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Le gouvernement français sabote la loi européenne qui veut protéger les victimes de viol

« Alors qu’en France, 0,6 % des plaintes pour viol aboutissent à une condamnation, l’introduction de la notion de consentement dans la définition du viol ferait une véritable différence pour les victimes de violences et contribuerait à pallier les lacunes du code pénal ».

Le mardi 14 novembre, les Etats membres et le Parlement européen se sont réunis pour discuter de l’uniformisation de la définition du viol et des violences faites aux femmes. La France a voté contre une définition commune du viol basée sur le consentement. Ce faisant, le gouvernement français s'oppose à une avancée majeure pour protéger les victimes de violences sexuelles. Une pétition a été lancée pour lui demander de revoir sa position.

La notion de consentement débattue pour une définition commune

Le 8 mars 2022, le projet de loi avait été présenté par la Commission européenne. S’il fait plutôt consensus, le point qui soulève des opposants est l’adoption d’une définition commune du viol pour les vingt-sept pays membres.

En ce qui concerne le Parlement européen, qui a arrêté sa position en juillet, il est impératif que ça soit cas et que la définition se porte sur la notion de consentement. Selon l’article 5 du projet de loi, il suffit que la victime n’ait pas consenti à l’acte sexuel pour que le crime de viol soit caractérisé : « Seule cette dernière approche permet la protection complète de l’intégrité sexuelle des victimes ».

Evin Incir, l’eurodéputée suédoise, a confirmé : « Seul oui veut dire oui ».

Une définition des pays contre basée sur la violence ou la contrainte

En juin, certains États membres ont décidé d’exclure l’article 5 des négociations du projet de loi de la Commission : la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la France.

D’après la loi de la Belgique et de quinze autres États membres, la notion de consentement est l’élément constitutif principal du crime, tandis que la France considère qu’il est constitué quand un acte sexuel a été commis sous la menace, la contrainte, la surprise ou la violence.

Les États contre l’article 5 font valoir que la question du viol relève du droit pénal et donc de la compétence des Etats, pas de celle de l’Union Européenne. Seuls les eurocrimes tels que la corruption, le terrorisme ou l’exploitation sexuelle font exception à ce principe.

L’autre camp répond à cet argument : justement, le viol peut être considéré comme une exploitation sexuelle. Le 9 octobre, Helena Dalli, commissaire européenne à l’Égalité, a avancé : « Nous avons déjà utilisé exactement [cette] base [juridique] pour criminaliser les activités sexuelles avec des enfants [en 2011], il n’y a donc pas d’argument juridique pour ne pas l’utiliser maintenant ».

Nathalie Colin-Oesterlé, eurodéputée française, s’interroge : « La France avait, à l’époque, soutenu ce texte. Pourquoi une telle volte-face en 2023 ? ». Elle dénonce un revirement de la part du président : « Emmanuel Macron a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes la grande cause de ses quinquennats ».

Le 13 novembre, près de quarante députés et sénateurs français ont appelé le gouvernement à modifier sa position : « Alors qu’en France, 0,6 % des plaintes pour viol aboutissent à une condamnation, l’introduction de la notion de consentement dans la définition du viol ferait une véritable différence pour les victimes de violences et contribuerait à pallier les lacunes du code pénal ».

Selon une source européenne pour Le Monde, « C’est Emmanuel Macron qui a arbitré et décidé que la France ne souhaitait pas une définition européenne du viol assise sur la notion de consentement ».

Kirstine Holst, danoise et victime de viol, a partagé son témoignage. Déterminée à obtenir justice, elle est allée voir la police. Six mois après un processus complexe, lent et indiscret, l’auteur du viol a été acquitté. Elle estime :

« L’aspect le plus difficile de cette expérience a été le fait que la police, les avocats et le juge se sont concentrés sur l’existence ou non de preuves de violence physique : on cherchait à déterminer si j’avais résisté, et non pas si j’avais consenti ».

Elle explique avoir dit « non » à plusieurs reprises, mais en vertu de la loi danoise de l’époque, dire non et se débattre n’étaient pas suffisants.

La loi a désormais changé au Danemark, mais quatorze États membres ne mentionnent toujours pas le consentement comme notion primordiale dans la définition du viol. La France a pourtant signé la convention d’Istanbul, qui déclare que tout acte de nature sexuelle non consenti doit être défini comme un crime.

Se concentrer sur la résistance et la violence a des conséquences sur le signalement des viols, mais également sur la sensibilisation générale aux violences sexuelles, deux éléments essentiels pour prévenir le viol et lutter contre l’impunité.

Le 13 décembre, un nouveau trilogue décisif aura lieu. Près de 200 000 citoyens et citoyennes français ont d’ores-et-déjà signé une pétition pour faire entendre leur voix contre le sabotage de cette loi européenne.

Sources : Virginie Malingre, « La France refuse que la Commission européenne intervienne dans la définition du viol », 15/11/2023, Le Monde / « Briser le silence sur mon viol », Amnesty International, 03/04/2019

Maïté Debove

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