Face aux ravages du climatoscepticisme, le CNRS a sorti un livre au titre évocateur « Tout comprendre (ou presque) sur le climat ». Afin que les politiques s’emparent enfin des enjeux climatiques, le Président du CNRS en a envoyé 1000 à tous les députés, sénateurs et présidents de Région en France. Un succès littéraire qui s’infiltre jusque dans les plus grands groupes du CAC40, le but : lever les blocages pour amorcer un changement sociétal à la hauteur de la gravité de la situation.
Le CNRS avait repéré des sites climato-sceptiques extrêmement bien référencés sur Google et a décidé de prendre les choses en main. Après réflexion, ils ont fait appel au vulgarisateur scientifique Thomas Wagner, plus connu sous le nom de BonPote, pour faire une série d’articles répondant aux préjugés et idées reçues sur le climat.
« Le 1er article m’a demandé 1 mois de travail et a été relu par Jean Jouzel lui-même. J’ai lu les blogs climatosceptiques pour voir les arguments qui revenaient le plus souvent, et on est parti d’une idée pour la démystifier. L’apport du CNRS a été de préciser comment étaient calculés les mesures, la méthode scientifique pour chaque sujet. Certains sujets étaient plus éprouvants que d’autres, notamment celui sur les canicules où j’ai réalisé à quel point on n’est pas prêts et qu’on ne fait rien pour inverser la tendance… » raconte Thomas Wagner, aka BonPote, pour La Relève et La Peste
Forts du succès de cette série, Anne Brès, responsable de la communication de l’Institut des sciences de l’Univers au CNRS (CNRS-INSU), a alors proposé d’en faire un livre, toujours en collaboration avec le vulgarisateur scientifique BonPote, l’illustratrice Claire Marc et Anne Brès, sous la houlette du CNRS.
Paru en mars 2022, il se nomme « Tout Comprendre (ou Presque) sur le climat ». Déjà écoulé à 15 000 exemplaires, le but du livre est de faire de l’éducation et de la vulgarisation scientifique pour toucher le plus grand nombre de personnes possible et qu’elles se forment sur les sujets climatiques. Le Président du CNRS a également pris la décision de l’envoyer à 1000 députés français et européens.
« L’étape zéro face à ce qui nous arrive, c’est d’en avoir conscience et c’est malheureusement très très loin d’avoir été intégré par la majorité de la population. Niveau politique, il s’agit de réaliser que les sujets écologiques sont vitaux et pas assez traités et/ou financés. Les moyens alloués à la recherche baissent, ceux de surveillance des aléas climatiques aussi alors qu’ils augmentent en fréquence et en intensité. Et quand on voit certains politiques tenir une posture climato-sceptique assumée comme Anne-Laure Blin des Républicains, on réalise à quel point le chemin est long ! » explique Thomas Wagner, aka BonPote, pour La Relève et La Peste
L’idée fait des émules : l’activiste Guillermo Fernandez et la présidente du conseil suisse ont acheté 50 exemplaires du livre pour les donner à leurs députés. Deux groupes du CAC40, dont le nom sera bientôt dévoilé, en ont acheté également. Face à la demande, le livre va également être traduit en anglais, tout comme le site BonPote.
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« C’est génial, ça veut dire que des individus convaincus du problème s’accrochent pour faire bouger les choses en interne dans des secteurs ayant un impact écologique dantesque. Le dérèglement climatique devient un sujet incontournable, mais tout n’est pas gagné. Je pense aux ordres de grandeur tous les jours, je vois encore des influenceurs proposer des concours pour gagner des voyages en avion qui ont toujours 100 fois plus d’audience que les articles sur le dernier rapport du GIEC. Quand j’ai proposé de baisser la vitesse sur les autoroutes, j’ai reçu une menace de mort : les tensions sont de plus en plus vives. » explique Thomas Wagner, aka BonPote, pour La Relève et La Peste
De fait, l’ancien ministre des transports Jean-Baptiste Djebbari est un symbole du problème à lui seul. Alors que les transports représentent 31% des émissions de GES en France, il a préféré « troller les ONGs comme Greenpeace durant son mandat et fait la publicité de taxis volants et de l’avion vert, plutôt que d’investir dans des transports en commun pour tous et réduire l’impact de la voiture individuelle » énumère BonPote.
L’annonce de sa nomination en tant qu’administrateur du conseil d’administration de la société privée de voitures de luxe à hydrogène, Hopium, alors que Djebbari a lancé le plan hydrogène de 7 milliards d’euros d’investissements publics a créé la polémique. Un exemple de pantouflage flagrant, malgré tout validé par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique qui a tout de même refusé que l’ex-ministre devienne vice-président exécutif chargé du pôle spatial de l’armateur CMA/CGM.
Face à des politiques qui privilégient leur intérêt personnel avant l’intérêt général et à la faible place du climat dans les débats télévisés lors de la présidentielle, le désespoir peut vite arriver. Mais pour Thomas Wagner, pas question de se résigner.
« Le dernier rapport du GIEC est très clair. Nous devons atteindre un pic des émissions au plus tard en 2025. Il faut bien comprendre : on n’a pas 3 ans pour agir mais 40 ans de retard ! Pourtant, penser que tout est foutu n’a aucun sens. Plus tard on va agir et moins on aura d’options pour éviter les catastrophes ni les dégâts irréversibles et il y en a déjà. Le GIEC l’a bien rappelé : nous avons notre avenir climatique entre les mains. » décrypte Thomas Wagner, aka BonPote, pour La Relève et La Peste
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Son combat : atteindre un point de bascule social qui fait qu’une partie suffisante de la population se sent suffisamment engagée pour que les pouvoirs publics ne puissent plus ignorer l’urgence climatique et aient enfin une vision à long terme. A ses yeux, la nomination des ministres de la transition écologique et énergétique, ayant toutes deux un profil néolibéral et technoscientiste, prouvent que l’illusion de la croissance verte imprègne encore trop les politiques « alors que la littérature scientifique sur le sujet nous dit que le découplage PIB/énergie est extrêmement difficile voire impossible ».
Surtout, la justice sociale est une condition sine qua none, inscrite noir sur blanc dans le deuxième volet pour les décideurs du rapport du GIEC, pour parvenir à limiter les dégâts. Un angle mort catastrophique de la politique française, à de rares exceptions près.
« Il faut en finir avec les préjugés et idées préconçues. L’innovation n’est pas forcément synonyme de progrès, et l’optimisation fiscale qui fait perdre de l’argent à l’hôpital public non plus ! Etre écolo ou décroissant ne veut pas dire qu’on s’oppose aux technologies, on souhaite simplement une plannification pour aller vers une société écologique maximisant le bien-être de toute sa population et éviter des inégalités trop fortes vectrices de crise sociale, tout le monde devrait vouloir ça. » conclut Thomas Wagner, aka BonPote, pour La Relève et La Peste
Crédit photo couv : Gustave Deghilage