Le 24 janvier avait lieu la Journée Internationale de l’Éducation, célébrée par les Nations-Unies ce lundi 25 janvier. A cette occasion, des citoyen.nes et familles ont décidé de lancer une mobilisation nationale afin de protéger le droit à l’instruction en famille, menacé par le projet de loi contre le « séparatisme ». A travers le lancement d’une pétition et d’une vidéo, leur objectif est double : alerter le public sur les enjeux et les menaces qui pèsent sur ce droit constitutionnel et recueillir plus de 500 000 signatures sur la pétition, afin d’atteindre le seuil de recevabilité à l’Assemblée Nationale.
« Une « liberté » soumise à autorisation n’est plus une liberté »
Début octobre, La Relève et La Peste vous présentait la tribune de Lénie Cherino, maman d’une “non-sco”, une enfant non-scolarisée, Thierry Pardo, chercheur indépendant associé au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté de l’Université du Québec à Montréal et auteur du livre “Une éducation sans école” ainsi que l’association UNIE, spécialisée dans l’Instruction En Famille, pour mieux expliquer cet enjeu de société primordial : l’instruction à la maison.
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En effet,le 2 octobre 2020, dans le cadre d’annonces de mesures visant à lutter contre le « radicalisme islamique », Emmanuel Macron a annoncé vouloir interdire l’instruction en famille au prétexte de lutter contre la « radicalisation islamique ». Pourtant, seulement 1,4 % des familles (environ 400) déclarent le faire pour des raisons religieuses, toutes confessions confondues.
« Ce qui est loin de signifier que les enfants de ces familles sont radicalisés. Rappelons que la laïcité « n’est pas une conviction, mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public ». Surtout, l’amalgame entre instruction en famille et radicalisme est infondé car l’arsenal réglementaire et législatif existant est suffisant pour contrôler les familles. » expliquent les familles engagées dans la mobilisation nationale
Selon les chiffres avancés par le ministère de l’Éducation nationale fin 2020, 62 000 enfants feraient « l’école à la maison ». Chaque année, l’inspection académique les contrôle pour s’assurer que les enfants reçoivent bien une instruction et que cette dernière leur permet d’acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture tel qu’il est défini par l’Éducation nationale
Plus de 98 % des contrôles assurés par les inspecteurs de l’Éducation nationale concluent au caractère satisfaisant de l’instruction.
Malgré une vive polémique au sein de la société civile, l’article 21 du projet de loi confortant le respect des principes de la République a été adopté par le conseil des ministres le 9 décembre 2020. Il impose le principe de la scolarisation obligatoire pour tous les enfants de 3 à 16 ans et ne permet l’instruction en famille que sous certaines conditions particulières grâce à une autorisation administrative préalable.
« Une « liberté » soumise à autorisation n’est plus une liberté, l’interdiction devient la règle. Dans un état de droit, la liberté doit rester la règle et la restriction, l’exception. Retirer aux parents la possibilité de choisir l’instruction en famille constituerait une atteinte grave et particulièrement injuste à une liberté publique, qui générerait beaucoup de souffrances et une perte de chance pour notre pays. » dénoncent les parents et l’ensemble des associations prenant part à la mobilisation
Pour les milliers de familles et citoyens mobilisés, l’Instruction en Famille (IEF) est un droit. Lorsque l’on se réfère au code de l’éducation, il est bien précisé que c’est l’instruction qui est obligatoire pour les enfants de 3 à 16 ans, et non l’école. L’instruction en famille était donc un mode d’instruction légal, jusqu’au projet de loi d’octobre 2020.
Dans le code de l’éducation, La loi Jules Ferry de 1882 énonce en effet qu’en France « l’instruction est obligatoire… » (art. L. 131-1). Les textes précisent qu’elle « peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix ».
Les bienfaits des alternatives au parcours pédagogique traditionnel
Instruire ses enfants en famille est une démarche personnelle encore mal connue du grand public, et très exigeante pour les parents ayant décidé de l’incarner. Leurs raisons peuvent être variées : philosophiques (respect des rythmes de l’enfant, privilégier la coopération à la compétition), pédagogiques (partir des centres d’intérêt de l’enfant pour faciliter l’ancrage des apprentissages, les accompagner dans leurs découvertes) ou pratiques (maladie, handicap, famille itinérante, éloignement géographique ou activités sportives ou artistiques de haut niveau).
Parfois, les parents choisissent ce mode d’instruction le temps de trouver une autre école, lorsque leur enfant se retrouve en souffrance dans le système scolaire national, que cela soit dû à des problèmes relationnels avec les autres élèves voire du harcèlement moral, un profil atypique tel que haut potentiel, des troubles dys-, une hypersensibilité, etc.
