Alors que les pays du Sud et de l’Ouest de l’Europe sont en train de subir une vague de chaleur inédite du fait de son intensité et de sa précocité, la Mer Méditerranée est elle aussi en proie à une canicule marine. Invisibles depuis la côte, ces véritables “incendies sous l’eau” menacent fortement les capacités d’adaptation et de survie de la biodiversité marine.
Bien qu’elles soient moins connues que les canicules terrestres, les vagues de chaleur marines préoccupent depuis des années la communauté scientifique, qui alerte sur leurs effets environnementaux désastreux.
Une vague de chaleur marine se caractérise par une élévation anormale et prolongée de la température de l’eau, dépassant les normales saisonnières pendant au moins cinq jours consécutifs. Le GIEC rappelle dans un rapport publié en 2019 que leur fréquence a doublé depuis 1982, et pourrait être multipliée par 50 d’ici la fin du siècle si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter.
Une alerte précoce qui inquiète
Le 25 juin, le programme européen Copernicus publiait une carte révélant l’ampleur de la vague de chaleur que subit la Méditerranée. Avec une température de surface atteignant 26,01 °C en moyenne, l’eau frôle déjà le record enregistré à la mi-août 2024 (28,9 °C). Cette fois, pourtant, le phénomène survient près de deux mois plus tôt, faisant craindre une explosion des records dans les semaines à venir.
Car ce phénomène entraîne des effets destructeurs dont les répercussions dépassent largement les seuls milieux aquatiques. La hausse brutale des températures provoque une surmortalité massive des espèces marines, notamment chez les organismes immobiles comme les coraux, les éponges ou les herbiers.
Le blanchissement des coraux — qui abritent près d’un tiers de la biodiversité marine — marque un effondrement irréversible de nombreux habitats. Si certaines espèces migrent vers des zones plus fraîches, modifiant au passage les équilibres écologiques, d’autres disparaissent, piégées dans des eaux devenues invivables.
Ces épisodes extrêmes désorganisent profondément les chaînes alimentaires marines. La disparition d’espèces sensibles affecte l’ensemble du cycle, de la base planctonique aux prédateurs. La chaleur favorise aussi la prolifération d’algues qui, en s’accumulant à la surface, consomment tellement d’oxygène qu’elles finissent par asphyxier les organismes environnants. Certaines sont également toxiques, représentant une menace supplémentaire pour la biodiversité.
En juin 2025, la température moyenne de surface de la mer Méditerranée a enregistré 6 des 10 températures journalières les plus élevées depuis 1982 – © CEAM meteo
L’Océan, un « régulateur du climat » sous pression
Au-delà des écosystèmes, les canicules marines ont un impact direct sur le climat. Selon l’océanographe et biologiste Françoise Gaill : « l’Océan est au cœur de la machine climatique, il est le régulateur du climat ». En perturbant les courants, ces vagues de chaleur modifient les régimes météorologiques côtiers et intensifient les événements extrêmes comme tempêtes, sécheresses ou ouragans.
Elles affectent aussi le rôle de puits de carbone de l’océan en réduisant la biomasse responsable de la captation du CO₂. Le phytoplancton et les herbiers absorbent normalement le CO₂ dissous, mais leur déclin sous l’effet de la chaleur affaiblit cette fonction essentielle.
Ces canicules s’inscrivent dans un cercle vicieux qui appauvrit la vie marine, détériore la résilience des écosystèmes et renforce le réchauffement climatique planétaire. Protéger la biodiversité marine, surveiller ces événements extrêmes et réduire nos émissions ne relèvent plus d’options, mais de nécessités absolues pour préserver la stabilité des océans.