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La hausse de la demande pour l’énergie éolienne menace l’Amazonie équatorienne

Plusieurs cas de meurtres sous l’emprise de l’alcool sont relatés dans l’enquête. Second bouleversement : l’abattage sauvage et intempestif a détruit des pans entiers de la végétation locale.

Dans une enquête publiée à la fin du mois de janvier, The Economist révèle l’une des faces cachées de la fabrication des éoliennes : la demande en bois de balsa, qui a connu une explosion ces dernières années. De l’Équateur à la Chine en passant par l’Europe, l’hebdomadaire d’actualité britannique a retracé l’itinéraire d’une composante essentielle de cette énergie verte. 

Le balsa, un bois dans la tourmente

Espèce pionnière des forêts tropicales, le balsa est un arbre à croissance très rapide : en un an, il atteint déjà six mètres et au bout de six ou sept ans, ses trente à quarante mètres de bois peuvent être exploités. Refusant de se laisser cultiver en lignes comme d’autres espèces, il pousse dans des conditions climatiques particulières, principalement en Amérique centrale et du Sud.

Mais c’est l’Amazonie équatorienne qui assure à elle seule jusqu’à 75 % du volume mondial de balsa, exporté depuis le port de Guayaquil, au sud-ouest du pays. 

Léger, d’une faible densité, le bois de balsa possède une très forte résistance. La réunion de ces qualités, rare, en fait un matériau prisé par l’ingénierie moderne, qui l’utilise dans la composition de structures sandwiches : deux surfaces minces et rigides (les « peaux ») sont plaquées sur un matériau léger mais épais (« l’âme ») ; de la sorte, l’assemblage résiste à la flexion et aux chocs.

On retrouve ainsi le balsa dans la construction navale (en espagnol, son nom signifie « radeau »), le modélisme aérien, mais surtout dans la fabrication de pales d’éoliennes, qui renferment entre autres une âme de ce bois léger insérée entre deux peaux de fibre de verre.

Pour retracer l’itinéraire de ce matériau convoité, les journalistes de The Economist se sont rendus à Ewegono, en Équateur. Dans ce village des bords de la rivière Curaray, au cœur de l’Amazonie, ne vivent que quelques familles de la communauté indigène waorani.

À la fin de l’année 2019, des bûcherons se sont présentés à elles, leur demandant d’abattre des arbres qu’ils payaient alors à prix d’or. Puis d’autres équipes ont suivi et les bûcherons ont fini par envahir la réserve indigène, coupant illégalement les arbres et apportant à leur suite d’innombrables conflits.

À cette époque, le marché du bois de balsa traversait une pénurie mondiale, provoquée par un croisement de plusieurs vecteurs. D’abord, des pluies diluviennes, qui ont frappé l’Équateur et ralenti la récolte et l’acheminement du bois.

Ensuite, une série de tourmentes politiques en Amérique du Sud, du Venezuela au Paraguay, en passant par l’Équateur, le Pérou et la Bolivie.

Enfin, une explosion de la demande d’éoliennes : au cours de la dernière décennie, sous l’effet des mesures de transition énergétique adoptées par la plupart des pays, la capacité éolienne mondiale a augmenté de 9 % par an. En 2019 et 2020, deux années records, cette croissance s’est même élevée à 19 et 24 %, assez pour épuiser les sources d’approvisionnement de tous les matériaux exigés.

Exploitation de balsa – Crédit : Chocó Cotidiano

Les conséquences néfastes de la surexploitation du balsa

Ce sont la Chine et les États-Unis qui produisent le plus d’éoliennes, ces deux pays ayant installé 60 % des nouveaux parcs en 2019. Selon The Economist, la Chine, qui compte faire passer sa puissance éolienne de 236 à 1200 GWh en 2030, absorberait 75 % de la production équatorienne de balsa. Cette ruée vers le bois n’est pas allée sans conséquences.  

À Ewegono, l’affluence ininterrompue de bûcherons, de représentants des multinationales et d’intermédiaires de toutes sortes a bouleversé la vie des habitants.

« Souvent, raconte l’hebdomadaire britannique, les bûcherons payaient en partie [le bois] sous la forme d’alcool et de cannabis, qui ont encouragé l’abus de drogue et les violences. »

Plusieurs cas de meurtres sous l’emprise de l’alcool sont relatés dans l’enquête. Second bouleversement : l’abattage sauvage et intempestif a détruit des pans entiers de la végétation locale.

En tant qu’espèce pionnière et de croissance rapide, le balsa est moins bien protégé par la législation équatorienne que d’autres arbres plus rares ou vivant plus longtemps. Il peut donc être abattu à peu près partout, sur présentation d’un permis simplifié, que de nombreux bûcherons se sont mis à contrefaire.

Le Global Forest Watch, une plate-forme open source se servant des données satellites pour surveiller l’état des forêts, a enregistré des opérations massives de déforestation dans la région amazonienne de l’Équateur durant la seconde moitié de 2020, ce qui rejoint le témoignage des habitants.

Les Waorani et les Wampis, une autre communauté autochtone vivant près de la frontière avec le Pérou, ont choisi, en fin d’année, de mettre fin à l’abattage de balsa sur leurs territoires de plusieurs centaines de milliers d’hectares.

Dans le même temps, les pénuries de bois ont eu pour effet d’accélérer la transition du secteur éolien vers d’autres types de matériaux, comme le polyester, un plastique naguère jugé inefficace, mais qui pourrait devenir, à terme, l’une des principales composantes des pales.

Cette initiative des fabricants anticipe peut-être la résolution du ministère de l’Environnement équatorien, encore inaccomplie, de retirer le balsa de la liste des espèces pouvant être abattues librement.

Augustin Langlade

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