Ils cherchaient un terrain pour leur autonomie, ils sont tombés amoureux d’un moulin à eau abandonné. Dans les Landes, à Mimbaste, Andrea et Xavier ont créé une association pour remettre en marche ce moulin à eau dont l’activité a cessé en 1970.
De l’autonomie alimentaire à la rénovation low-tech
Il faut descendre une petite route escarpée pour se garer devant les grilles du domaine. A Mimbaste, Andrea et Xavier nous accueillent avec un grand sourire. Après des mois de recherche, ils ont eu un coup de cœur pour ce lieu enchanteresque acheté en 2019 : 3 hectares avec de la terre fertile, des points d’eau, mais aussi 3 maisons, 1 moulin à eau et des dépendances datant du 18ème siècle.
Arrivés avec un rêve d’autonomie alimentaire, ils ont planté des arbres et arbustes fruitiers, des vignes et des fleurs partout. Mais bien vite, la rénovation a supplanté les cultures agricoles.
Andrea et Xavier devant la petite maison qu’ils ont rénové – Crédit : Laurie Debove
« Ici nous rénovons 3 maisons, 1 moulin et des dépendances datant du 18ème siècle dans le respect du bâti ancien. Nous choisissons des matériaux non nocifs pour notre santé et pour l’environnement. Nous privilégions des équipements low-tech et facilement réparables » explique Xavier lorsqu’il nous fait visiter les lieux.
Aujourd’hui, tous les toits sont finis. La grange et la petite maison où vivent Andrea et Xavier sont également terminées. Chaque maison a été baptisée d’un prénom de leurs grands-mères : Mimi Cocotte pour la petite maison, Maria, et la grosse Margaux (en hommage à Marguerite et Margarite).
L’écolieu du Moulin Vert, vue aérienne – Crédit : Digital Monster Compagnie
Le moulin a été nommé Jules en hommage au dernier meunier en activité. Le Moulin Neuf est le plus ancien patrimoine de Mimbaste, construit avant même l’église. Longtemps centre d’activités et de rencontres, il existe depuis 1703 et a servi le village jusqu’en 1970.
« Nous avons eu un véritable coup de cœur pour ce magnifique moulin, raconte Andrea en souriant pour La Relève et La Peste. C’est une sorte d’appel du passé qui nous a demandé de prendre soin de ce lieu et d’en faire quelque chose. Vu l’ampleur du projet, on a créé l’association des Amis du moulin de Mimbaste qui compte 8 adhérents, mais une trentaine de personnes viennent régulièrement nous aider »
Un chantier a permis d’enlever la végétation qui étouffait le moulin – Crédit : Béatrice Keres
Un chantier de nettoyage, avec 15 personnes présentes, a permis d’enlever toute la végétation devant le moulin. Le toit a également été réparé. Mais il y a encore un long chemin à faire. Surtout que l’association n’a pas pu compter sur l’expérience du précédent meunier.
« D’après les infos récupérées à droite et gauche, le dernier meunier n’a pas transmis son savoir à sa fille. Lorsque la fée électricité est arrivée dans les campagnes, les moulins électriques sont arrivés dans chaque ferme et le moulin à eau est devenu désuet » précise Xavier pour La Relève et La Peste.
A la fin de la deuxième guerre mondiale, des regroupements de coopérative ont racheté le droit de mouture des petits meuniers, fragilisant encore plus ce métier en voie de disparition. Heureusement pour les Amis du Moulin de Mimbaste, ils ont retrouvé le droit de mouture du moulin aux archives de FranceAgriMer. S’il était rénové, il pourrait ainsi moudre 1000 kg de blé ou de froment par jour.
Jules le dernier meunier en activité
Le moulin à eau, un patrimoine utile pour les rivières
Faute de meunier, les courageux de Mimbaste peuvent compter sur un précieux soutien, celui de l’Association de sauvegarde des moulins des Landes. Son but est d’aider les nouveaux propriétaires à remettre en état les moulins, par leur réhabilitation ou leur reconstruction. Valère Zacchello en est le président. Il est lui-même propriétaire d’un moulin à Montgaillard, datant du XIIIème siècle, qu’il a entièrement rénové.
