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La justice d’exception accordée aux multinationales menace nos droits et notre environnement

En moyenne, les tribunaux d’arbitrages condamnent les États à verser 454 millions de dollars d’indemnisation aux multinationales en cas de litige. Encore plus préoccupant, le nombre de cas d’arbitrages entre États et investisseurs (les entreprises) a explosé ces quinze dernières années. En 2000, on en comptait quinze dans le monde en entier, il y a de nos jours plus de 60 cas par an.

Plus de 150 organisations de 16 pays européens lancent une immense bataille contre l’impunité des multinationales, permise par les traités transnationaux entre investisseurs et États. L’objectif : contraindre les multinationales à respecter les droits humains et de l’environnement.

L’impunité des multinationales grâce à un système de justice parallèle

CETA, TAFTA, JETA… Ces acronymes désignent des accords de commerce et d’investissement, dits « de libre-échange », qui confèrent aux entreprises multinationales un totem d’immunité sur les décisions prises par des gouvernements nationaux. Dans le monde, plus de 3 400 traités et accords protègent les investissements faits par des entreprises, dont plus de 1400 conclus par des États membres de l’Union européenne, tandis qu’il n’existe aucun texte juridique international contraignant les multinationales à respecter les droits humains et de l’environnement.

Parmi les nombreuses clauses de ces accords, l’arbitrage investisseur-État (ISDS en anglais pour ​Investor-State Dispute Settlement)permet aux entreprises d’attaquer en justice un État devant un tribunal arbitral international. Ces tribunaux n’étant pas placés sous autorité publique, mais plus souvent sous celle de la Banque mondiale, sont également désignés sous le nom de « tribunaux privés ». Ces arbitrages investisseurs-États conduisent à des situations ubuesques où les États se voient condamnés à verser des indemnisations aux multinationales.

L’un des exemples les plus marquants des dérives permises par ce système de justice parallèle est le cas opposant Chevron-Texaco à l’Equateur. Après 25 ans de procès, l’entreprise pétrolière avait été condamnée par l’Equateur à payer une amende historique de 9,5 milliards d’euros en dédommagement d’une des plus grandes pollutions sanitaires et environnementales. En 2018, le tribunal privé de la Haye a purement et simplement annulé cette amende de 9,5 milliards d’euros, et va même obliger l’Equateur à verser des compensations financières à Chevron !

En moyenne, les tribunaux d’arbitrages condamnent les États à verser 454 millions de dollars d’indemnisation aux multinationales en cas de litige. Encore plus préoccupant, le nombre de cas d’arbitrages entre États et investisseurs (les entreprises) a explosé ces quinze dernières années. En 2000, on en comptait quinze dans le monde en entier, il y a de nos jours plus de 60 cas par an.

« Il est difficile d’expliquer précisément pourquoi le nombre de cas d’arbitrages a autant augmenté. Une chose est sûre, les multinationales sont devenues de tels mastodontes à un niveau international qu’elles ressentent le besoin de sécuriser absolument toute leur chaîne de valeur et d’approvisionnement, qu’il s’agisse de filiales ou de sous-traitants. Elles se servent désormais du dispositif d’arbitrage investisseur-Etat comme une arme de dissuasion et de défense face aux velléités des pouvoirs publics de réguler certains secteurs. » Maxime Combes, économiste à Attac France

Une campagne internationale pour rétablir l’équilibre

Face à la recrudescence de ces cas d’arbitrages au détriment des États, la campagne « Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales » veut rééquilibrer le rapport de force pour mieux protéger les territoires et leurs habitants. La campagne comprend deux types de revendications :

  • Mettre fin aux clauses d’arbitrage entre investisseurs et Etats dans les traités existants ou en cours de négociation
  • Généraliser des régulations plus contraignantes sur les multinationales, en prenant exemple sur la loi de vigilance française pour créer une directive européenne similaire

Cette campagne est construite autour d’une pétition qui permet de rendre visibles les actions des différentes organisations participantes qui vont être menées tout au long de l’année, et surtout de remettre au cœur de l’agenda politique l’impunité des multinationales avec plus de force, notamment lors des prochaines élections européennes (vote en mai 2019 en France).

Concernant les arbitrages investisseurs-États (ISDS), les organisations de la campagne vont mener une première bataille importante le 12 février au Parlement Européen qui devra se prononcer sur un nouveau traité de commerce et d’investissement avec Singapour. La Ville-État est une plateforme déterminante pour l’Asie du Sud-Est et la Chine, mais aussi l’un des cinq paradis fiscaux les plus controversés en raison de son opacité.

« Pour la première fois dans une négociation d’accord de libre-échange, il y a deux traités distincts : l’un dédié au commerce qui sera validé uniquement par le Parlement Européen, et l’autre dédié aux investissements qui devra être voté par l’ensemble des 40 parlements régionaux ou nationaux membres de l’UE. C’est une véritable opportunité pour faire valoir l’illégitimité de l’ISDS. Si l’un des 40 Parlements ne le ratifie pas, il pourrait bien être annulé. » Maxime Combes, économiste à Attac France

De son côté, la Cour de Justice européenne doit rendre un avis sur la compatibilité du mécanisme d’arbitrage entre investisseurs et Etats dans le CETA avec le droit européen. Mais pour les organismes de la campagne, « cet avis ne doit pas ancrer le débat autour de l’ISDS dans le seul cadre de la légalité, mais bien celui de sa légitimité, l’interprétation du droit étant dépendante du climat social et politique dans lequel il se fait. »

Crédit Photo : Anthony DELANOIX

Pour contraindre les multinationales à agir en accord avec les droits humains et de l’environnement, les acteurs de la campagne souhaitent se saisir de la « loi sur le devoir de vigilance » validée en France en Mars 2017. Cette loi oblige les entreprises donneuses d’ordre de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance liés à leurs opérations, mais aussi ceux liés aux activités de leurs filiales et de leurs partenaires commerciaux (sous-traitants et fournisseurs).

Au niveau international, pour mettre en place des directives internationales aussi exigeantes que la loi de vigilance, il se déroule au sein de l’ONU des négociations pour un traité contraignant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement. Une première version a été soumise à négociation en octobre 2018, une décision devrait être prise au même mois cette année.

Laurie Debove

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