Poireaux en barquette, concombres sous cellophane, pommes en sachet… Ces aberrations seront-elles sauvées in extrémis par les lobbies ? Alors que la Semaine européenne de la réduction des déchets (19-27 novembre) bat son plein, le Conseil d’État pourrait se voir contraint d’annuler le décret d’application de la loi « Antigaspillage ».
Rendu le 8 octobre 2021, ce texte réglementaire échelonne l’interdiction des emballages plastiques pour les fruits et légumes frais.
Depuis le 1er janvier dernier, de nombreuses espèces telles que poireaux, courgettes, aubergines, poires, bananes, oranges ou encore kakis ne peuvent d’ores et déjà plus être vendues sous une quelconque protection plastique.
Les industriels et les distributeurs disposent par ailleurs d’une période de latence (d’un à quatre ans) pour retirer ou substituer le plastique de toutes les espèces jugées fragiles : jusqu’au 30 juin 2023 pour les tomates cerises ou le raisin ; jusqu’au 31 décembre 2024 pour les salades ; jusqu’au 30 juin 2026 pour les fruits rouges et les lots de 1,5 kilo ou plus.
Un torpillage en bonne et due forme
Ce décret d’application de la loi « Antigaspillage », qui prévoyait la fin du plastique à usage unique pour 2040, devait permettre d’économiser un milliard d’emballages inutiles par an. Il n’était pas, et c’est peu dire, des plus drastiques.
Cela n’a pas empêché l’interprofession des fruits et légumes frais (Interfel), la fédération des coopératives de producteurs de fruits et légumes (Felcoop) et divers lobbies du secteur plastique de l’attaquer sous plusieurs angles au Conseil d’État.
Ils pourraient avoir réussi. Lors d’une audience qui s’est tenue le 14 novembre au Palais-Royal, apprend-on dans un article d’Agra Presse, la rapporteure publique a suivi les demandeurs, et recommandé « l’annulation totale » du décret du 8 octobre 2021.
Le motif invoqué : la loi « Antigaspillage » ne mentionnant aucun « calendrier », l’interdiction progressive des emballages plastiques, au sein du décret, est irrégulière et doit être revue…
Si les Sages retiennent cet argument dans leur décision, qui sera rendue sous deux semaines, la promesse du milliard de déchets économisés ne sera plus qu’un lointain souvenir. Et il faudra tout recommencer.
Le plastique, fléau de l’humanité
Le torpillage de ce décret aux allures, somme toute, de mesurette est un exemple, parmi d’autres, de la vigueur du lobby plastique en France et de l’inertie de nos modes de consommation.
Or, pendant que l’État tergiverse, le plastique continue de s’accumuler. Selon une étude récente, ses quantités totales représenteraient aujourd’hui, sur terre, quatre fois la biomasse de tous les animaux vivants.
Sang, poumons, foie, placenta : à l’état de microparticules, le plastique est également présent dans les organes humains, notamment parce que les milieux naturels en sont dramatiquement pollués. Ces seules données justifient d’en limiter urgemment la production.