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La Région Bretagne veut favoriser la surpêche industrielle jusqu’en 2027

« Depuis des années, les industriels multiplient les attaques contre ces dispositions et utilisent toutes sortes de prétextes pour rouvrir les vannes des subventions publiques à la construction ou à l’achat de navires », avance BLOOM.

Ce vendredi 16 février, le Conseil régional de Bretagne soumettra une « feuille de route halieutique » à ses conseillers, qui voteront pour la politique des quatre prochaines années concernant le secteur de la pêche et l’aquaculture. Déroulant le tapis rouge à la pêche industrielle au détriment de la petite pêche artisanale, ce document nie « l’enjeu de la transition sociale et écologique du secteur » selon les associations de défense de l’environnement.

Un plaidoyer du productivisme

Divisée en six axes principaux, la « feuille de route » d’une centaine de pages qui s’apprête à être voter à Rennes dresse toute une série d’actions à mettre en place pour l’ensemble des filières halieutique et aquacole jusqu’en 2027.

« Mais ce document supposé être stratégique s’enferme dans un productivisme débridé digne de l’après-guerre », réagit Valérie Le Brenne, chargée de programme pour l’association BLOOM.

Un constat qui se confirme si l’on en croit le premier axe destiné à « agir pour le renouvellement de la flotte » visant particulièrement les semi-hauturiers, hauts de 12 à 24 mètres, et les hauturiers, hauts de plus de 24 m, soit les navires industriels.

Pour rappel, la moitié de la production et de la valeur de pêche en France est assurée par la Bretagne, quand les eaux françaises représentent la moitié de l’espace maritime européen et le deuxième espace maritime mondial.

Il est ici bon de mentionner que l’Union européenne, afin de répondre à la surexploitation de près de 90% des stocks de poissons européens dans les années 1990, a mis en place en 2002 une Politique commune de la pêche, réformée en 2013. Cette dernière avait pour objectif « d’assurer la pérennité des pêcheries et de garantir des revenus et des emplois stables aux pêcheurs », à travers, entre autres, l’interdiction d’aides publiques à la construction de navires neufs.

Mais « depuis des années, les industriels multiplient les attaques contre ces dispositions et utilisent toutes sortes de prétextes pour rouvrir les vannes des subventions publiques à la construction ou à l’achat de navires », avance BLOOM.

L’association y voit là une « volonté d’engager un effort de lobbying à Bruxelles pour faire sauter les rares règles européennes qui ont permis de juguler le problème chronique de la surcapacité des flottes européennes et la surexploitation des espèces marines que cela a entraîné ».

Pour ne rien gâcher, la Compagnie des Pêches de Saint-Malo a investi 15 millions d’euros dans un navire-usine long de 145 mètres, l’Annelies Ilena, destiné à produire du surimi. Et pas n’importe quel navire : il s’agit du plus grand chalutier du monde, à tel point que sa taille ne lui permettra même pas de rentrer dans le port de la commune d’Ille-et-Vilaine…

L’argument de la décarbonation

Outre cet appel clair au productivisme ravageur pour les fonds marins, la « feuille de route » a également pour objectif « une accélération des transitions énergétiques des filières ».

Or, comme le soulignent les associations BLOOM et Pleine Mer, « un moteur « vert » plutôt que diesel ne règlera pas les autres tares environnementales et sociales associées aux chaluts industriels et semi-industriels ».

Ces dernières années, l’augmentation du carburant a fait la part belle à la stratégie de décarbonation du secteur dans le but de faire baisser les factures énergétiques des plus gros et vieux chaluts. Pour l’association de défense des océans, cette conscience environnementale soudaine restreint « la question de la transition écologique à la seule question des émissions de CO2, ce qui est largement insuffisant et infondé scientifiquement ».

Le travail du groupement de recherche constitué de l’Institut Agro, de l’AgroParisTech et de l’EHESS-CNRS sur la transition de la pêche a par ailleurs démontré que le bilan le plus vertueux en termes économiques, sociaux et écologiques était celui des navires de petite pêche côtière.

Leurs conclusions ont également révélé qu’au contraire, les chaluts sont responsables de 84% des débarquements issus de stocks surexploités et de 57% des émissions de CO2. La petite pêche artisanale n’est cependant à aucun moment évoquée dans le document, laissant place à des mesures préservant les gros navires.

« Ce document porte le sceau des industriels du secteur de la pêche et démontre à quel point la transparence et la concertation citoyenne sont indispensables pour définir l’avenir d’un secteur dépendant de ressources sauvages et impactant le plus grand Commun de la planète, son organe vital : l’océan », conclut l’association, qui demande le retrait immédiat de la « feuille de route ».

Sources : « Dans sa feuille de route pour la pêche, la Région Bretagne « oublie » les petits bateaux côtiers », Splann, 14/02/2024 / « Le patrimoine marin et les aires marines protégées françaises », Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, 6 février 2023 / « La politique commune de la pêche : origines et évolution », Parlement européen, 04/2023 / « Changer de cap, pour une transition sociale-écologique des pêches », Groupement de recherche l’Institut Agro, de l’AgroParisTech et de l’EHESS-CNRS, 01/2024

Juliette Boffy

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