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Interpol alerte sur l’explosion du commerce illégal de déchets plastique

Cette insertion du crime organisé dans le traitement des ordures fausse non seulement tous les chiffres officiels, mais représente une menace de premier ordre pour la « sécurité environnementale mondiale ».

Le commerce illégal de déchets plastique a connu « une augmentation considérable au cours des deux dernières années » : c’est ce qu’indique un rapport alarmant d’Interpol, rendu public le 27 août dernier. De 2018 à 2020, l’Organisation internationale de police criminelle a étudié comment les réseaux mafieux du monde entier se sont emparés d’une partie du marché du recyclage, dont le chiffre d’affaires global devrait atteindre 42 milliards d’euros d’ici 2022.

Les pays asiatiques ne veulent plus être la poubelle du monde

Incapables de traiter sur place leurs excédents de matières plastique jetables, la plupart des États occidentaux les expédient dans d’autres pays, à commencer par ceux d’Asie. Mais au début de l’année 2018, la Chine, première terre d’accueil pour les déchets plastique, décide de fermer ses frontières aux rebuts de l’Europe et des États-Unis, mettant fin du jour au lendemain à un commerce d’importation qui avait pris des habitudes délétères.

Près de 45 % des ordures plastique mondiales se retrouvent alors sans débouché de recyclage, soit 2,6 millions de tonnes annuelles pour le seul continent européen, note le rapport d’Interpol.

Ce revirement brutal de la Chine a provoqué une mutation des circuits des déchets, qui partent désormais vers les pays d’Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Vietnam, etc.), dont la plupart « ne possèdent pas même les infrastructures suffisantes pour gérer leurs propres déchets domestiques ».

À titre d’exemple, au premier trimestre de 2018, les exportations de plastique des États-Unis ont ainsi augmenté de 330 % vers la Malaisie, de 300 % vers la Thaïlande, de 277 % vers le Vietnam… De la sorte, les pays exportateurs dont la France affichent « des taux de recyclage artificiellement élevés, indique le rapport, alors que dans les faits, ils se sont simplement débarrassés du problème. »

C’est dans ce contexte de difficultés extrêmes que des organisations criminelles « opportunistes » ont mis la main sur la circulation et le traitement des déchets plastique. Leur mode opératoire est redoutable : maintenant que les États versent des sommes colossales pour se défaire de leur plastique, les réseaux illégaux récupèrent auprès des organismes de collecte réguliers des cargaisons de déchets, qu’ils font transiter par plusieurs pays pour « déguiser leur origine » et acheminent vers des « économies émergentes » et de petits pays comme « le Laos ou le Myanmar », où les ordures seront déchargées, mais jamais recyclées.

Interpol signale également que l’Afrique pourrait devenir l’une des destinations privilégiées pour les réseaux criminels, étant donné que « les itinéraires pratiqués par le commerce illégal de déchets électroniques pourraient être éventuellement utilisés pour les cargaisons de déchets plastique ».

Au début de l’année 2020, face à ce fléau, la Malaisie a renvoyé 150 conteneurs de déchets plastique illégaux vers leurs pays d’origine (3 737 tonnes), dont 43 vers la France, en annonçant qu’elle prendrait « les mesures nécessaires » pour que les États d’Asie du Sud-Est ne deviennent pas « la décharge du monde », en particulier celle des pays développés.

La ministre malaisienne de l’environnement Yeo Bee Yin, le 28 mai 2019 à Port Klang – Crédit : Mohd RASFAN

Le fléau de la pollution plastique

Depuis une dizaine d’années, la production mondiale de déchets plastique est en perpétuelle augmentation, de dix millions de tonnes par an environ. En 2018, elle aurait atteint le niveau record de 360 millions de tonnes, venant s’ajouter aux plus de 6 milliards de tonnes déjà produites par l’ensemble des êtres humains.

On estime que 91 % de ces déchets plastique ne sont pas recyclés et que seuls 12 % d’entre eux sont incinérés, ce qui veut dire que l’écrasante majorité des ordures de cette matière mettant quatre siècles à se dégrader sont amoncelées dans des sites d’enfouissement ou déversées dans la nature sous la forme de détritus, qui finissent dans les rivières et les océans.

Sur les 360 millions de tonnes annuelles de déchets plastique, 8 millions terminent en effet leur course dans les mers, où elles se transformeront lentement en microparticules mangées par la faune marine, elle-même mangée par l’être humain… Sans parler de la pollution.

Le rapport d’Interpol souligne également que les décharges illégales et les incinérations sauvages sont en augmentation partout en Europe. « Une aggravation importante de ce phénomène a été observée depuis le mois de janvier 2018 dans les pays qui exportent à présent moins de déchets. », notamment en Europe de l’Est.

Malgré l’intervention parfois musclée des États, le trafic de déchets inter-européen explose sous de multiples formes. Par exemple, les industries produisant du ciment pour le secteur du BTP récupèrent aujourd’hui les déchets plastique pour en faire, par incinération, du carburant dérivé, alors que ces ordures sont censées être recyclées et sont déclarées comme telles. Les réseaux criminels s’accaparent tout autant le marché du carburant « recyclé ».

Cette insertion du crime organisé dans le traitement des ordures fausse non seulement tous les chiffres officiels, mais représente une menace de premier ordre pour la « sécurité environnementale mondiale ».

Il devient impossible de savoir ce que deviennent les déchets plastique, qui polluent notre planète comme aucun autre matériau courant. C’est une preuve supplémentaire que le recyclage du plastique, impossible à mettre en œuvre correctement, n’est pas une solution viable : seul l’arrêt immédiat de notre consommation pourra désamorcer cette bombe à retardement, qui commence à peine à exploser.

Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais.

Augustin Langlade

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