Pendant que la majeure partie de la population est durablement affectée par une succession de crises systémiques, les milliardaires ont vu, depuis 2020, leur fortune augmenter de 3 300 milliards de dollars, soit une hausse trois fois plus rapide que l’inflation. Oxfam nous dévoile, dans un nouveau rapport, l’extrême accentuation des inégalités de richesses au cours des trois dernières années.
Des inégalités inédites dans l’histoire de l’humanité
Nous entrons dans “ l’âge d’or des fractures” selon Oxfam, qui a publié son rapport intitulé “Multinationales et inégalités multiples” le lundi 15 janvier, jour de l’ouverture du forum économique mondial de Davos.
“Jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité si peu de personnes n’avaient détenu autant de richesses. Jamais les inégalités de revenus et de richesses n’avaient été si marquées” signe le sénateur démocrate américain Bernie Sanders dans la préface du dossier.
Les fortunes des cinq personnes les plus riches du monde ont plus que doublé depuis 2020, passant de 406 milliards de dollars à 869 milliards en 2023, soit une hausse de 114%. Cela correspond à une augmentation de 14 millions de dollars par heure.
Dans le même temps, la richesse cumulée de 60% de la population mondiale a baissé. Selon les calculs d’Oxfam, 791 millions de travailleuses et travailleurs ont vu leurs salaires ne pas suivre la courbe de l’inflation ces deux dernières années, perdant ainsi 1 500 milliards d’euros au cours de celles-ci, soit 25 jours de travail pour chacun d’entre eux.
En France, les 11 plus grandes entreprises ont réalisé 101 milliards de dollars de bénéfices entre juin 2022 et juin 2023, soit une augmentation de 57% par rapport à la période 2018-2021.
« En ce début de nouvelle année, au lieu de donner rendez-vous aux Français, Emmanuel Macron ferait mieux de donner rendez-vous aux ultra-riches et aux multinationales et de faire en sorte qu’ils paient leur juste part d’impôt et contribuent à financer les services publics et la transformation écologique. » précise Alexandre Poidatz, Responsable de la campagne « Climat et inégalités » chez Oxfam
Les quatre milliardaires français les plus riches et leurs familles – la famille Arnault, la famille Bettencourt Meyers, Gérard et Alain Wertheimer – ont vu leur fortune augmenter de 87 % depuis 2020. L’héritière Françoise Bettencourt est même devenue la première femme milliardaire à voir sa fortune atteindre les 100 milliards d’euros.
Dans le même temps, la richesse cumulée de 90% des Français a baissé. Elle a même baissé de plus de 15 % pour le groupe des 30% les plus pauvres. Les 1 % les plus riches détiennent 36 % du patrimoine financier total en France alors que plus de 80% des Français ne déclarent posséder ni assurance-vies, ni actions directement.
#Thread Les frères Alain et Gérard Wertheimer, 4ème et 5ème parasites de France, héritiers d'une fortune illégitime volée à l'Etat, propriétaires de Chanel, et évadés fiscaux en Suisse.
Leur fortune a bondi de 78% depuis le début de la pandémie pour s'établir à 60 Milliards (€) pic.twitter.com/tDuuTyjh2k
— Gonzo (@DocteurGonzo4) January 20, 2022
Milliardaires et multinationales, cocktail gagnant
Le pouvoir des “grandes entreprises et des monopoles a fait exploser les inégalités” selon l’ONG. Les 1% les plus riches détiennent 48% de la totalité des actifs financiers mondiaux.
Pour chaque tranche de 100 dollars de bénéfices générés par 96 des plus grandes entreprises mondiales entre juillet 2022 et juin 2023, 82 dollars ont été reversés aux riches actionnaires.
“Les grandes entreprises alimentent les inégalités en utilisant leur pouvoir pour faire baisser les salaires et diriger les profits vers les plus riches” argumente l’ONG, avant de poursuivre. Elles “entretiennent également les inégalités en menant une guerre fiscale soutenue et très efficace.”
Depuis 1980, les taux d’impôts sur les sociétés ont en moyenne été réduits de plus de moitié, rappelle Oxfam.
“La planification fiscale agressive, l’utilisation abusive des paradis fiscaux et les mesures d’incitation se traduisent par des taux réels d’imposition bien inférieurs, et souvent proches de zéro”
L’arme ultime : la privatisation des services publics. Les grandes entreprises “s’immiscent sans relâche” dans les secteur public, accaparant des parts de marchés toujours plus importantes, “marchandisant et ségréguant” l’accès à l’eau, la santé, l’éducation “tout en engrangeant souvent des profits colossaux, aux frais des contribuables”.
L’année 2023 s’annonce comme la plus bénéfique pour les multinationales, notamment du secteur du pétrole et du luxe. Les superprofits ont bondi à près de 700 milliards de dollars.
“Augmenter les impôts sur les ultras riches”
Pour atténuer ces inégalités, Oxfam préconise de mettre en place un impôt sur le patrimoine des multimillionnaires et milliardaires qui pourrait rapporter 1 500 milliards de dollars par an selon elle.
Oxfam France va plus loin en proposant un impôt sur la fortune climatique qui permettrait de taxer la fortune patrimoniale d’une part, et l’impact de cette fortune sur le climat (ses émissions de CO2) d’autre part. Ces recommandations fiscales pourraient permettre à l’État de récupérer jusqu’à 88 milliards d’euros par an.
« Il faut impérativement qu’Emmanuel Macron change de logiciel. Les étudiants font la queue dans les banques alimentaires et n’arrivent pas à se loger, les Restos du Coeur refusent des bénéficiaires pour la première fois cet hiver mais les milliardaires, eux, prospèrent. Ces inégalités ne sont pas le fruit du hasard. Les milliardaires veillent à ce que les multinationales contribuent avant tout à leur propre enrichissement, au détriment du reste de la population. » détaille Alexandre Poidatz, Responsable de la campagne « Climat et inégalités » chez Oxfam
Contrer l’hégémonie des multinationales passerait aussi, selon l’ONG, par la mise en place de régulations étatiques : encadrer la part des bénéfices versés aux actionnaires, conditionner les aides publiques aux entreprises qui investissent dans la transition écologique, et enfin imposer des écarts de salaire de 1 à 20 entre le dirigeant et le salaire médian de l’entreprise en question.
Des préconisations qui auront du mal à résonner en France tant la théorie du ruissellement et les politiques de dérégulation sont ancrées dans l’imaginaire idéologique macronien.
Source : Rapport Oxfam “Multinationales et inégalités multiples” publié le 15/01/2024