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France : le projet de loi JO2024 ouvre grand la porte à la surveillance de masse

Spécialiste des questions de cybersurveillance et de sécurité, La Quadrature du Net affirme quant à elle que le gouvernement se sert du « méga-événement » que constituent les Jeux comme d’un cheval de Troie « pour faire progresser des politiques qu’il aurait été difficile, voire impossible, de mettre en place en temps normal ».

Vidéosurveillance automatisée, scanners corporels, contrôles antidopage génétiques, extension des pouvoirs du préfet : le projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 est un véritable pot-pourri de mesures sécuritaires. Son article 7, en particulier, inquiète associations, élus et institutions.

Validés ce 25 janvier par le Sénat à l’issue d’un examen de deux jours, les dix-neuf articles de ce texte sont destinés, d’après le gouvernement, à garantir la seule organisation des Jeux olympiques qui se tiendront à Paris du 26 juillet au 11 août 2024.

Dès la mi-décembre, dans un avis consultatif, le Conseil d’État lui-même soulignait pourtant que onze des dix-neuf mesures présentaient « un caractère permanent », car elles avaient été conçues « pour s’appliquer à d’autres situations », « y compris en dehors de la période des jeux ».

C’est le cas de l’article 7, qui cristallise les critiques. Souhaitée par le ministère de l’Intérieur, cette mesure autorise les pouvoirs publics à recourir à la « vidéosurveillance augmentée » ou « algorithmique » (VSA).

Si elle est adoptée, des logiciels d’intelligence artificielle pourront, pour la première fois en France, analyser en temps réel les images que leur fourniront les caméras de surveillance, fixes ou mobiles, qui quadrillent l’espace public, ainsi que les drones de la police.

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Une prétendue expérimentation

Dans sa version actuelle, le projet de loi prévoit que cette disposition s’applique « à titre expérimental », « à la seule fin d’assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles » et sur une période limitée, de la ratification « au 30 juin 2025 ».

Applicable dans tous les départements, l’expérimentation durera donc plus de deux ans et demi, et se prolongera bien après la fin des Jeux olympiques. Elle sera en outre déployée à la rentrée 2023, à l’occasion de la Coupe du monde de rugby accueillie par la France.

Selon ses promoteurs, la VSA permettra de cibler des « situations » – mouvements de foule, attroupements suspects, colis abandonnés, maraudage, etc. – afin d’épauler les forces de l’ordre dans la gestion des treize millions de spectateurs attendus pour les Jeux.

Le gouvernement prétend aussi vouloir éviter, par les mesures de son projet de loi, que la kermesse du Stade de France, envahi par la foule en mai dernier, ne se reproduise à l’été 2024.

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Cheval de Troie sécuritaire

En dépit de ces garanties, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) s’inquiète, dans son avis rendu le 8 décembre dernier, que « le déploiement, même expérimental, de ces dispositifs [puisse] constitue[r] un tournant qui contribuer[ait] à définir le rôle général qui sera[it] attribué à ces technologies, et plus généralement à l’intelligence artificielle ».

Sans s’opposer catégoriquement à son adoption, l’agence publique indépendante souhaiterait que le projet de loi « limite les risques d’atteinte aux données et à la vie privée des personnes » et qu’une « réforme plus globale » vienne « encadrer les usages » du traitement des données.

Spécialiste des questions de cybersurveillance et de sécurité, La Quadrature du Net affirme quant à elle que le gouvernement se sert du « méga-événement » que constituent les Jeux comme d’un cheval de Troie « pour faire progresser des politiques qu’il aurait été difficile, voire impossible, de mettre en place en temps normal ».

« En réalitéécrit l’association, les expérimentations s’insèrent dans un projet politique plus large et satisfont les désirs exprimés depuis plusieurs années par le secteur industriel et les institutions policières d’utiliser massivement ces dispositifs. »

Pour preuve, les « boîtes noires » censées lutter temporairement contre le terrorisme et les autres règles dérogatoires de l’état d’urgence de 2015 ont été finalement pérennisées dans le droit commun à travers plusieurs lois adoptées sous le premier mandat d’Emmanuel Macron.

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Industriels gagnants

« Tremplin pour la vente des logiciels de VSA à l’État et aux collectivités locales par le secteur privé », continue La Quadrature du Net, l’article 7 du projet de loi portera en réalité sur « une quantité d’événements tout autres » que les Jeux : « festivals de musique, courses de marathon, spectacles en plein air, marchés de Noël », ainsi que « leurs abords » et « jusqu’aux moyens de transport les desservant ».

Les industriels du secteur de l’intelligence artificielle et de la vidéosurveillance augmentée, eux, ont touché le gros lot : Thales, Idemia, Briefcam, Aquilae et autres Datakalab obtiendront, grâce à la loi sur les Jeux olympiques, « un cadre juridique qui fait largement défaut », expliquent les juristes de la Quadrature, et signeront de juteux contrats avec l’État et les collectivités qui deviendront dépendants, de facto, de leurs technologies.

En définitive, ce sont les préfets, directement subordonnés au ministère de l’Intérieur, qui auront la mainmise sur ces dispositifs auxquels les citoyens n’auront donc rien à redire.

La Quadrature du Net exige « le rejet pur et simple de cet article 7 pour le projet de société de surveillance qu’il incarne ». Elle est rejointe en ce sens par une partie de la gauche, qui dénonce également l’article 12 de la même loi créant un nouveau délit d’introduction illégale dans une enceinte sportive – à destination, sans doute, des militants écologistes –, ou l’article 17, qui souhaite autoriser le travail le dimanche.

Le vote solennel de ce texte « fourre-tout », au Sénat, est fixé le 31 janvier. La loi repartira ensuite à l’Assemblée nationale, où elle sera définitivement adoptée le mois prochain.

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Augustin Langlade

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