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Le gouvernement augmente l’autorisation de tirs sur les loups, menaçant la survie de l’espèce

Cette augmentation du seuil autorisé de la destruction des loups fait du « tir de défense simple » une réponse systématique à la proximité des loups près des troupeaux. Pourtant, l’augmentation des tirs s’est accompagnée d’une hausse des attaques sur les troupeaux : la méthode est donc un échec patent pour protéger les animaux des éleveurs.

Fin octobre, les Ministères de l’Environnement et de l’Agriculture ont publié un arrêté permettant d’augmenter les tirs sur les loups : jusqu’à 21% des effectifs de loups pourront dorénavant être tués chaque année ! Les associations de protection de la nature dénoncent un rehaussement dangereux pour la pérennité de l’espèce, et une politique de tir systématique inefficace pour protéger les troupeaux.

De 12% en 2018 à 21% en 2020

Publié le 23 octobre 2020 par les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, l’arrêté fixe le nombre maximum de loups dont la destruction pourra être autorisée chaque année. Si le seuil de 19% de loups abattus est atteint avant la fin de l’année 2020, le taux de destruction de l’espèce pourra aller jusqu’à 21% de la population totale.

Sur une population estimée à 580 individus sur tout le territoire français, ce sont donc 121 loups qui peuvent être abattus cette année. En 2020, 97 loups ont déjà été tués.

Ce seuil de 21% est le plus élevé à être autorisé depuis le retour depuis le retour de l’espèce en France, dans les années 1990. Comme le précise l’association 30 millions d’amis, l’arrêté du 19 février 2018 fixait ainsi le nombre maximum de spécimens de loups « à détruire » à 10% de leur population, avec une destruction supplémentaire de 2% prévue une fois ce plafond atteint.

« Et si l’arrêté de 2019, en tant qu’ « expérimentation », valait seulement pour« l’année civile 2020 », en revanche, le nouvel arrêté s’appliquera « chaque année » ! » s’alarme l’association de protection des animaux

Derrière les chiffres, c’est une tendance très concrète qui se dégage : alors que la population de loups stagne de façon inquiétante sur le territoire, le nombre de tirs lui ne fait qu’augmenter.

« La population de loups augmente moins que ce qu’elle devrait être car on a encore beaucoup d’habitats favorables au loup où aucune reproduction, ou famille installée, n’est constatée : Massif Central, Vosges, Pyrénées, et de nombreuses forêts de plaine. Le grand noyau de production des loups est situé dans le grand quart Sud Est de la France, et cette population est passée de 22% à seulement 9% de croissance en un an ! Même si les loups sont une espèce plus dynamique que les ours, cette politique de tirs intensive menace leur conservation ! Ce ralentissement de la croissance de leur population devrait amener les pouvoirs publics à la prudence au lieu d’augmenter le plafond de loups pouvant être abattus… » explique Sandrine Andrieux, Chargée de Communication pour Ferus, à La Relève et La Peste

En effet, pour fixer ces taux, l’Etat s’appuie sur le seuil le plus drastique d’une expertise de l’ONCFS et du MNHN selon laquelle 500 individus matures est le minimum absolu pour la conservation de l’espèce. Or, cette même étude précise surtout qu’il faut une taille minimale de 2500 à 5000 individus pour obtenir une population vraiment viable chez les loups.

Une louve et ses petits – Crédit : Bildagentur Zoonar GmbH

Le tir systématique inefficace pour la protection des troupeaux

Cette augmentation du seuil autorisé de la destruction des loups fait du « tir de défense simple » une réponse systématique à la proximité des loups près des troupeaux. Pourtant, l’augmentation des tirs s’est accompagnée d’une hausse des attaques sur les troupeaux : la méthode est donc un échec patent pour protéger les animaux des éleveurs.

Cette corrélation peut s’expliquer par le phénomène de dispersion des meutes lorsqu’un mâle alpha est abattu. Les loups, qui se retrouvent seuls et affaiblis, privilégient alors les proies les plus vulnérables et faciles que sont les troupeaux domestiques.

« En France, on tire avant de réfléchir ! Or, les tirs ne devraient intervenir que si aucune autre solution n’a fonctionné : mais les moyens de protection des troupeaux mis en place ne sont pas contrôlés sur le terrain. Pire, on a des retours de terrain d’éleveurs qui se voient envoyés la brigade loups plutôt qu’avoir à disposition de vrais moyens de protection. Contrairement à ce qu’une minorité bruyante veut faire croire, de nombreux éleveurs ne sont pas pour l’abattage systématique des loups. Ils veulent juste pouvoir exercer leur activité dans de bonnes conditions. » confie Sandrine Andrieux, Chargée de Communication pour Ferus, à La Relève et La Peste

De fait, des tirs sont ainsi réalisés près de troupeaux peu ou pas protégés. L’association Ferus cite en exemple la hauteur des clôtures électriques d’à peine 80 cm en France alors que l’Allemagne recommande des clôtures d’au moins 1,20 m. 

« Résultat, pour un nombre quasi identique de loups par mouton, il y a presque 5 fois plus d’attaques en France (régions PACA et AURA) qu’en Espagne (province de Castille et León), et 10 fois plus de victimes ! » précise l’ASPAS

Plusieurs études scientifiques vont dans le même sens : les pays qui favorisent de bons outils de protection des troupeaux au lieu de tirer à vue subissent moins de prédation, et s’accommodent mieux de la présence des grands prédateurs.

Certaines études ont même des résultats surprenants, comme celle parue dans la revue Global Ecology and Conservation dont l’un des résultats stipule que les clôtures avec des cordes sur lesquelles sont suspendus des drapeaux colorés, qui se balancent dans le vent et fournissent un signal d’avertissement visuel, sont bien plus efficaces que des chiens de garde.

De plus, ainsi que le stipule la Directive européenne Habit-Faune-Flore, les moyens de protection des troupeaux doivent rester un préalable aux tirs de loups dont l’espèce est strictement protégée au niveau européen grâce à la convention de Berne.

L’association Ferus, accompagnée d’autres ONG, a donc décidé de lancer une action en justice prouvant que la Directive Habitats n’est pas respectée en France, et cela malgré l’opposition unanime aux tirs de loups du Conseil National de Protection de la Nature et de la société civile qui s’est exprimée dans de nombreuses consultations publiques, toutes ignorées.

« Partout en France, les arrêtés préfectoraux se multiplient et sont de mieux en mieux ficelés, ce qui fait qu’on n’arrête pas de perdre devant les tribunaux. A présent, notre solution est de passer au niveau européen. Nous ne sommes pas pour l’arrêt de l’élevage, même si certaines pratiques sont à revoir ! Mais il faut apprendre à avoir des relations pacifiées avec l’espèce : on est pour la cohabitation, essayons de vivre ensemble intelligemment. » plaide Sandrine Andrieux, Chargée de Communication pour Ferus, à La Relève et La Peste

Ce nouveau camouflet pour la protection de la nature est intervenu juste avant les dérogations accordées aux chasseurs pour « réguler les espèces » durant cette nouvelle période de confinement.

Parmi toutes les leçons que pourrait nous enseigner cette crise sanitaire, notre rapport aux autres animaux et aux plus précaires est sans aucun doute une de celles que le gouvernement est en train de rater.

crédit photo couv : Martin Prochazkacz

Laurie Debove

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