Face au score du RN aux élections européennes, la gauche française s’organise pour lui faire barrage aux législatives. Écologistes, socialistes, « insoumis » et communistes ont acté lundi soir le principe de candidatures uniques. Leur défi : passer outre leurs désaccords persistants pour mobiliser la société civile avec eux.
Cri démocratique lancé par le député de la Somme François Ruffin suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, « le Front Populaire » est né. Sept mois après l’implosion de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), les partis de gauche ont posé en un temps record les bases d’un début d’alliance en vue des législatives des 30 juin et 7 juillet.
L’annonce a été faite par les quatre chefs de file des principales formations politiques : l’écologiste Marine Tondelier, Olivier Faure (Parti socialiste, PS), le communiste Fabien Roussel et Manuel Bompard (La France insoumise, LFI). Ce lundi 10 juin au soir, ils ont annoncé la « constitution d’un nouveau front populaire », rassemblant « toutes les forces de gauche humanistes, syndicales, associatives et citoyennes ».
« Dans chaque circonscription, nous voulons soutenir des candidatures uniques dès le premier tour. Elles porteront un programme de rupture détaillant les mesures à engager dans les cent premiers jours du gouvernement du nouveau front populaire. Notre objectif est de gouverner pour répondre aux urgences démocratiques, écologiques, sociales et pour la paix. »
Pour réussir, les partis doivent trouver un compromis sur deux points : le contenu du programme des cent jours et la répartition des circonscriptions des futur.e.s député.e.s.
Surtout, Raphaël Glucksmann sera le plus dur à convaincre. Fort de ses 13,8% aux élections européennes, il veut mener la danse face à LFI qu’il accuse de mener des actions trop radicales dans l’hémicycle. Au « 20 heures » de France 2, Raphaël Glucksmann a proposé que Laurent Berger, l’ancien secrétaire général de la CFDT, soit premier ministre d’un gouvernement de gauche. Pour le Front Populaire nouvellement créé, un homme pourrait être bien plus fédérateur pour le peuple : François Ruffin.
Le terme « front populaire » a été créé la première fois en 1934, lors d’une alliance des partis de gauche pour s’opposer au danger du fascisme, traduit par l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne, et « sauver la République ».
90 ans plus tard, le barrage républicain a cédé à travers la figure d’Eric Ciotti qui vient d’annoncer qu’il souhaite « un accord de LR avec le RN pour les législatives », ce à quoi se sont opposés de nombreux ténors de son parti comme Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse ou Michel Barnier. Le président des députés LR à l’Assemblée nationale Olivier Marleix a également appelé Éric Ciotti à démissionner suite à cette sécession, sans succès.
« Le 30 juin, ce sera donc le Front Populaire contre le Front National » a résumé le député LFI Louis Boyard
D’autre part, les partis liés au sein du Front Populaire comptent sur un rassemblement massif de la société civile. Or, de grandes associations historiques ne peuvent pas forcément se déclarer en faveur de tel ou tel parti pour les élections législatives, étant donné qu’elles doivent pouvoir ensuite continuer à discuter avec des députés de droite lors de la rédaction des lois.
Pour rallier la société civile à ses côtés, le Front Populaire va donc devoir prendre en compte les demandes des associations rurales et de quartiers populaires. En effet, les votes aux européennes ont montré à quel point la gauche est quasiment absente des milieux populaires ruraux. La cause : des programmes politiques trop loin de leurs préoccupations quotidiennes ?
« C’est très chouette de dire qu’il faut lutter contre le RN mais il faut faire très attention à la manière dont les partis communiquent car ils tapent sur un tiers de la population française, et il ne faudrait pas que cela se retourne contre la société civile. Les gens n’ont plus honte de dire qu’ils votent pour le RN car ils pensent que c’est la seule alternative et qu’il n’y en a pas d’autre… Donc il faut débunker massivement ce que le RN a voté, et montrer en quoi ce ne sont pas des défenseurs ni de l’agriculture, ni du climat, ni de la biodiversité, ni des droits humains » explique une source anonyme
Beaucoup espèrent que les citoyens s’organisent et battent le pavé de leur propre initiative, à l’image des anciennes marches pour le climat qui avaient été lancées par un citoyen inquiet pour son avenir. Le but : que la société civile soit dans la rue pour visibiliser ses demandes et préoccupations majeures.