Face aux reculs du gouvernement à mettre en place « sans filtre » les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), ses 150 membres se mobilisent pour lui rappeler son engagement. Garant du bon déroulement de la Convention citoyenne, Cyril Dion a également lancé une pétition avec un objectif : rappeler à la population française l’importance de soutenir leurs propositions pour faire pression sur le gouvernement. Un constat partagé par les membres de la CCC.
Un incroyable exercice démocratique
Née du rapport de force politique créé par les Gilets Jaunes et les millions de signataires de l’Affaire du Siècle, la Convention Citoyenne pour le Climat a rencontré dès ses débuts beaucoup de scepticisme de la part de ceux qui pensaient qu’ils étaient manipulés par le gouvernement pour calmer une crise sociale sans précédent, quand d’autres y ont vu une lueur d’espoir.
Neuf mois et sept sessions de travail plus tard, la Convention Citoyenne pour le Climat a rendu ses conclusions : 149 mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France d’au moins 40% d’ici 2030 (par rapport à 1990) pour lutter contre le dérèglement climatique.
« La Convention Citoyenne pour le Climat a été rendue possible seulement grâce à la pression des Gilets Jaunes. La CCC, de mon point de vue, c’est un véritable miracle démocratique qui montre que lorsque vous tirez au hasard 150 citoyens et que vous leur donnez les moyens de se former convenablement pendant 9 mois : ils vous livrent in fine un programme de transition écologique pour la France qui est plus intelligent que ce que la haute fonction publique a conçu depuis 20 ans. » analyse Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS et ancien chef économiste de l’AFD, lors d’un entretien pour Thinkerview
Seulement, dès la cérémonie de remise des 149 mesures de la CCC, le Président Emmanuel Macron a dégainé trois jokers pour supprimer trois mesures : la réécriture du préambule de la Constitution, la limitation de la vitesse à 110 km/heure sur les autoroutes, et la taxe de 4 % sur les dividendes pour les entreprises qui en versent plus de 10 millions par an.
« C’était la stupeur parmi nous : il n’y avait jamais eu de joker prévu ! Le Président a été pédagogue en nous expliquant ses raisons, mais nous restions déterminés à obtenir les 146 autres mesures « sans filtre ». C’est à dire à les transcrire par soit à application directe, soit en texte de Loi au Parlement, soit soumises au référendum de la population. » confie Agny, membre de la CCC dans la commission Produire et Travailler qui travaille dans le domaine médical et fait partie des 20% des franciliens tirés au sort, pour La Relève et La Peste
De là, un site web a été créé pour que chaque citoyen puisse suivre l’évolution des mesures. Et les reculs du gouvernement se sont ensuite enchaînés, en plein milieu d’une crise sanitaire et terroriste occultant totalement la place à un réel débat démocratique dans l’espace public.
Des promesses bafouées
Le plan de relance et le projet de loi finance auraient pu permettre au gouvernement d’inscrire par voie législative de nombreuses mesures de la CCC, mais cela a été une opportunité ratée comme l’ont regretté de nombreuses ONG.
Parmi les mesures bafouées ou malmenées par le gouvernement : l’interdiction de la publicité sur les produits polluants, le moratoire sur la 5G fermement refusé, la réduction de la TVA sur les billets de train, la fin des vols intérieurs en avion pour les trajets de moins de 4h en train, l’interdiction de l’extension des aéroports, etc.
Dernière promesse non tenue au calendrier : le malus au poids pour les véhicules neufs qui va seulement concerner les véhicules de 1 800kgs (soit 2% des véhicules en circulation) au lieu des véhicules de 1 400kgs (26% des véhicules en circulation) comme le recommandait la mesure de la Convention Citoyenne pour le Climat.
« Beaucoup de propositions doivent être intégrées dans un projet de loi en Janvier. Mais ce qui nous met en colère, c’est que les propositions sur lesquelles il y a déjà eu un travail ont été extrêmement amoindries. C’est l’expression du fait que tout ce qui va à l’encontre d’une politique libérale ne convient pas au gouvernement français. Ils sont prêts à faire plein de choses à partir du moment où ça ne remet pas en question la croissance et la doxa économique à laquelle ils croient. Tout ce qui est croissance verte ça leur plaît, et tout ce qui est antagoniste, ils ont tendance à l’écarter et à le minimiser. » explique Cyril Dion, l’un des garants de la Convention Citoyenne pour le Climat, à La Relève et La Peste
Face à ces nombreux reculs, le garant a donc décidé de lancer une pétition « pour sauver » les mesures proposées par la CCC afin de rappeler à la population l’importance de soutenir le travail des 150. Pour l’heure, la pétition a recueilli plus de 230 000 signatures.
Le besoin de rééquilibrer le rapport de force
La Convention Citoyenne part du principe que la société a besoin d’un espace démocratique pour s’accorder sur les constats et les solutions liés à la crise écologique et sociale, « ce qui est très difficile dans une société hystérisée en permanence. » précise Cyril Dion.
« Aujourd’hui, une dérive autoritaire se manifeste de plein de façons différentes, c’est grave et inquiétant. Et c’est aussi cela que la pétition essaie de critiquer et de mettre en lumière : plus le gouvernement va refuser d’ouvrir cet espace démocratique pour discuter, plus la violence va grandir pour enfin se faire entendre et plus la société va se fracturer. Les thèses complotistes sont en plein essor, et vont participer à faire le lit d’un régime autoritaire. La Convention Citoyenne pour le climat a besoin de la population pour inverser le rapport de force. » argumente Cyril Dion, l’un des garants de la Convention Citoyenne pour le Climat, à La Relève et La Peste
Un constat partagé par de nombreux membres de la CCC. Car si de nombreux médias les ont décrits comme étant « traumatisés » par les retours en arrière du gouvernement, ses membres sont pour la plupart plus déterminés que jamais à aller au bout de leur engagement, comme nous le raconte Agny :
« On a travaillé à 150 avec 150 diversités ! Chacun a donc des réactions différentes et évidemment certains sont découragés après tout ce travail bafoué. Traumatisés, c’est un terme excessif et disqualifiant. Au contraire, on continue de solliciter le gouvernement pour avoir des échanges sur les 146 mesures. Une mesure dont nous attendons beaucoup : celle sur la reconnaissance du crime d’écocide et la création d’une Haute autorité sur le sujet. »
« Cette mesure nous permettrait de regarder les projets de loi et leur adéquation avec les limites planétaires, et nous permettrait de sortir de l’idéologie et de la bataille de coqs pour regarder les choses en face : mettons-nous nous-mêmes en danger en surexploitant les ressources ou avons-nous un modèle de société pérenne ? » renchérit Cyril Dion, l’un des garants de la Convention Citoyenne pour le Climat, à La Relève et La Peste
De la même façon, chaque citoyen est appelé à se saisir des mesures proposées par la CCC sans attendre l’aval du gouvernement. Certaines collectivités étudient déjà des pistes comme Marseille ou la Région Occitanie, en collaboration avec certains des 150.
Si des rumeurs courent selon lesquelles le Président envisagerait de recevoir de nouveau les membres de la CCC courant décembre, à l’occasion de l’anniversaire des Accords de Paris, rien n’est encore officiel pour l’instant.
Les membres de la Convention Citoyenne espèrent donc obtenir un nouveau soutien de la population pour inverser le rapport de force d’ici-là. « L’engagement que nous donne le Président n’est pas que pour les 150 mais pour tous les française.s. Nous avons besoin de tout le monde. » conclut Agny.