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Le combat emblématique de 4 paysans contre la SAFER et pour l’installation

Leur connaissance du milieu les pousse à ne rien lâcher, « non seulement pour nous mais aussi pour montrer que c’est possible de s’installer, malgré les difficultés qui peuvent exister ».

Alors que l’installation de 4 paysans a dans un premier temps été refusée par la Safer au profit d’un projet concurrent d’agrandissement, le combat continue depuis que les services de l’Etat ont invalidé la décision. Un signe encourageant pour mettre la Safer face à ses responsabilités et pour les paysans qui cherchent à s’installer.

Le combat de 4 paysans pour l’installation

Une fois n’est pas coutume : l’agroindustrie continue d’accaparer les terres aux dépens de la paysannerie. Le 3 octobre, plusieurs centaines de personnes l’ont de nouveau déploré dans les rues d’Angers, puis dans la chambre d’agriculture locale où siège la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) des Pays de Loire.

En cause, un projet d’installation paysanne qui a été initialement refusé à Denée (Maine-et-Loire) sur la ferme des Joncs, pour quatre personnes qui souhaitaient reprendre 170 hectares en vente, alors que le projet semblait correspondre aux exigences du Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles (SDREA) et prévoyait élevage bovin, maraîchage et production céréales. Quatre installations étaient portées par le dossier, avec la possibilité d’inclure trois autres installations, dont 2 maraîchères en fleurs coupées et une éleveuse de bovins.

Malgré cela, un projet concurrent monté par des personnes déjà installées (dont le trésorier de la FDSEA locale), ont dans un premier temps été préférés par le conseil d’administration de la SAFER, dont le rôle est pourtant en principe de favoriser en premier lieu les projets d’installation et non ceux d’agrandissement. Une décision finalement annulée par la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), vendredi 11 octobre, qui met de nouveau en concurrence les deux projets.

Un combat emblématique

Cet exemple, s’il a été médiatisé et a rassemblé un grand nombre de soutiens, est pourtant loin d’être isolé. Au contraire, il est même révélateur d’une lutte générale qui vise à favoriser l’installation paysanne, rudement mise à mal par la mainmise de l’agroindustrie sur les terres agricoles. Une situation tellement courante, que Maëlys, une des « 4 de Denée » – avec Simon, Clémence et Marius – se dit certes « déçue et frustrée, mais pas surprise ».

Il faut dire que pour les 4 camarades, les rouages et les difficultés de l’installation sont bien connus : Maëlys travaille depuis 8 ans à la coopérative d’installation en agriculture paysanne, où Simon est également passé ; Clémence au Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural (Civam) de Maine-et-Loire.

Une connaissance du milieu qui les pousse à ne rien lâcher, « non seulement pour nous mais aussi pour montrer que c’est possible de s’installer, malgré les difficultés qui peuvent exister ».

Pour Nico, membre des Soulèvements de la Terre, qui soutient la mobilisation, « c’est un cas évident d’accaparement problématique » qui révèle au grand jour les biais et manœuvres qui jouent en défaveur de l’installation paysanne, au profit de l’agro-industrie et notamment du syndicat majoritaire, la FNSEA. Un constat que la Confédération Paysanne déplore, elle qui n’a qu’un seul siège sur les 24 du conseil d’administration de la SAFER du département, contre 12 pour la FNSEA et sa version départementale la FDSEA.

Résultat, « la SAFER est aux mains de la FNSEA, et ce depuis la création du syndicat », dénonce Ben, du comité départemental de Maine et Loire de la Confédération Paysanne. Le président lui-même, Bernard Bellanger, est issu de la FNSEA. « Avec notre seul siège, on est un peu la caution démocratique de la SAFER », ironise Ben.

Les 4 de Denée avec la Confédération paysanne

« Plus grand plan social de l’histoire »

Ce fonctionnement entraîne depuis des décennies la disparition drastique d’exploitations et de paysans, alors qu’elles ont tendance à s’agrandir massivement pour mieux obéir au modèle agricole industriel. S’ajoute à cela le vieillissement de la profession, si bien qu’il est estimé que la moitié des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite dans moins de 10 ans.

D’où l’importance de favoriser l’installation d’une part, mais aussi de venir en aide aux personnes non issues du milieu agricole, qui représentent 60% des candidats à l’installation, et portent par ailleurs des projets d’installation agroécologiques. En bref, « depuis les années 1960, la FNSEA organise le plus grand plan social de l’histoire », soupire le membre de la Conf’.

Pour autant, les installations paysannes existent, mais « seulement quand c’est marginal », continue le syndiqué. Sur les 170 hectares à reprendre sur la ferme des Joncs, les soutiens des « 4 de Denée » estiment que c’est justement parce que la surface est trop grande pour de l’agroécologie que le projet a été retoqué par la SAFER.

Pour Mona, elle-même en cours d’installation paysanne dans les Pays de Loire, « la SAFER s’appuie sur des règles économiques ». Un projet n’apportant pas suffisamment de bénéfices financiers aux yeux des membres de la SAFER aura donc davantage de risques d’être refusé, quand bien même le modèle économique est solide. Ce qui est vraisemblablement le cas, encore, pour le projet des 4 camarades puisqu’il a reçu le soutien et un apport bancaire par un établissement qui a donc inévitablement reconnu la robustesse de la proposition.

Occupation surprise de la SAFER et chambre d’agriculture d’Angers le 03 octobre

SAFER désapprouvée

Après les remous créés par la mobilisation du 3 octobre et par les prises de position opposées, la SAFER a publié un communiqué en guise de « clarification des faits pour une meilleure compréhension », précisant par ailleurs avoir suivi un « processus rigoureux et transparent ». En réponse, les défenseurs des « 4 de Denée » estiment que la SAFER omet dans son explication que les jeunes paysans sont prêts à trouver des compromis avec les voisins et autres acteurs impliqués.

Un communiqué qui n’a vraisemblablement pas suffi à convaincre la commissaire du Gouvernement à la Draaf Caroline Renoult, puisqu’elle a invalidé le verdict de la SAFER le 11 octobre, alors que sa décision était attendue pour le 24 au plus tard.

Si rien n’est encore joué pour le moment, « l’important est de montrer la mainmise de la FNSEA et que leurs déclarations sont toujours remplies de mensonges », assure Ben, de la Confédération paysanne. Les 4 camarades quant à eux, continuent les négociations, même si « les cédants ont rompu les discussions avec nous et se sont affichés avec les autres », note Simon, l’un des quatre paysans.

Ce dernier était d’ailleurs présent le 14 octobre lors d’une réunion de concertation à la mairie de Denée, à laquelle se sont présentés ses camarades, leurs concurrents ainsi que des élus et le président de la Safer 49, Alain Denieulle. « Il était dans le déni de la décision de la Draaf toute la soirée », dénonce Simon. A cette occasion, les 4 de Denée ont insisté sur leurs efforts pour permettre les sept installations envisagées.

La lutte est donc encore loin d’être terminée, et les médiations se poursuivent, notamment pour « mettre la SAFER face à ses responsabilités ». Une responsabilité théoriquement en faveur aux quatre paysans, mais aussi en faveur de tous les autres projets écrasés par la FNSEA et l’agroindustrie.

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Pierre-Yves Lerayer

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