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Deux guépards ont agonisé dans un zoo, les dangers de la captivité

Code Animal milite donc pour une solution radicale : interdire la captivité des animaux, dans les cirques, les zoos, les delphinariums et chez les particuliers, pour aller vers une sanctuarisation. 

Le 21 mai, effroi des visiteurs au zoo du Bioparc de Doué la fontaine : deux guépards présentent de violents symptômes de vomissements et d’ataxie avant de finir par s’effondrer, morts. Cet épisode est révélateur d’une vérité méconnue : la captivité de guépards, loin de participer à leur conservation, met en danger la survie de l’espèce. L’association Code Animal sort aujourd’hui un rapport qui explique comment la captivité a des effets délétères jusque sur le patrimoine génétique de l’espèce, et quelles sont les changements à mettre en œuvre pour amorcer un réel programme de conservation de l’espèce.

Un épisode loin d’être anodin

Spécialisée depuis 10 ans sur la faune sauvage captive, l’association Code Animal a tout suite su qu’il fallait réagir lorsque des visiteurs leur ont envoyé une vidéo funeste : l’agonie de deux guépards en captivité. Contacté par Code Animal qui a même envoyé un enquêteur sur place, le zoo Bioparc de Doué la fontaine a répondu que les deux guépards seraient décédés à cause d’une intoxication à un vermifuge couramment utilisé pour cette espèce.

Si l’association ne remet pas en cause le professionnalisme de l’équipe des soignants, des questions restent en suspens pour mieux comprendre ce qu’il s’est passé. En effet, l’association n’a pas eu accès au rapport d’autopsie ni aux analyses toxicologiques effectuées, qui permettraient de valider l’hypothèse de l’intoxication.

« On voudrait utiliser ces images et ce rapport pour remettre en question la captivité des animaux sauvages. Car aujourd’hui, le public n’est pas déconstruit sur l’image de la captivité dans les zoos qui ont un discours bien rodé en prétendant participer à la conservation des espèces, avec un tas d’arguments bien ficelés mais non fondés. On aimerait vraiment que ces images déclenchent une prise de conscience collective : la captivité des guépards n’a rien apporté à l’espèce, mais en plus elle la met en danger ! » explique Alexandra Morette, Présidente de l’association, pour La Relève et La Peste

En effet, la captivité a une incidence directe et à plusieurs niveaux sur le guépard : mauvaise reproduction, état de stress chronique, répercussion sur la génétique de l’espèce, obésité due au confinement, moindre résistance immunitaire et développement de pathologies a priori inexistantes dans le monde sauvage : maladies gastro-intestinales, rénales, affectant le système nerveux central et maladies liées à la nutrition.

https://www.youtube.com/watch?v=oDNWuAq4BHg&feature=emb_logo
Attention, vidéo avec du contenu sensible.

Les problèmes engendrés par la captivité

A travers les recherches que l’association a mené sur le sujet, le rapport démontre bien à quel point l’espèce en captivité est de plus en plus fragile au niveau génétique. Ce phénomène est causé par l’étrangement de la population, suite à l’interdiction de la capture d’animaux libres depuis les années 2000 pour fournir les zoos français, avec un faible nombre d’individus qui ne permettent pas un bon brassage génétique.

Aussi, ce sont les animaux les plus faibles ou apprivoisés qui ont le plus de chance de se reproduire en captivité, les plus vigilants et agressifs étant pourtant les mieux adaptés au milieu naturel. Au fil du temps, la perte de polymorphisme génétique a limité la capacité de cette espèce à s’adapter à des changements environnementaux.

Une conséquence malheureusement logique lorsque l’on enferme des animaux ensemble, alors qu’ils sont solitaires dans leur milieu d’origine, dans de petits espaces (l’association des parcs zoologiques européen impose un minimum de 6m2 par animal) quand le guépard est capable de faire des pointes de vitesse à 110km/h pour chasser en milieu naturel.

Cara Fuller had the opportunity to visit Cheetah Outreach outside of Cape Town and watch cheetahs running up close.

Mélanger les animaux issus d’élevage avec des animaux sauvages équivaudrait donc à un appauvrissement génétique de la population sauvage, un résultat contreproductif si le véritable but des zoos était de permettre une réintroduction dans le milieu naturel.

« Affirmer que l’élevage de guépards pourrait préserver le pool génétique pour une hypothétique réintroduction dans le milieu naturel est totalement illusoire, d’autant plus que le taux de reproduction de la population captive est insuffisant pour maintenir cette population ! » dénonce le rapport

Depuis 1970, malgré les techniques de reproduction assistée, seuls 10 à 15 % des couples captifs mettent bas, et le taux de mortalité est élevé (29,1 %). Ce faible taux de reproductivité crée une possibilité révélatrice de la mise en danger de l’espèce : la population captive pourrait bien disparaître avant la population sauvage.

La population de guépards en captivité au 31 décembre 2016 était de 1835 animaux dans 289 établissements connus dans 49 pays. Selon l’IUCN, il y aurait environ 10 000 guépards libres en Afrique et en Asie en comparaison. En 1900, ils étaient 100.000…

Le guépard est classé sur la liste rouge IUCN comme « vulnérable » depuis 1986 sur lAnnexe I de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES) depuis 1975.

Crédit : lee bernd

Repenser notre rapport au monde sauvage

L’impact de la captivité sur le guépard illustre bien comment l’humain n’est pas capable de recréer et maîtriser un environnement « naturel », et nous invite à repenser notre rapport au monde sauvage.

