L’adage dit qu’on choisit ses amis mais pas sa famille. Les scientifiques du GIEC pourraient dire que les enfants nés après 2010 n’ont définitivement pas choisi le monde dans lequel ils se retrouvent. Le GIEC nous prévient depuis 1988, cette fois-ci la fenêtre de tir s’est refermée pour rester en-dessous de +1,5°C de réchauffement climatique. Désormais, chaque dixième de degré supplémentaire évité est un enjeu de survie majeur partout dans le monde.
Cela fait huit ans que les scientifiques du GIEC nous alertent, et huit ans que les températures enregistrées enchaînent les records d’année en année. Ce n’est qu’un début, ces huit dernières années compteront donc parmi les plus fraîches du siècle, quels que soient les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre.
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Au final, « les choix et les actions que l’on prend au cours de cette décennie détermineront le futur des générations actuelles mais auront aussi des conséquences pendant des millénaires », prévient Valérie Masson-Delmotte, paléo-climatologue également autrice du résumé.
Alors que la température a déjà grimpé de près de 1,2°C en moyenne dans le monde, le réchauffement climatique atteindra 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle dès les années 2030-2035. Les impacts de ce dérèglement climatique, provoqué par les activités humaines, sont déjà plus graves qu’estimés avec un lot de catastrophes naturelles qui gagne en intensité.
Face à cet état des lieux alarmant, les scientifiques du GIEC ont présenté leur synthèse comme un « guide de survie » pour l’humanité. Car les conséquences de ce dérèglement vont frapper d’abord les populations les plus pauvres et les moins émettrices de CO2, c’est à dire celles du pays du Sud, mais aussi les générations nées après 2010 partout dans le monde.
« L’un des chiffres les plus impressionnants concerne l’équité entre les générations. La génération de mes enfants nés dans les années 2010 sera confrontée à beaucoup plus de vagues de chaleur, de fortes pluies et de sécheresses au cours d’une vie moyenne que leurs grands-parents.
Avec chaque augmentation supplémentaire du réchauffement climatique, l’intensité et la fréquence des vagues de chaleur, des épisodes de fortes précipitations et des sécheresses continueront d’augmenter dans de nombreuses régions. Ainsi, la probabilité de vagues de chaleur extrêmement humides, qui réduisent la productivité du travail et augmentent la morbidité et la mortalité chez les humains et les animaux, continue d’augmenter dans de nombreuses régions densément peuplées » résume ainsi le climatologue Eric Fischer
Si la plupart des occidentaux empêtrés dans leur confort artificialisé ne réalisent pas ce qu’il est en train de se passer, les espèces animales et végétales, elles, l’ont bien compris. La moitié des espèces vivantes fuit déjà à la recherche de conditions de vie plus clémentes.
« Actuellement, nous sommes sur une trajectoire à +3,2°C d’ici la fin du siècle. A +1,2°C, des écosystèmes uniques devraient s’effondrer. A +1,5°C, 14% des espèces terrestres risquent de disparaître. A +1,9°C, la moitié de l’humanité sera exposée à des conditions climatiques mortelles » énumère Clément Sénéchal, membre de Greenpeace
En France, cette augmentation serait de 3,8 °C d’ici 2100 par rapport au début du XXᵉ siècle, et ce dans un scénario d’émissions modérées de gaz à effet de serre. Le GIEC exhorte les pays du Nord à agir pour limiter la dégradation des conditions de vie sur Terre.
« Des réductions profondes, rapides et prolongées des émissions (…) conduiraient à un ralentissement visible du réchauffement mondial en environ deux décennies », écrit le groupe de scientifiques
En effet, nous allons atteindre +1,5°C, le doute n’est plus permis à moins d’un sursaut international radical, mais nous pouvons encore limiter la hausse des températures à +1,5°C à la fin du siècle. Pour cela, les solutions sont connues mais inutile de compter sur le développement de technologies toujours immatures, et mieux vaut se concentrer sur la réduction des émissions de CO2 à la source et la restauration des puits de carbone naturels (forêts, océan, sols).
« Les 3 premiers leviers pour réduire les émissions de CO2 sont : le développement du solaire et de l’éolien, la protection et la restauration d’écosystèmes vitaux comme les forêts tropicales et l’efficacité et la sobriété énergétique. Les meilleurs leviers côté demande pour réduire les émissions de CO2 sont la réduction de la consommation de viande, la baisse des déplacements en avion et l’isolation de tous les logements » liste ainsi Clément Sénéchal, membre de Greenpeace
De notre réactivité ou de notre inertie dépendra tout un enchaînement de réactions en cascade qui nous assurera un futur catastrophique, ou un futur vivable voire enviable. Il ne sera jamais trop tard pour agir, chaque dixième de degré compte, et il devient chaque jour plus urgent de le faire. Nous savons quoi faire, nous avons l’argent et les moyens humains de le faire, les seuls blocages sont politiques et financiers.
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