’y a presque plus rien », se désole Jean-Paul Burget.
Une situation qui contraste pourtant avec la volonté des nouvelles générations d’agriculteurs d’agir en faveur du grand hamster d’Alsace, là où il était auparavant difficile de faire changer les pratiques avec l’accueil de parcelles propices à leur longévité.
Mais, frein supplémentaire à la sauvegarde de l’espèce, les agriculteurs dont les parcelles sont conventionnées peinent à se voir payer leurs hectares par l’État.
« Les cultures de blé sur pieds, qui protègent les hamsters, ne sont pas directement financées par l’État, ce pourquoi il y a des conventions. Le problème, c’est qu’il y a du retard dans les paiements qui doivent être versés aux agriculteurs », continuent Jean-Paul Burget.
Au total, les agriculteurs doivent se voir rémunérer à hauteur de 2000 euros par hectare.
Renforcement des populations
Alors aujourd’hui, la présence du grand hamster d’Alsace passe notamment par le renforcement des populations sauvages à travers l’élevage, dont le plus grand se trouve à Jungholtz, dans le Haut-Rhin, créé par Jean-Paul Burget et son association.
Chaque année, environ 500 hamsters destinés à ce renforcement sont relâchés au printemps. Ce type d’élevage suit un cahier des charges strict et spécifique, validé par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Il permet ainsi d’améliorer les conditions de survie du petit rongeur et de maintenir, tant bien que mal, sa population.
Il est également nécessaire de rappeler que la sauvegarde du grand hamster d’Alsace participe au bon fonctionnement de la biodiversité toute entière, non pas uniquement de sa population. Ce petit rongeur se nourrit de petits insectes, de graines, de plantes, de vers, mais est également indispensable à la chaîne alimentaire des renards ou des rapaces. Sans eux, c’est tout un écosystème qui s’en voit bouleversé.
Sources : Le grand hamster d’Alsace en sursis, CNRS Le Journal, 13/10/2023 / « La vie des bêtes : à la découverte du grand hamster d’Alsace, en voie d’extinction », Pokaa, 13/11/2020 / « Protection du grand hamster d’Alsace », Sauvegardefaunefauvage.fr