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La Finlande réussit à loger peu à peu tous ses SDF en faisant des économies

En s’attaquant à la racine du sans-abrisme, l’État réduit du même coup les dépenses médicosociales, psychiatriques, d’hébergement, de sécurité et de surveillance qui résultent de la présence permanente d’êtres humains dans la rue.

En Finlande, la stratégie du « Logement d’abord » a permis de réduire drastiquement le nombre de sans-abri, alors qu’il ne cessait d’augmenter dans les autres pays d’Europe.  

En matière de lutte contre le fléau du « sans-abrisme », la Finlande fait figure de modèle : entre 1989 et 2021, soit en un peu plus de trois décennies, le nombre de sans-domicile-fixe (SDF) y est passé de 17 000 à 4 000 environ, pour une population totale de cinq millions et demi de personnes. 

Ce succès exemplaire est le résultat d’un programme social ambitieux et nouveau, le « Logement d’abord » (« Housing First »), dont les principes prennent le contre-pied de toutes les politiques appliquées dans la plupart des autres pays.

Comme son nom l’indique, le « Logement d’abord » présuppose que le premier besoin d’une personne vivant à la rue, pour se rétablir dans la société, est d’obtenir un foyer propre, c’est-à-dire un espace d’existence personnel « sous son contrôle exclusif ».

« Dans ce cadre, explique Housing First, un groupement d’ONG européen, on fournit le logement d’abord plutôt qu’en dernier lieu, sans attendre de la personne sans domicile qu’elle se comporte d’une certaine façon, qu’elle suive son traitement ou qu’elle s’abstienne de consommer des substances psychoactives avant de lui fournir un logement. »

Santé, travail, sevrage, réinsertion : ces quatre impératifs ne doivent donc plus précéder, mais succéder à l’obtention d’un foyer, car c’est en bénéficiant d’un logement stable et « inconditionnel » qu’une personne sera poussée à sortir des périls de la rue — et à retrouver sa dignité. 

Helsinki – Crédit : Tapio Haaja

Un cercle vertueux

Pour mettre en place son programme, l’État finlandais a procédé en plusieurs étapes. Après un vaste recensement statistique, il a d’abord financé, à partir de 2008, la construction de quelque 30 000 logements sociaux par an, dont une part significative a ensuite été réservée aux personnes vivant dans la rue. Dans le même temps, il a peu à peu fermé tous les hébergements temporaires ou d’urgence.

Une fois dans leur logement, les sans-abri du pays des Mille Lacs bénéficient d’un soutien financier temporaire et de services complémentaires adaptés : accompagnement médical ou psychologique, aide à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, programme de réinsertion pour les anciens détenus, etc.

Les services sociaux font donc partie intégrante de cette stratégie, dont les promoteurs rappellent que l’accès au logement a depuis longtemps été consacré comme un « droit de l’homme » par les Nations unies et plusieurs engagements internationaux.

En 12 ans, la Finlande a versé 350 millions d’euros à son programme « Housing First ». Loin d’assécher les caisses de l’État, cette politique lui aurait pourtant rapporté de l’argent : selon la Fédération européenne des organisations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA), les bénéfices du retrait des SDF de la rue s’élèveraient à 15 000 euros par personne et par an.

Ce chiffre s’explique aisément. En s’attaquant à la racine du sans-abrisme, l’État réduit du même coup les dépenses médicosociales, psychiatriques, d’hébergement, de sécurité et de surveillance qui résultent de la présence permanente d’êtres humains dans la rue. La Finlande s’est ainsi contentée d’engager ses finances dans un cercle vertueux, qu’aucune majorité gouvernementale n’est venue entraver ces douze dernières années. 

Un logement social à Espoo, Finland – Crédit : Y-Foundation

Un quinquennat aux ambitions déçues

En France, le nombre de personnes sans domicile aurait doublé depuis la dernière enquête de l’Insee, en 2012. À cette époque, le recensement faisait état de 140 000 SDF. Selon la Fondation Abbé-Pierre (FAP), à l’origine du calcul le plus récent, ils seraient aujourd’hui 300 000, dont 11 000 vivraient dans des bidonvilles et 27 000 dans la rue.

Dans un programme publié en 2017 (« Sans-domicile : objectif zéro ! »), alors que la campagne présidentielle battait son plein, la FAP affirmait qu’il était possible « de mettre fin au scandale des personnes sans domicile, en moins de cinq ans dans les villes petites et moyennes, et moins de dix ans dans les métropoles »

S’inspirant de l’exemple finlandais, le plan « zéro SDF » de la fondation recommandait d’actionner six leviers « simultanément et durablement » : l’accès direct au logement privilégié, des attributions HLM transparentes, la construction de 150 000 logements sociaux par an, la mobilisation du parc privé, la prévention des expulsions et l’accueil solidaire des migrants.

Baisse de l’effort public pour le logement, nouveau mode de calcul des allocations, chute du budget des bailleurs sociaux, record d’expulsions locatives en 2019…

Cinq ans plus tard, la situation des SDF s’est dégradée et des acteurs tels que le Collectif des associations unies, regroupant 39 structures contre le mal-logement, dressent le constat d’« un quinquennat aux ambitions déçues ».

Depuis 2017, un (très discret) plan quinquennal « pour le Logement d’abord » est pourtant expérimenté dans une quarantaine de territoires ; mais quoiqu’il se présente comme particulièrement ambitieux, ce programme ne semble pas avoir encore eu de résultats à la hauteur des attentes.

Dans un référé publié le 7 janvier dernier, la Cour des comptes a noté une amélioration de l’accès au logement des sans-domicile, mais a estimé par ailleurs que certaines mesures du plan étaient encore trop « expérimentales » et « cosmétiques ».

L’accès universel au logement, ajoutaient cependant les commissaires, « ne paraît pas hors de portée » : pour l’atteindre, il s’agirait surtout d’en faire une « priorité effective ». En peu de temps, le « scandale des SDF » pourrait n’être plus que de l’histoire ancienne.    

Crédit photo couv : Tapio Haaja

Augustin Langlade

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