« J’ai toujours été attiré par l’eau. Je suis né à Venise, ça a dû me marquer, raconte-t-il à La Relève et La Peste en rigolant. Les moulins ont un système hydraulique permettant le passage des poissons migrateurs, sans besoin de passe à poissons. Remettre le moulin en eau est essentiel pour utiliser l’eau et la restituer au cours d’eau. »
Dans les Landes, au XIXème siècle, il y avait 700 moulins à eau, et 5 moulins à vent, soit 1 moulin pour 200 familles. Quasiment tous les cours d’eau étaient ainsi jalonnés par des moulins. Ces véritables « moteurs à eau » pouvaient faire fonctionner une meule, une forge, une scierie, etc. L’énergie était gratuite et propre !
Le moulin de Salem – Crédit : Valère Zacchello
« Tout ce système-là est un savoir-faire vieux de 2000 ans, un système très fiable qui a été abandonné, rappelle Valère Zacchello à La Relève et La Peste. Pour moi, c’est le 3ème patrimoine de France avec les églises et les châteaux. Dans les Landes, on a 45 adhérents dans notre association. Si on faisait revivre nos 45 moulins avec des turbines, on pourrait produire de l’électricité pour les villages »
Le moulin de Mimbaste est un jeune adhérent qui dispose d’une belle capacité de travail avec ses 4 paires de meules et ses 4 rouets, dont l’activité était importante pour le village à l’époque. C’était un moulin prisé pour la Région.
« Il ne paie pas de mine à l’extérieur, mais lorsque l’héritière a ouvert la porte du moulin, une énergie puissante se dégageait de ce lieu, se souvient Xavier avec émotion pour La Relève et La Peste. Malgré le bordel terrible, on sentait son âme et son vécu. Quand on voit tout ce qu’ils ont réussi à faire avec du bois, du fer et de la pierre, j’ai vraiment senti le génie à l’état pur des anciens. Mon côté bricoleur a été bouleversé. »
L’intérieur du Moulin de Mimbaste – Crédit : Ecolieu du Moulin Vert
La problématique, c’est que lorsque l’activité a été abandonnée, le cours d’eau a bouché le canal et le barrage a été submergé par les alluvions. Cela a creusé à côté du barrage un autre cours d’eau qui a perturbé tout le système hydrique. C’est pourquoi l’association des Amis du Moulin de Mimbaste veut enlever toute la boue dans les canaux pour ouvrir les vannes. Les moulins ont un rôle important à jouer pour aider à réparer le cycle des rivières.
« Au Nord de la France, ils ont supprimé 100 barrages dans un cours d’eau, et à côté ils les ont maintenus. Lors de précipitations, c’est le cours d’eau sans barrages qui a connu des crues importantes ! La conclusion de cette expérience, c’est que les petits barrages fractionnent l’eau et évitent que les cours d’eau ne dévalent vers la mer. Ils ralentissent l’eau, détaille Valère Zacchello pour La Relève et La Peste. J’ai fait partie des syndicats des rivières de l’Adour et je me battais chaque fois pour ne pas détruire les barrages créés pour les moulins : ils gardent l’eau l’été, et freinent la vitesse de l’eau l’hiver lors des grandes crues »
En France, la gestion des rivières a longtemps été axée autour d’une « continuité écologique », transformant nos cours d’eau en de minces filets à une branche. Une longue tradition qui nous a fait oublier qu’une rivière en bonne santé est en fait un paysage de bras et de méandres d’eau, qui redonne au sol son rôle d’éponge.
« Lorsqu’il y a un cours d’eau, la politique actuelle est de raser tous les obstacles. Sauf que du coup on supprime les réserves d’eau hivernales ! s’indigne Valère. Les barrages des moulins maintenaient un seuil d’étayage qui permettaient de garder l’eau l’été, et 10% de l’eau du cours d’eau principal en permanence afin d’avoir de l’eau pour que les poissons puissent vivre sans craindre les sécheresses. »
Pour que le Moulin de Mimbaste soit remis en état, il faut rapidement remplacer le bardage extérieur et les poutres maîtresses du plancher, endommagés par le temps et les crues. Enfin, un grand chantier de désenvasement des canaux permettra également au moulin de turbiner. Une fois fonctionnel, le Préfet pourra alors décider de lui redonner son « droit d’eau ».
Afin de sauver ce patrimoine exceptionnel, les Amis du Moulin de Mimbaste participent au budget participatif des Landes. Tout le monde peut voter pour eux, pas besoin d’être un local. Leur rêve, « qu’il y ait à nouveau un jour un meunier dans le moulin » sourient-ils en concluant.
Pour découvrir les moulins et leur univers :
- Le 17 et 18 mai, 30ème anniversaire des moulins en fête : 3 moulins ouverts dans les Landes
- Journée des patrimoines et des petits moulins du 27 au 29 juin