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Hausse des prix de l’énergie et baisse des aides à la rénovation thermique : « une aberration »

« Pour économiser de l’énergie, le premier acte aujourd’hui, c’est d’isoler ! Cela ne sert à rien de changer votre système de chauffage si vous avez un logement mal isolé. (…) On demande le maintien d’un niveau d’aide minimum, notamment sur l’isolation, pour que les gens aient envie de passer à l’acte. »

Face au conflit en Ukraine et la hausse du prix de l’énergie, le gouvernement français a demandé à la population de faire des efforts et baisser le chauffage. Une demande « indécente » pour de nombreux experts, qui rappellent que 12 millions de français vivent déjà en situation de précarité énergétique. Pire, si le gouvernement a bien mis en place des mesures pour réguler les prix de l’énergie, il a pourtant baissé les aides à l’isolation thermique, indispensable pour réaliser des économies d’énergie, alors que les demandes explosent. Ces baisses ont entraîné la suppression de nombreux emplois dans le secteur de la rénovation : le serpent se mord la queue.

Les français pas logés à la même enseigne

C’est un appel à la solidarité qui n’a pas manqué de faire réagir. Alors que les dirigeants de l’UE se retrouvent pris en étau entre leur dépendance aux énergies fossiles russes et le conflit en Ukraine, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a demandé à tous les français de « faire un effort » et de baisser leur chauffage d’un degré pour limiter leur consommation d’énergie.

D’après l’Agence internationale pour l’énergie, si tous les foyers de l’UE baissaient d’un degré en moins leur chauffage, cela permettrait d’économiser 10 milliards de m3 de gaz, soit un peu moins de 10% des importations russes en Europe. Une solution partagée par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), pour qui baisser de 1°C son chauffage permet de diminuer en moyenne de 7% sa facture.

L’Ademe rappelle ainsi que la température idéale d’un logement est de 19°C dans les pièces de vie, et 17°C dans les chambres. Avec 42 % des foyers chauffés au gaz, la température moyenne des Français est passée de 19°C à 21°C entre 1986 et 2003. Cependant, tous les français sont loin d’être logés à la même enseigne.

C’est bien connu, l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas. Or, face à la flambée des prix de l’énergie, les ménages français n’ont pas attendu l’intervention de leur ministre de l’Économie pour se serrer la ceinture, quand de plus en plus d’entre eux doivent désormais choisir entre se chauffer ou se déplacer.

En effet, 12 millions de Français vivent déjà en situation de précarité énergétique et en 2021, 1 français sur 5 affirme avoir eu froid dans son logement, selon le dernier baromètre du Médiateur national de l’énergie.

Pour ces français, une seule solution : procéder à la rénovation thermique de leurs habitats. Et c’est là que le bât blesse. Nombre d’entre eux n’ont tout simplement pas les moyens financiers pour le faire. Cette situation ne va pas en s’améliorant quant la crise géopolitique actuelle risque de faire baisser de 1,5 point le pouvoir d’achat des ménages français, selon une estimation d’Euler Hermes, une filiale du groupe Allianz.

Au total, la facture énergétique annuelle des ménages atteindra 2.800 euros en France en 2022, une hausse de 400 euros.

Si l’UE devait totalement se passer du gaz russe, la même étude estime que les prix du gaz pourraient s’envoler de 70% ce qui ferait chuter de 3 points le pouvoir d’achat des ménages français, qui verraient leur facture énergétique annuelle atteindre 3.800 euros en moyenne.

Lire aussi : En France, 1 ménage sur 5 sur-vit dans une passoire thermique

Baisse des aides à la rénovation thermique

Face à la flambée des prix, le gouvernement français a mis en place plusieurs mesures : le gel du prix du gaz à son niveau d’octobre 2021 avec le maintien de ce bouclier jusqu’à la fin de l’année, le plafonnement des prix de l’électricité à 4% d’augmentation, au moins jusqu’à l’été, et la distribution d’un chèque énergie de 100€ attribué à 5,8 millions de ménages bénéficiaires.

Un « bouclier tarifaire » dont le coût total s’élève à plus de 20 milliards d’euros selon le gouvernement. Mais cette compensation n’est-elle pas incohérente sans le maintien d’une politique de rénovation ambitieuse et claire ? C’est ce que proclament plusieurs professionnels du secteur.

« À quelques semaines du premier tour de la présidentielle, l’exécutif semble disposer de ressources inépuisables pour compenser la flambée des prix, mais dans le même temps, baisse encore les aides au financement des travaux d’économie d’énergie. (…) Dans un contexte où les demandes d’aides explosent, un nouveau coup de rabot a été annoncé sur les Certificats d’Économie d’Énergie (ou prime énergie), qui représentent, et de loin, le principal dispositif d’aide au financement de la rénovation énergétique des logements avec 4 milliards d’euros reversés aux Français chaque année (contre 2 milliards pour MaPrimeRenov’). » accuse Nicolas Moulin, fondateur de PrimesEnergie.fr, dans une tribune sur LesEchos

Un constat partagé par Edouard Barthès, président de Symbiote, un syndicat des professionnels de la rénovation énergétique fédérant plus de 250 entreprises. Pour lui, le manque d’une trajectoire claire et lisible de la rénovation énergétique, soumise aux aléas des changements de régulation, a abouti à la suppression de 13 000 emplois dans le secteur ces six derniers mois, tout en augmentant le reste à charge pour les ménages français ainsi qu’il l’explique dans un entretien accordé à Reporterre :

« Pour économiser de l’énergie, le premier acte aujourd’hui, c’est d’isoler ! Cela ne sert à rien de changer votre système de chauffage si vous avez un logement mal isolé. (…) On demande le maintien d’un niveau d’aide minimum, notamment sur l’isolation, pour que les gens aient envie de passer à l’acte. »

Source : Ademe

Cette proposition est partagée par la Fondation Européenne pour le Climat qui explique que l’UE pourrait diminuer ses achats de gaz russe de 25% d’ici 2030 en rénovant les bâtiments et en les chauffant avec des pompes à chaleur.

Dans une note intitulée « Énergie, climat, paix et sécurité », l’association Negawatt rappelle que les mesures proposées par le scénario négaWatt 2022 permettent de se passer totalement des importations de gaz russe en seulement 7 ans.

Au même moment, les déséquilibres sur les flux marchands engendrés par le Covid, les tensions géopolitiques et les spéculations financières qui en découlent ont provoqué une hausse substantielle du prix des matières premières, mettant sous tension de nombreux secteurs d’activité dont celui du BTP et de la rénovation.

Avec l’hiver 2022 touchant à sa fin, les Français pourront se chauffer dans les prochaines semaines, il s’agit donc ici d’anticiper et acter que nous vivons dans un monde en crise : géopolitique et écologique. Lundi 7 mars, la directrice générale d’Engie, Catherine MacGregorur, avertissait ainsi que « L’Europe pourrait venir à manquer de gaz l’hiver prochain » sur France Inter.

A l’heure actuelle, 40 % des importations européennes de gaz naturel fossile et 23 % de celles de produits pétroliers viennent de Russie, et cette dépendance est respectivement de 20 % et 13 % pour la France. Ce que craignent le plus les dirigeants européens, c’est que la Russie coupe le robinet avant qu’ils aient pu mettre en œuvre leur stratégie de souveraineté énergétique.

Bruno Le Maire a comparé la crise énergétique actuelle « au choc pétrolier de 1973 en intensité et en brutalité », pour mieux préparer les français aux efforts à venir. Une politique publique claire sur le sujet devient donc vitale.

Crédit photo couv : Luca Florio

Laurie Debove

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