La semaine dernière, deux questeurs de l’Assemblée Nationale, Florian Bachelier (LREM) et Éric Ciotti (LR) ont décidé d’augmenter la dotation matérielle allouée à chaque député. Cette enveloppe, destinée à couvrir les frais de téléphone, de taxi et d’affranchissement postal, est passée de 18 950€ à 21 700€ par an.
« Vous avez une cinquantaine de députés qui, du fait du confinement, ont multiplié les envois pour garder le lien avec leurs circonscriptions » et « ont dépassé cette enveloppe », a déclaré Christophe Castaner sur BFMTV-RMC.
Celui-ci a également souligné qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une augmentation du salaire des députés et que cette hausse ne coûterait rien au contribuable, car elle serait compensée par des économies dans d’autres domaines.
Malgré cela, dans le contexte actuel, le moment ne pouvait être plus mal choisi. Les députées Sereine Mauborgne, Valérie Gomez-Bassac et Cécile Muschotti ont d’ailleurs exprimé leur désaccord dans le Var Matin.
Celles-ci précisent que les questeurs « ont voté cette décision en Bureau sans que nous, élus et premiers concernés, n’ayons été consultés ».
« Nous y sommes opposées et ne comprenons pas cette décision en pleine crise sanitaire, économique et sociale » affirment-elles, ajoutant qu’il s’agit de « crédits que nous n’utilisons pas pleinement et encore moins en période de crise ».
Il paraît en effet évident que ces derniers mois, les frais de taxis n’ont pu que diminuer. Par ailleurs, le rapport de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2021, mené par Christophe Naegelen (Union des démocrates et indépendants, UDI, Vosges) démontrait qu’en 2019 les députés consommaient en moyenne 54,14 % des fonds de leur DMD.
Difficile donc pour les élus de comprendre et accepter cette décision. Dans les couloirs de l’Assemblée, certains prétendent même que cette augmentation aurait été pensée pour répondre aux besoins d’une petite minorité : seuls une cinquantaine d’entre eux aurait dépassé le plafond de leur DMD au 31 décembre 2020 sur les 577 élus de l’Assemblée.
Alors que l’hôpital a désespérément besoin de fonds et que l’on compte actuellement 10 millions de pauvres en France, cette décision fait une fois encore apparaître les élus comme déconnectés de ce que les citoyens attendent.
« Au-delà de la somme elle-même, c’est un affichage épouvantable, à l’heure où on explique qu’on ne peut pas augmenter le Smic », réagit Pierre-Edouard Magnan, président du Mouvement National des Chômeurs et Précaires. Contacté par La Relève, celui-ci considère cette mesure « à la fois hors de propos et indécente ».
« Quand on l’exprime, on s’aperçoit de son absurdité : donner de l’argent aux députés pour envoyer du courrier. Alors qu’à côté de ça on est dans une période extrêmement compliquée en termes de recherche d’emploi… »
« Il faut rémunérer nos élus correctement, c’est évident », continue-t-il. « On pourrait parler de la rémunération des maires des patelins de campagnes qui travaillent énormément et sont payés au lance-pierre ».
Pourtant, des pays comme la Nouvelle-Zélande ont prouvé qu’il était possible pour des élus de montrer leur solidarité. En avril 2020, la Première ministre Jacinda Ardern avait annoncé 20% de réduction de salaire pour elle-même, ses ministres et les chefs des services publics.
crédit photo couv : Hémicycle du Palais Bourbon, Paris. – NonOmnisMoriar