En 2019, l’UNICEF évaluait à 700.000 le nombre d’enfants victimes de harcèlement scolaire en France, dont la moitié de manière sévère.
« Lorsque ma fille, Linette, est entrée au CP, la « panique » propre à la rentrée scolaire pour les petits bouts de choux qui sortent du cocon de la maternelle, n’a pas été qu’une passade. Elle s’est renforcée et muée en troubles de l’anxiété, lui causant de sérieux maux physiologiques de diverses natures (maux de ventre constants, constipation sévère, perte de l’appétit, insomnie, envie d’uriner plus de 10 fois dans la même heure en l’absence d’infection…).
À l’origine de ses troubles, un ensemble de choses – encore très courantes dans les classes de nos enfants, et souvent perpétrées par des enseignant.es plein.es de bonnes intentions – telles que : interdiction d’aller aux toilettes en dehors des récréations, humiliations devant sa classe (lorsqu’il lui arrivait de pleurer), peur de se faire gronder si elle faisait une erreur…
Il est certain que l’Éducation Nationale à beaucoup de manques à pallier pour former ses enseignants à la psychologie de l’enfant et réviser un système d’autorité qui met très sérieusement en péril l’estime de soi et la confiance des enfants. Bien sûr, le fait que je relate cette expérience ne signifie pas que je blâme l’ensemble du personnel enseignant de l’École Publique. Énormément de professeurs exercent leur métier par vocation et se heurtent eux-même à l’étroitesse du cadre dans lequel ils évoluent.
A ce moment-là, grâce à ce droit de choisir le meilleur pour notre fillette, mon compagnon et moi avons pu lui offrir la possibilité de quitter son école élémentaire et de rompre avec la routine qui lui causait tant de souffrances. De mars à décembre 2020, nous avons donc assuré nous-même la transmission des savoirs du début du cycle 2 à Linette et ce fut une expérience aussi enrichissante que salutaire pour son équilibre et son bien-être.
Depuis le mois de janvier, elle est réinscrite dans une nouvelle école, et est aujourd’hui très heureuse et épanouie dans son nouvel environnement scolaire. Cette pause que nous avons faite lui a permis de retrouver confiance en ses capacités. Choisir cette modalité d’instruction fut très exigeante et parfois franchement épuisante. Mais si c’était à refaire, nous le referions sans hésiter vu les bienfaits que toute la famille en a tiré et en tire encore actuellement. » témoigne Aline Marquis, maman de Linette, pour La Relève et La Peste (les prénoms ont été anonymisés par respect pour l’école et les enseignants concernés)
Ce témoignage saisissant retranscrit bien les raisons pour lesquelles familles et citoyens s’unissent aujourd’hui à l’association UNIE pour expliquer à quel point il est crucial de maintenir ce droit. Cet article de loi liberticide met en péril l’équilibre de nombreuses familles et le bien-être de milliers d’enfants !
« Je peux entendre la volonté de ceux qui voudraient une école pour tous. Il n’en reste pas moins vrai que ce « tous » demeure une abstraction, une volonté de la pensée. Si ce « tous » ne représente que cet enfant, cet élève moyen qui n’existe pas, ce simple résultat statistique, si l’éducation ne considère pas à minima qu’elle doit être aussi et peut-être prioritairement pour chacun, alors l’école pour tous devient inévitablement l’éducation pour personne.
Une éducation pour tous n’existe que si concrètement elle est une éducation pour chacun. Dans cette recherche d’adaptation, la solution ne peut être que plurielle. Si l’école offre une certaine diversité interne, elle ne peut épuiser le sujet de la diversité et la contribution des familles, l’inventivité sociale, la créativité pédagogique des groupes en Ief doivent être vues comme des forces. La liberté des gens n’est pas le problème mais la solution. » analyse Thierry Pardo, chercheur en science de l’éducation, associé au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté de l’Université du Québec à Montréal
Enfin, comme en témoigne l’histoire de Linette, l’instruction en famille n’est pas synonyme d’autarcie, mais d’ouverture d’esprit, et il reste toujours possible pour les familles de changer de mode d’instruction à tout moment, que ce soit à la rentrée ou en cours d’année pour s’orienter vers l’École publique, Une École privée sous contrat ou hors contrat ou Le CNED réglementé (cas particuliers). Les familles en ayant fait l’expérience en sont convaincues :
« Il est temps de mettre en lumière cette démarche innovante qui participe à la résilience du système éducatif français et à la diversité éducative indispensable à une grande démocratie, et constitue un véritable vivier d’innovations pédagogiques. »