C’est un véritable soulagement pour toutes les associations qui s’étaient opposées à l’abattage de 170 bouquetins dans le massif du Bargy. Officiellement prévu pour lutter contre la brucellose, le tribunal administratif de Grenoble a suspendu ce mardi l’arrêté préfectoral autorisant les tirs de prélèvement indiscriminés, risquant de tuer aveuglément des individus sains de cette espèce protégée.
Les captures des bouquetins restent tout de même autorisées afin de surveiller l’évolution de la maladie.
« Les tirs indiscriminés étaient fermement déconseillés par la communauté scientifique et risquaient de disséminer la brucellose sur les massifs alentours. Pour endiguer la maladie, les agents de l’OFB continueront les opérations de captures/contrôles avec euthanasie des séropositifs. Une mesure qui a prouvé son efficacité par le passé, et qui est acceptée par les associations. » explique la FNE Haute-Savoie
Sur les 400 bouquetins du Bargy, une centaine pourront donc être capturés pour être testés chaque année. Les animaux positifs seront euthanasiés, tandis que les autres seront marqués avec un collier.
Relire notre article du 23 février 2022
Pour enrayer l’infection de la brucellose, la Préfecture de la Haute-Savoie prévoit l’abattage d’un maximum de 170 bouquetins dans le massif du Bargy au cours de l’année 2022, une espèce pourtant protégée au niveau international. Et ce, sans test sanitaire préalable permettant de vérifier si les animaux sont effectivement porteurs de la maladie. Les associations de protection de l’environnement dénoncent ces abattages indiscriminés, alors que plus de 9 individus sur 10 sont sains, et exhortent les pouvoirs publics à privilégier des alternatives plus efficaces et éthiques.
La brucellose est une maladie infectieuse qu’on retrouve chez certains animaux et chez l’homme. Elle est le plus souvent attrapée par contact avec des bovins caprins et ovins affectés. La majorité des personnes infectées sont donc des éleveurs. Fièvre, douleurs musculaires, fatigue, douleurs articulaires sont les symptômes habituels. Elle se soigne par antibiotiques. Cette maladie domestique a été transmise à certains animaux sauvages.
Depuis, régulièrement, la « crise du brucellose » revient, avec la question des abattages du bouquetin du massif du Bargy, espèce menacée et protégée. Car on a tendance à l’oublier, mais les maladies que l’on retrouve chez certains animaux sauvages proviennent très souvent de contaminations par des animaux élevés par l’homme.
Les conditions d’élevage et les contacts de plus en plus fréquents entre animaux domestiques et faune sauvage du fait de la diminution drastique de son territoire, favorisent la propagation des maladies et leurs mutations.
En 2014 des défenseurs du bouquetin avaient campé près du massif pour empêcher les tireurs d’agir. Le Préfet de Haute-Savoie avait déposé une demande d’abattage total et non seulement des animaux contaminés. Or, quand un tel abattage est fait, on a du mal à cibler les femelles âgées. On abat donc principalement les mâles âgés, plus facilement reconnaissables.
Les survivants reconstituent alors un troupeau tant bien que mal, et les comportements changent. Les femelles plus âgées s’accouplent avec de jeunes mâles et la maladie se propage encore plus.
Le scénario s’est reproduit quatre ans plus tard, puis en 2020. Il y a deux ans, l’association Animal Cross avait obtenu l’arrêt des abattages grâce à un recours en justice. Pas de quoi refroidir le Préfet de Haute-Savoie, sous la pression des producteurs locaux de reblochon.
Suite à l’apparition d’un nouveau cas de contamination d’un bovin diagnostiqué en novembre 2021, cette année un nouveau projet d’arrêté prévoit « l’abattage d’individus non marqués, dans la limite de 170 », puis le dépistage d’au moins 30 individus marqués et l’euthanasie des animaux malades avec des possibilités d’ « abattages complémentaires sur des individus marqués », notamment des jeunes femelles en zone cœur du massif du Bargy.
A partir de 2023, « des abattages complémentaires de 20 tirs maximum par an pourront être mis en œuvre (…) sur des individus n’ayant pas pu être marqués ou testés ».
Ces abattages n’ont pourtant pas réussi à éradiquer la maladie, ni même à la faire reculer. La désorganisation sociale induite par l’abattage entraîne une propagation de la liberté entre les troupeaux.
Enfin, aucune mesure n’est prise pour obliger les éleveurs à empêcher leurs troupeaux de s’aventurer dans les zones d’habitat du bouquetin.
« L’inquiétude des éleveurs et des producteurs de reblochon exposés est compréhensible mais comme sur la question du loup ou de l’ours des Pyrénées, la cohabitation en montagne entre les activités humaines et la faune sauvage ne peut en aucun cas se régler à coups de fusils. » a réagi la LPO
Un constat partagé par le Conseil National de la Protection de la Nature dont les scientifiques ont rendu le 27 janvier 2022 un avis défavorable à l’unanimité, contre l’abattage ce qui est rare.
Selon ces experts :
- Le cas révélé en 2021 ne semble pas du à une transmission directe entre bouquetin et bovin et il apparaît indispensable et prioritaire d’élucider le mode de contamination qui a prévalu.
- Le taux de prévalence de la brucellose est désormais évalué à environ 4% de la population des bouquetins dans le cœur du massif, après avoir été divisé par 10 en 5 ans. Il est même considéré comme nul en zones périphériques. L’infection devrait s’éteindre naturellement, à conditions de respecter un certain nombre de mesures de prudence au cours des années à venir.
- L’abattage indiscriminé, de plus ciblé sur les femelles en âge de procréer, désorganise la hiérarchie sociale dans les hardes et contribue à la contamination de davantage d’individus, comme cela a déjà été constaté à la suite des abattages massifs de 2013 et 2015.
La Préfecture de Haute-Savoie a lancé une consultation publique pour recueillir l’avis des citoyens. Cette consultation peut être faite jusqu’au 7 mars sur ce site. Avis aux Savoyards !
Faisons en sorte que la crise du covid-19 ne nous aveugle pas sur d’autres crises et sur les combats que nous devons continuer à mener, car la préservation du vivant reste, plus que jamais, la clé pour éviter à nouveau ce genre de crise.