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Foie gras : L214 dévoile l’horreur de l’élevage des canards reproducteurs

Au-delà de la souffrance animale, les élevages industriels posent également de sérieuses problématiques sanitaires et environnementales. Dans le cas de l’élevage des Pyrénées-Atlantiques, les excréments étaient directement rejetés à l’extérieur, risquant de polluer gravement le Saison, un cours d’eau classé Natura 2000 situé à proximité.

Contacté par un lanceur d’alerte, l’association L214 a découvert l’horreur que subissent les canards reproducteurs dans un élevage des Pyrénées-Atlantiques. Souffrance des animaux, risques sanitaires, atteintes à l’environnement : L214 demande la fermeture définitive du site et un audit généralisé de l’ensemble des élevages de reproducteurs et couvoirs de la filière foie gras. Loin de l’image « tradition et terroir », cette enquête révèle les dessous sordides d’une industrie dont la technicisation à outrance conduit à des pratiques déshumanisées et dangereuses.

L’un des pires élevages de la filière IGP Sud-Ouest

Des canards, enfermés dans des cages étroites et entièrement grillagées, évoluant au milieu de cadavres en état de putréfaction, parfois même de squelettes. Des asticots grouillant partout, les rats déambulant au milieu des carcasses flottant dans les 30cm d’excréments qui jonchent le sol. Les Couvoirs du Saison, situé à Lichos, dans les Pyrénées-Atlantiques, est l’un des pires élevages qu’ait jamais découvert l’association L214.

« En 15 ans d’enquêtes de terrain, jamais je n’avais vu une situation pareille ! Le bâtiment semble totalement à l’abandon, de vieilles cages sont complètement défoncées… Pourtant, non ! Cet élevage fonctionne, des canards sont à l’intérieur ! Ils y survivent au milieu de dizaines de cadavres en putréfaction, d’asticots, de rats et d’autres insectes. Et l’odeur ! Insoutenable… » explique Sébastien Arsac, porte-parole de L214

Avertis par L214, les services vétérinaires ont d’abord déplacé les canards avant d’ordonner la fermeture temporaire du site. Aujourd’hui, l’association d’éthique animale a lancé une pétition pour qu’il le soit définitivement, et réclame l’audit officiel de l’ensemble des acteurs de la filière.

« La FNSEA a été reçue dès le lendemain de sa nomination par Julien Denormandie, le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, mais pas nous. Sur Twitter, il a affirmé que cet exploitant ne représente en rien l’élevage français, mais il n’en sait rien ! Lorsqu’on a demandé un vrai audit des abattoirs, on s’est aperçus que la plus grande partie des chaînes d’abattage présentaient des non-conformités ! Pourquoi faudrait-il aujourd’hui faire aveuglément confiance à la filière foie gras ? » interroge Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214, auprès de La Relève et La Peste

Et ce n’est pas la première fois que L214 découvre des élevages hors-la-loi dans la filière foie gras. En décembre 2019, l’association révélait les images terribles du couvoir de La Peyrouse. Pourtant médaillé d’or au Concours général agricole de 2019, le Domaine de la Peyrouse se débarrassait de milliers de canetons femelles en les jetant vivants à la poubelle où ils agonisaient, une pratique absolument interdite !

La légalité n’est cependant pas beaucoup plus éthique : les canetons femelles sont habituellement broyés vivants ou gazés. En effet, leur foie est considéré comme étant de moins bonne qualité que celui des mâles par les producteurs.

Des canards évoluant dans leurs excréments à l’élevage Les Couvoirs du Saison – crédit : L214

Les dérives de la zootechnie

Pour produire du foie gras, les exploitants agricoles élèvent des canards mulards mâles, des hybrides stériles, obtenus par le croisement d’une cane Pékin et d’un canard de Barbarie. L’élevage ciblé par la dernière enquête de L214 est celui de canards de Barbarie dont le sperme est prélevé, grâce à l’utilisation de femelles comme appât sexuel, pour inséminer artificiellement des canes Pékin.

