L’État Français, l’Espagne et l’Union Européenne déploient un projet électrique titanesque jamais réalisé auparavant : l’enfouissement d’une ligne Très Haute Tension de 400 000 Volts, soit l’équivalent de 2 centrales nucléaires, dans les Landes. Depuis plus d’un an, les habitants luttent contre le projet, inquiets pour les répercussions sur leur santé et les écosystèmes.
Protéger l’humain…
En juin 2021, La Relève et La Peste avait mené l’enquête sur cette lutte similaire à David contre Goliath. D’un côté, des habitants refusant d’être des cobayes. De l’autre, la France, l’Espagne et l’Union Européenne portant le projet dit Inelfe (Interconnections Electrique France Espagne), porté par une société mixte entre REE (Red Eléctrica de España) et le français RTE (Réseau Transport d’Electricité, filiale d’EDF).
L’interconnexion électrique France-Espagne par le Golfe de Gascogne est un projet colossal, jamais réalisé auparavant dans le monde, reliant Cubnezais, en Gironde, à Gatixa, au nord de Bilbao via une ligne Très Haute Tension (THT) de 400 000 Volts et longue de 400km.
En 2021, les landais ont découvert avec stupeur qu’un bout de ces 420km de câble électrique va devoir passer sur Terre, devant leurs maisons et forêts, en raison d’un canyon sous-marin empêchant son déploiement total dans les fonds marins.
Après une première mobilisation réussie et une pétition recueillant plus de 28 000 signatures, les habitants ont obtenu l’attention des élus, mais aussi de RTE qui a proposé un nouveau tracé. Une proposition toujours incohérente pour les membres du collectif Stop THT 40 car le nouveau fuseau envisage de passer sur « d’autres zones également habitées, dans une zone protégée, ainsi que sur un terrain marécageux ».
Surtout, les habitants n’ont pas reçu les études prouvant que le franchissement sous-marin était techniquement infaisable, alors qu’il y a dans le collectif un ingénieur capable de lire et comprendre ces études, et leurs pires craintes sur les Champs Electro Magnétiques (CEM) émis par ce projet démesuré ont plutôt été confirmées.
« Contrairement à ce qu’ils disent, les 400 000 volts en courant continu, c’est quelque chose de peu commun. On a beaucoup creusé la question, y compris en se rapprochant de scientifiques étrangers de tous bords : la conclusion c’est qu’ils ne peuvent absolument pas garantir l’innocuité d’une telle ligne.
On a même des preuves qu’il y a danger avéré sur des espèces, des cas de surdité et de cécité sur les cétacés, de mauvaise croissance sur les homards dans les fonds marins, et l’expert de RTE a dit lui-même que les porteurs de pacemakers et de pompes à insuline risquent d’être touchés, c’est absolument hallucinant ! » dénonce Bernard Pentiaux, ingénieur EDF récemment retraité et membre du Collectif Stop THT 40, auprès de La Relève et La Peste
Face à tous ces risques sanitaires, le collectif exige que soit appliqué le principe de précaution et l’Instruction Batho, qui depuis 2013 préconise impérativement de ne pas implanter de telles lignes notamment à moins de 100m d’établissements recevant des enfants.
… et les écosystèmes
Les répercussions sur la santé humaine sont loin d’être les seules craintes des habitants. C’est le cas d’Emmanuelle, qui a découvert le projet à la fin de l’été en trouvant des marquages roses sur des centaines d’arbres, des pins et chênes-liège emblématiques de la région, destinés à être abattus pour faire les travaux d’enfouissement.
« Ils veulent faire une tranchée de 7m de large sur des kilomètres avec on ne sait combien de centaines d’arbres qui seront abattus. Notre maison se trouve à 40 mètres du tracé, nous avons été complètement affolés avec les voisins en découvrant ces marques » raconte Emmanuelle, membre du Collectif Stop THT 40, pour La Relève et La Peste
Et cette inquiétude se propage désormais à tous les habitants de la région : les jeunes et surfeurs s’inquiètent des conséquences sur l’Océan et ses rivages, notamment les dunes très fragiles, pareil pour les pêcheurs qui craignent que les populations de poissons soient dramatiquement touchées par les CEM.
Un agriculteur dont l’activité se trouve sur le passage du fuseau s’inquiète « que se passera t’il si nous remarquons le moindre impact, en plus de la santé humaine, de cette ligne THT sur notre biodiversité (disparition d’oiseaux, d’abeilles ou d’amphibiens installés, arrêt de croissance de certaines espèces d’arbres, de plantes, de champignons si les champs magnétiques sont supérieurs à ce qui est annoncé…) ? »
Effectivement, de nombreuses études, du fait de la multiplication des champs éoliens en mer et leur nécessaire raccordement en courant continu au continent, ont commencé à évoquer et mettre en évidence des effets sur le vivant des CEM statiques anthropiques (créés par l’homme).
Le Conseil National pour la Protection de la Nature a d’ailleurs émis un avis défavorable au projet et les associations environnementales demandent purement et simplement son abandon total, n’importe quel tracé risquant d’avoir des dommages mal connus sur les écosystèmes.
La municipalité de Capbreton a reçu les membres du collectif hier avant de voter une délibération début décembre pour établir clairement la position de la commune.
De l’autre côté des Pyrénées, les espagnols ont également créé une mobilisation pour protester contre la façon dont est construite ce projet. Ils dénoncent la création d’un « grand marché de l’énergie » conçu pour faire plaisir aux industriels, plutôt que pour répondre aux réels besoins de la population.
La fronde citoyenne a gagné un peu de temps. Alors qu’ils étaient censés avoir déjà démarré, les travaux ne débuteront pas dans les Landes avant la fin de l’enquête publique en cours du 17 Octobre au 16 Décembre 2022. Afin de faire monter la pression et d’inciter le plus grand nombre à y répondre, une grande mobilisation est prévue ce dimanche 4 décembre à Capbreton.