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Le décès d’Ulysse lors d’un stage de survie lance le débat sur les dérives du survivalisme

Au-delà de l’aspect règlementaire, ce tragique empoisonnement invite les chercheurs d’autonomie à ne pas confondre effet de mode et vraie connaissance du monde sauvage. En effet, le premier enseignement d’un stage de survie est de ne pas se mettre en danger en apprenant à gérer son oxygénation, sa température, et son hydratation.

Le 11 août, Ulysse Tâm Hà Duong est mort empoisonné suite à l’ingestion d’une plante toxique pendant un stage de survie, en Bretagne. Cet événement fait la lumière sur le manque de réglementation du secteur, mais aussi sur les dangers de l’amalgame entre effet de mode survivaliste et réel apprentissage de l’autonomie.

Le folklore du survivalisme

Sur les douze participants au stage de survie organisé par l’ancien militaire John Malardé, huit ont été intoxiqués à l’oenanthe safranée, une plante commune ressemblant aux carottes sauvages, dont la consommation est mortelle même à faible dose. Parmi les huit personnes intoxiquées, Ulysse Tâm Hà Duong, un jeune homme de 25 ans, est décédé à l’hôpital de Lorient, après trois jours de coma.

L’organisateur du stage de survie a été mis en examen pour « homicide involontaire, blessures involontaires, faux et usage de faux » et placé en détention provisoire vendredi 14 août. Dans une pétition, la famille du défunt dénonce le manque de réglementation de ce secteur en pleine expansion sous l’effet de mode du survivalisme :

« Parfois mal organisés et motivés par des considérations financières, les stages de survie peuvent mettre en péril la vie des participants et nous ne pouvons laisser survenir d’autres drames. Nous – sa famille, ses proches, des personnalités de la société civile et des citoyen·nes – demandons au Premier Ministre de faire porter par son gouvernement un projet de loi afin qu’un tel drame ne se reproduise jamais » expliquent-ils dans la pétition

Ulysse Tâm Hà Duong

Pour cause, le marché du survivalisme a le vent en poupe, comme en témoigne le Salon du Survivalisme qui prend de plus en plus d’ampleur chaque année. Ce secteur juteux (185€/pers pour deux jours de stage, matériel non fourni pour le stage mortel) joue notamment sur les peurs des gens face à la prise de conscience de plus en plus aigüe des effondrements en cours et à venir, et la recherche d’adrénaline inspirée par le mythe de l’homme seul face à la nature type Man Vs. Wild.

« Nous, on ne fait pas du « survivalisme ». Je me distingue depuis plusieurs années de certains survivalistes que je trouve dangereux à plusieurs niveaux. D’abord, la peur de la « fin du monde » avec des dérives politiques « ultra » de tous bords. Puis, la dérive expérientielle où les gens demandent des stages recréant des sensations fortes. La survie, c’est rentrer chez toi en bonne santé après ta sortie en plein air. La bonne ambiance de ces entraînements ne doit pas faire oublier que ce n’est ni du loisir, du sport, ou un stage commando. Ce sont des gestes de secourisme appliqués à une activité nature notamment, d’où notre position de survivologie, un objet d’étude rationnel dépassionné au même titre que les premiers secours. » détaille David Manise, instructeur en survivologie au CEETS, pour La Relève et La Peste

La survie désigne ainsi un ensemble de compétences à connaître pour se débrouiller en pleine nature, ou en milieu urbain selon des situations dégradées : coupure de courant/chauffage ou canicule. La question étant alors : quelles sont les compétences nécessaires pour instruire ce qui ressort de la protection civile ? L’association Les Survivants d’Ulysse demande aujourd’hui un référentiel de base légale pour éviter d’autres drames.

« L’objet de cette pétition et de cette action médiatique n’est pas de tout interdire ni d’empêcher de travailler ceux qui le font avec éthique et passion ; mais bien d’éviter que n’importe qui puisse organiser des stages de survie et se proclamer instructeur. » explique Flora, porte-parole, pour La Relève et La Peste

Crédit : Kyle Glenn

La connaissance et le respect du monde sauvage

Au-delà de l’aspect règlementaire, ce tragique empoisonnement invite les chercheurs d’autonomie à ne pas confondre effet de mode et vraie connaissance du monde sauvage. En effet, le premier enseignement d’un stage de survie est de ne pas se mettre en danger en apprenant à gérer son oxygénation, sa température, et son hydratation. Un être humain pouvant jeûner pendant deux semaines, la recherche de nourriture ne doit pas être sa principale priorité.

« Typiquement dans notre cursus, les plantes arrivent à la fin d’un long cheminement car quand on est perdus dans la montagne en France, on est retrouvés en 24h à 72h en moyenne, difficile donc de mourir de faim. L’aspect nourriture nous est souvent demandé car c’est à la mode : dans ces cas-là, les sorties se font avec un.e ethno-botaniste car c’est un sujet extrêmement vaste et qu’on est obligés de le connaître en profondeur ! Il ne faut jamais goûter une plante dont on n’est pas sûrs ! » prévient David Manise, instructeur en survivologie au CEETS, pour La Relève et La Peste

Laurier rose, lierre, colchique, cigüe, belladonne…les plantes sauvages toxiques mériteraient d’être enseignées dès le plus jeune âge pour éviter de nombreux drames, notamment avec l’engouement et le besoin de retrouver une autonomie alimentaire.

En France, la question est éminemment politique puisque le métier d’herboriste a été interdit sous le Régime de Vichy en 1941. Aujourd’hui, des parlementaires, pharmaciens et médecins phytothérapeutes se mobilisent pour réhabiliter les métiers de l’herboristerie.

De la même façon, la « survie de l’humain en pleine nature » ne doit pas être accompagnée d’une vision utilitariste de son environnement, mais bien du respect et de la connaissance du monde sauvage.

« La nature n’est pas un terrain de jeu, une salle de gym ou une série tv ! Déjà qu’on occupe une grande partie du territoire avec les espaces urbains et agricoles, si en plus on va s’amuser dans les espaces sauvages en dérangeant la faune et la flore, ils n’auront plus aucun répit. Il est primordial d’apprendre à faire attention à l’impact de notre présence sur le milieu, notamment en hiver en montagne où trop d’animaux perdent des calories précieuses à cause des promeneurs, mais aussi des dommages que des lampes frontales très puissantes peuvent causer aux oiseaux et aux chouettes. Tous les survivalistes ne sont pas à mettre dans le même panier, plein de gens chouette en sont et ce sont ce genre de choses dont les gens n’ont pas forcément conscience qu’on essaie de transmettre. » précise David Manise, instructeur en survivologie au CEETS, pour La Relève et La Peste

La réglementation de ce secteur en pleine expansion permettrait alors de protéger les usagers, pour que le décès d’Ulysse ne soit pas le premier d’une série morbide, mais aussi le monde sauvage de touristes bruyants à la recherche de sensations fortes.

Laurie Debove

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