Vendredi 23 septembre, une trentaine des militants d’Attac et d’Extinction Rebellion ont bloqué l’aéroport du Bourget pour dénoncer la responsabilité des « ultra-riches » dans la crise climatique. Le lendemain, vingt activistes ont également attiré l’attention sur « la pollution des yachts amarrés au quai des milliardaires », à Antibes
L’action du Bourget a débuté peu après 15 heures. Vêtus de blouses blanches, les militants d’Attac et d’Extinction Rebellion ont bloqué l’accès au terminal 1 de ce petit aéroport situé à une dizaine de kilomètres au nord de Paris et qui, avec ses 52 000 mouvements de jets privés en 2021, est connu pour être le premier aéroport d’affaires en Europe.
Alors que quatre activistes, sur le porte-à-faux du terminal, agitaient des fumigènes ou brandissaient des drapeaux et des banderoles « Criminels climatiques », d’autres militants ont recouvert les vitres du bâtiment de peinture rouge, puis se sont attachés à des pylônes ou allongés devant les portes coulissantes de l’aéroport, sous le regard médusé des services de sécurité.
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« Nous sommes ici pour dénoncer l’usage des jets privés, a déclaré Annick Coupé, porte-parole d’Attac. Comment justifier qu’en pleine crise climatique et énergétique, les plus riches multiplient les voyages de confort en jets privés ? Alors que le gouvernement demande aux plus précaires de réduire l’usage de leur voiture, de baisser le chauffage, de couper le wifi, aucune contrainte ne pèse sur les plus riches. »
Un luxe ultra-polluant
Dans une note publiée sur son site internet, Attac fait remarquer que les jets privés représentent « le moyen de transport le plus polluant du monde ». Dix fois plus émetteurs que l’aviation commerciale (et 50 fois plus que le train), ces appareils produiraient autant de carbone, en une heure de vol, qu’une voiture en un an, et en cinq heures autant qu’un Français au cours d’une année.
En France, où un vol sur dix est effectué en jet privé, les émissions de ce secteur se sont élevées, en 2019, à quelque 400 000 tonnes de CO2, soit la pollution annuelle de 180 000 voitures. Ces chiffres ont sans doute augmenté, dans la mesure où la location de jets privés – qui constituait 7 % des vols européens en 2019, contre 17 % aujourd’hui – connaît une croissance insolente.
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Ce mode de transport n’est pourtant ni nécessaire ni vital. C’est un luxe (« Comptez au minimum 5 000 euros l’heure de vol pour des court-courriers », indique Attac), et il n’est consommé que par les ultra-riches, dont le mode de vie est par ailleurs davantage responsable de la crise climatique que celui des plus pauvres.
Du Bourget à Antibes
L’action d’Attac et d’Extinction Rebellion, qui « n’a pas eu d’impact sur le trafic côté piste » selon Aéroports de Paris (ADP), le gestionnaire du Bourget, a duré un peu plus d’une heure, au terme de laquelle de nombreux policiers sont venus déloger les militants.
Douze d’entre eux, arrêtés, ont passé plus de 24 heures en garde à vue au commissariat de La Courneuve, d’où ils sont ressortis libres samedi soir. Une enquête préliminaire a été ouverte à leur encontre pour des faits d’organisation d’une manifestation interdite sur la voie publique et de détérioration du bien d’autrui commise en réunion.
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Le samedi 24 septembre, à 900 kilomètres de Paris, des militants d’Attac ont également investi, pendant une heure, le célèbre « quai des milliardaires » du port de plaisance d’Antibes (Alpes-Maritimes), où sont amarrés une vingtaine de « méga-yachts ».
Plus calme que celle du Bourget, l’action d’Antibes avait pour but de dénoncer la prolifération de ces navires qui, d’après l’association, « ne sont pas seulement l’expression de l’orgueil démesuré de leurs propriétaires », mais des « symboles de l’impunité fiscale »,ainsi que « de véritables machines à polluer ».
« Désarmons les criminels climatiques »
Attac estime en effet que la consommation d’un yacht, pour 100 kilomètres, atteint « facilement » 4 000 litres d’essence, c’est-à-dire 600 fois plus qu’un véhicule individuel.
« À titre d’exemple, explique l’association, parmi les navires amarrés au quai des milliardaires le 24 septembre 2022, le Al Raya [propriété d’une famille du Bahreïn, ndlr] a produit environ 280 tonnes de CO2 en consommant 100 000 litres de carburant pendant sa dernière croisière, entre le 27 août et le 8 septembre. Soit 28 ans d’émissions pour un Français moyen ! »
D’une empreinte carbone colossale, les yachts échappent aussi à l’impôt, puisque leurs propriétaires les immatriculent dans des paradis fiscaux et que ces navires sont exclus, depuis 2018, du calcul de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), descendant de l’ISF.
Comme celle du Bourget, l’action d’Antibes s’inscrit dans une campagne de sensibilisation et de plaidoyer (« Désarmons les criminels climatiques ») lancée le 15 septembre par Attac, dont la pétition exigeant de nouvelles lois contre « le séparatisme des riches » a déjà récolté 10 000 signatures.
Image à la une : EMMANUEL DUNAND / AFP