Les bébés issus de ces manipulations sont élevés pendant 80 jours puis gavés à la pompe pneumatique ou hydraulique pendant une dizaine de jours afin qu’ils contractent la stéatose hépatique, une maladie du foie provoquée par la suralimentation forcée. Leur foie hypertrophié peut ainsi atteindre jusqu’à 10 fois son volume normal, rendant leur respiration difficile et leurs déplacements pénibles.

« Tout est extrêmement technique dans l’élevage industriel. Quand on critique les steaks de soja et ce qu’il y a à l’intérieur, on occulte toutes les étapes et ressources nécessaires à la production de viande, ou de préciser combien de races d’animaux ont disparu au profit de l’élevage industriel ! » s’insurge Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214, auprès de La Relève et La Peste

Ainsi, ce sont les zootechniciens de l’INRA qui ont développé cette méthode avec des canards hybrides : un gavage pouvant aller jusqu’à 900 grammes de nourriture (du maïs mélangé à de l’eau) injecté par pompe dans le gosier de l’animal. En 10 jours de gavage, les canards gagnent deux kilos en moyenne.

Gavage au au Domaine de la Peyrouse – Crédit : L214

Les conséquences sanitaires désastreuses des élevages

Face à la violence de cette pratique, le gavage est interdit dans l’ensemble de l’Union européenne à l’exception de 5 pays (France, Espagne, Hongrie, Bulgarie et une partie de la Belgique). La France produit 75 % du foie gras mondial, faisant du pays le plus gros producteur dans le monde entier. Au total, 45 millions de canetons naissent pour le foie gras et 30 millions de canards sont tués en France chaque année.

Au-delà de la souffrance animale, les élevages industriels posent également de sérieuses problématiques sanitaires et environnementales. Dans le cas de l’élevage des Pyrénées-Atlantiques, les excréments étaient directement rejetés à l’extérieur, risquant de polluer gravement le Saison, un cours d’eau classé Natura 2000 situé à proximité. 

« Les canards ne sont pas les seuls à avoir été maltraités. Les conditions de travail étaient également déplorables, les salariés progressant au contact direct de fientes, d’asticots et d’insectes en tout genre. Le coronavirus l’a remis sur le devant de la scène mais les scientifiques sonnent l’alerte depuis longtemps par rapport aux bombes sanitaires que représentent les élevages. » rappelle Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214, auprès de La Relève et La Peste

En 2007, l’éditorialiste de l’American Journal of Public Health s’étonnait déjà que la limitation de la consommation d’animaux ne soit pas encore considérée comme une mesure de prévention d’intérêt face aux épizooties. Ebola, Nipah, H1N1, Listeria monocytogenes, Campylobacter, E. coli, les salmonelles et autres maladies lui auront malheureusement donné raison.

Au mois de juillet 2020, une étude, parue dans la revue Biological Conservation, a remis en évidence les liens entre l’accroissement du bétail (bovins) et les pandémies qui touchent les humains. En réduisant terriblement le territoire des animaux sauvages et favorisant le passage des épidémies des animaux sauvages aux animaux domestiques puis à l’homme, l’accroissement du bétail est un facteur-clé de pandémies mondiales.

Les méga-fermes qui pullulent aux quatre coins du globe sont ainsi devenues les incubateurs parfaits des nouvelles épidémies.

« J’essaie de montrer la nécessité de sortir de l’élevage industriel pour rééquilibrer notre système alimentaire. Cela permet de réduire la souffrance animale, celle des éleveurs, mais aussi de préserver la biodiversité et notre santé… Je suis convaincu qu’on ne pourra réussir une transition agricole qu’en remettant au cœur l’agriculture familiale. » précisait ainsi Serge Morand, l’auteur de l’étude, dans un entretien accordé à La Relève et La Peste

Dans cette période de pandémie mondiale, la demande d’audit du secteur de la filière foie gras devient alors non seulement légitime concernant le bien-être animal, mais aussi essentielle pour limiter les risques sanitaires et les transmissions de pathogènes d’animaux à humains.

Si L214 s’est déclaré soulagé par la décision des services vétérinaires de fermer temporairement l’élevage, l’association réclame toujours sa fermeture définitive et espère que cette enquête participera à la prise de conscience collective des réels impacts écologiques et sanitaires du foie gras.

Laurie Debove

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