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Le changement climatique asphyxie de plus en plus la vie dans les lacs

« Plus petits que les mers et les océans, [les lacs] réagissent plus rapidement aux effets des changements environnementaux, indique dans un communiqué l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), qui a participé à l’étude. Ils représentent ainsi de véritables sentinelles des impacts du changement climatique sur les écosystèmes. »

Les lacs des zones de climat tempéré se vident peu à peu de leur oxygène, à une cadence plus rapide que les océans, révèle une étude internationale publiée le 2 juin dernier dans la revue Nature (« Widespread deoxygenation of temperate lakes »).

Un phénomène inquiétant

Pilotée par l’Institut polytechnique Rensselaer, plus ancienne université technique des États-Unis, une large équipe de chercheurs a analysé 45 148 échantillons d’eau provenant de 393 lacs tempérés du globe, principalement d’Amérique du Nord et d’Europe.

Le regroupement d’une telle documentation a été rendu possible par le GLEON, un réseau d’observatoires des lacs comptant plus de 850 membres bénévoles dans 62 pays.

Les conclusions de cette étude d’ampleur inédite sont sans appel : depuis le début des années 1980, les niveaux d’oxygène des eaux analysées ont diminué en moyenne de 5,5 % dans les eaux de surface et de 18,6 % dans les eaux profondes.

Chaque décennie pendant quarante ans, la concentration en oxygène des eaux de surface a diminué de 0,11 milligrammes par litre, tandis que leur température globale augmentait de 0,38 °C, sous l’effet de la hausse contiguë des températures de l’atmosphère.

En se réchauffant, les eaux perdent une partie de leur capacité de rétention de l’oxygène : plus l’eau est chaude, moins l’oxygène y est soluble. Avec le temps, les concentrations s’appauvrissent.

Les eaux profondes, quant à elles, ne connaissent pas de variation notable de chaleur, mais elles pâtissent indirectement du réchauffement de l’atmosphère. Plus chaudes, les eaux de surface sont aussi moins denses que celles des fonds. Si l’écart de densité se creuse, les différentes strates aquatiques des lacs ne parviennent plus à se mélanger.

Sans mélange, le brassage et le renouvellement de l’oxygène diminuent. C’est ce qui explique que dans les couches profondes, la chute des concentrations d’oxygène soit plus importante.

Lac Fusine en Italie – Crédit : Hasmik Ghazaryan Olson

Menaces sur les écosystèmes lacustres

« Plus petits que les mers et les océans, [les lacs] réagissent plus rapidement aux effets des changements environnementaux, indique dans un communiqué l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), qui a participé à l’étude. Ils représentent ainsi de véritables sentinelles des impacts du changement climatique sur les écosystèmes. »

La raréfaction de l’oxygène met en péril les écosystèmes lacustres, qui figurent déjà parmi les plus menacés et dégradés au monde, malgré leur immense richesse en biodiversité. La plupart des organismes vivants y sont dépendants de la qualité des eaux et de leur haute teneur en oxygène. 

Pendant l’été, par exemple, certaines espèces de poissons s’enfoncent dans les eaux profondes afin d’y trouver une fraîcheur indispensable à leur métabolisme. Lorsque la surface se réchauffe et que l’oxygène des fonds diminue, ces animaux sont pris en étau entre fièvre et suffocation, un stress qui affecte leurs capacités de reproduction, de prédation et de résistance. Pour certaines espèces, c’est alors le déclin.

La désoxygénation des lacs fait par ailleurs proliférer les microorganismes plus adaptés aux environnements pauvres en oxygène, parmi lesquels « certaines bactéries qui produisent du méthane », précise l’INRAE dans son communiqué.

Or le méthane, que relâchent aussi les vaches, est un gaz 25 fois puissant que le dioxyde de carbone. Avec les lacs comme avec d’autres phénomènes actuels, le réchauffement climatique pourrait donc entraîner un emboîtement de conséquences.    

Le lac d’Anterselva – Crédit : eberhard grossgasteiger

Des lacs bientôt asphyxiés

Dernier danger : l’eutrophisation. Lorsque les taux d’oxygène baissent, les sédiments des fonds lacustres libèrent de la pollution métallique et des nutriments tels que le phosphore, dont des apports excessifs favorisent l’apparition de cyanobactéries toxiques qui, à terme, peuvent rendre l’eau impropre à la consommation, voire tuer toute forme de vie aquatique.

Le changement climatique n’est pas la seule cause de l’hypoxie des eaux profondes des lacs.

Une étude de l’Institut national de la recherche scientifique du Québec parue en 2016 a montré que ce sont d’abord les nutriments d’origine anthropique, via « l’exportation de phosphore de la terre vers les cours d’eau et les lacs » (eaux usées, traitées ou non, engrais, ruissellement), qui déclenchent les phénomènes d’eutrophisation.

Quand l’apport en nutriments est trop important, l’eau se trouble, la croissance des plantes aquatiques qui fournissent de l’oxygène aux lacs est inhibée — et tout s’emballe : perte de clarté des eaux signifie moins d’oxygène, donc prolifération de bactéries, qui elles-mêmes consomment de grandes quantités d’oxygène…

Le lac Léman, par exemple, à cheval entre la France et la Suisse, peine à renouveler ses eaux profondes et est, de ce fait, menacé par l’eutrophisation.

Selon la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (Cipel), le géant alpin n’aurait pas été entièrement réoxygéné depuis huit ans, le brassage des eaux n’atteignant que 100 à 200 mètres de profondeur en fonction des années, sur les 300 des parties les plus basses.

En empêchant les eaux de surface de refroidir en hiver, le réchauffement climatique serait-il responsable de ce problème chronique ?

Lac Léman, Pully, Suisse – Crédit : Nathanaël Desmeules

Les lacs, mais aussi les océans

L’étude internationale des lacs européens et américains souligne que la baisse des concentrations lacustres d’oxygène s’accomplit « à une vitesse 3 à 9 fois plus rapide que celle des océans », sans doute parce qu’il s’agit d’étendues plus réduites. 

Cela n’empêche pas les océans de perdre progressivement, eux aussi, leurs ressources en oxygène. Au cours de cinq dernières décennies, note le journal Le Monde, « le volume global de l’oxygène dissous » dans l’océan mondial « a diminué de 2 % ».

Cette diminution reste inégale d’une région à l’autre. Mais elle est suffisante pour que 700 zones mortes, c’est-à-dire frappées par un phénomène d’hypoxie annihilant toute vie, aient été recensées en 2019, aux quatre coins du globe. Elles résulteraient des rejets de nitrates et de phosphates de l’agriculture intensive, ainsi que des eaux usées acheminées par les fleuves.

Augustin Langlade

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