« Là, c’est un dossier sur le guépard, mais la captivité et la conservation c’est pareil pour les autres espèces, de la plus grosse espèce comme l’éléphant à de bien plus petites. Un zoo est un monde complètement artificiel fait pour et par l’humain, puisque les enclos sont construits pour que les gens puissent voir les animaux. En replongeant dans les directives de l’EAZA, qui établit des standards de détention des animaux, j’ai découvert que les besoins nutritionnels des guépards sont extrapolés à partir de ceux des chats domestiques ! En France, les zoos possèdent des guépards depuis 1936, mais au final ils n’ont jamais dû aller les observer dans le milieu naturel. » explique Alexandra Morette, Présidente de l’association Code Animal

Effectivement, certaines viandes données à manger aux guépards peuvent être dangereuses pour leur santé lorsqu’elles ne sont pas incluses dans un régime alimentaire diversifié. Ainsi, les nourrir exclusivement de cheval ou de chèvre augmenterait le risque de maladie gastro-intestinale.

« Le fait de pouvoir chasser des proies vivantes pourrait être bénéfique pour leur santé, mais on les nourrit de façon artificielle pour qu’ils bougent lorsque les visiteurs sont là et pour ne pas choquer le public ! Même leurs comportements naturels sont édulcorés pour ne pas heurter la sensibilité des humains, alors que la première violence dans un zoo c’est la captivité, ça se voit tout de suite dans leur regard et leur attitude. Il n’y a pas besoin de voir les animaux en vrai pour apprendre à les connaître et les respecter. »  détaille Alexandra Morette, Présidente de l’association Code Animal

crédit : Ash Edmonds

Le charisme du guépard est à la fois son atout, pour sensibiliser à sa protection, et sa plus grande menace, au vu de l’inquiétante augmentation de personnes possédant un animal exotique à domicile, phénomène connu sous le terme « NAC » pour Nouveaux Animaux de Compagnie. Du Moyen-Orient jusqu’en France, les réseaux sociaux ont largement contribué à répandre l’envie de posséder un animal sauvage, et tout particulièrement à posséder un félin.

« En France, 30 millions d’amis a déjà saisi 15 bébés fauves depuis octobre 2018, notamment des servals, mais aussi des lionceaux ! On en revient toujours à l’animal consommation, on en veut un chez soi en oubliant que ces animaux n’ont rien à voir avec un environnement domestique. Le covid 19 aurait très bien pu se déclarer en Europe puisque certains vivent littéralement avec des bombes à retardement ! A cause des parasites qu’ils ont sur eux, on ne peut pas comparer des animaux domestiques qui ont évolué sur des centaines d’années de cohabitation avec des humains, à des animaux sauvages avec lesquels nous ne sommes pas censés être si proches physiquement. » s’insurge Alexandra Morette, Présidente de l’association Code Animal

De fait, si les animaux domestiques ne sont pas transmetteurs du covid-19, ce n’est pas le cas des animaux sauvages dont la proximité forcée avec les humains, que ce soit à cause de la destruction de leurs habitats comme la déforestation liée à l’élevage industriel ou l’intrusion de l’humain dans leur milieu naturel, crée de plus en plus de zoonoses chaque année.

Crédit : David Groves

Créer un véritable programme de conservation

Code Animal milite donc pour une solution radicale :  interdire la captivité des animaux, dans les cirques, les zoos, les delphinariums et chez les particuliers, pour aller vers une sanctuarisation : notamment en interceptant et accueillant des individus sauvages qui avaient été braconnés pour les relâcher ensuite dans leur milieu naturel, et en protégeant leur habitat.

« Il faut que les zoos arrêtent de reproduire les animaux en captivité, et accorder plus de moyens à la conservation naturelle. C’est complètement aberrant de ramener des lions d’Afrique plutôt que créer des dynamiques avec les populations locales. On laisse tout ça aux mains d’entreprises privées qui sont à la base du problème, au moment de la sixième extinction de masse et de son accélération. Avec la participation de la société civile et une politique publique adéquate, il faut donc faire de la conservation dans le milieu naturel : lutter contre le braconnage lié aux nouveaux animaux de compagnie notamment au Moyen-Orient, et lutter contre la disparition de leur habitat par des associations locales sur le terrain. » détaille Alexandra Morette, Présidente de l’association Code Animal

Code Animal collabore ainsi avec l’association Tacu Gama en Sierra Leone qui protège le chimpanzé. Ils ont un sanctuaire pour recueillir les animaux de trafic (viande de brousse et animaux de compagnie) et travaillent en parallèle avec le gouvernement pour faire reconnaître le chimpanzé comme animal national pour sanctuariser leurs habitats, replanter des arbres, protéger leurs territoires, aider les fermiers à coexister avec les animaux. Si une activité écotouristique est mise en place autour du projet, l’association est vigilante à ce qu’elle ne se transforme pas en tourisme de masse.

En France, Code Animal a fait partie d’un groupe de travail interministériel, mis en place à l’époque par François De Rugy. L’association a émis des recommandations pour changer la réglementation en vigueur. Des annonces devaient être faites l’automne dernier, mais cela a sans cesse été repoussé par manque de volonté politique, déplore l’association.

« Nous n’en sommes plus au début du combat, mais il faut y aller par étape. Comme les cirques sont pires dans l’esprit des gens, il va d’abord falloir y abolir complètement la présence d’animaux pour résoudre le problème des zoos. De plus en plus de monde réalise qu’il n’est pas normal d’avoir des animaux sauvages en captivité, mais y emmènent toujours leurs enfants. Pourtant, c’est loin d’être le seul moyen de voir des animaux. Pourquoi pas documenter la faune locale ? On est toujours en quête d’exotisme alors qu’on ne connaît même pas les animaux près de chez soi ! Je suis convaincue que ça peut aller très vite, il y a juste besoin que les médias exposent le sujet et que les langues se délient pour y arriver. » conclut avec espoir Alexandra

Laurie Debove

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