Plus de dix ans que sa famille attendait justice. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Etat Français pour la mort de Rémi Fraisse, tué par une grenade en 2014 au barrage de Sivens.
En 2014, la mobilisation citoyenne contre le barrage de Sivens était à son comble. Rémi Fraisse, jeune botaniste de 21 ans, assurait bénévolement pour France Nature Environnement le suivi de la renoncule à feuille d’ophioglosse, une espèce végétale protégée.
Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse a été tué par l’explosion d’une grenade offensive de type OF-F1, lancée par un gendarme mobile. La grenade s’était coincée entre son sac à dos et sa capuche, sur la commune de Lisle-sur-Tarn (Tarn), avant d’exploser.
A l’époque, sa famille déposa plainte avec constitution de partie civile contre X au chef d’homicide volontaire. Le parquet de Toulouse ouvrit une information judiciaire pour « violences par une personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner », requalifiée ensuite en « homicide involontaire ».
Mais l’issue de l’enquête, en janvier 2018, se traduisit par un non-lieu. Une décision incompréhensible pour la famille dévastée du jeune naturaliste. Ce non-lieu avait été confirmé en appel, puis en cassation, et aucun procès ne s’était tenu. Une « grande frustration » pour la sœur, la mère et la grand-mère de Rémi Fraisse.
Dix ans après les faits, la cour administrative d’appel de Toulouse a de nouveau condamné l’État, à indemniser à hauteur de 46 400 euros la famille de Rémi Fraisse pour « préjudice moral ».
Pour obtenir justice, la famille a saisi la Cour européenne des Droits de l’Homme, faisant valoir une violation du « droit à la vie » et demandant d’évaluer de possibles collusions dans l’enquête. Ce jeudi 27 février, la CEDH leur a donné raison.
La Cour estime que « le niveau de protection requis » pour parer aux risques posés par le « recours à une force potentiellement meurtrière » n’a pas été « garanti », et souligne les « lacunes du cadre juridique et administratif alors applicable » et les « défaillances de l’encadrement dans la préparation et la conduite des opérations litigieuses ».
Ce faisant, elle enjoint l’État français à verser 39 500 euros répartis entre les différents plaignants pour dédommagement du préjudice moral et frais de justice. En revanche, la CEDH conclut que l’enquête préalablement menée par la justice française a bien été impartiale.
Reste à déterminer comment cette décision de justice européenne sera retranscrite dans la politique de maintien de l’ordre à la française. Tout nouvelle violation du droit européen peut exposer l’État français à de nouvelles condamnations par la CEDH.