Le 27 mai se terminait l’opération annuelle de nettoyage de l’arête Nord Est de l’Everest, qui accueille le camp de base de tous les alpinistes tentant la montée, ainsi que du sommet Ama Dablam. Une expédition qui existe depuis 2013 et qui permet de contenir l'amoncellement de déchets, mais pas de le stopper.
A l’origine 100% tibétaine, l’opération est désormais internationale. Au total, elle regroupe 50 guides tibétains, 150 grimpeurs chinois et étrangers et une cinquantaine de yaks pour descendre les déchets en contrebas.
Des déchets qui continuent à s’accumuler
Sur les trente dernières années, qui marquent le début des ascensions commerciales de l’Everest, 10 tonnes de déchets ont été accumulées.
Face à l’ampleur de la tâche, les associations ont mis en place un système de gestion des déchets. En 2017, Clean Everest a réussi à installer un compresseur à la déchèterie de Rongduk. Les yaks acheminent les déchets jusqu’au camp de base, des camions font ensuite des rondes pour les emmener au compresseur.
Symbole de ce qui est en jeu, en 2018, nous écrivions un article dans lequel nous mettions en avant les résultats de l’expédition de l’époque et les dégâts de la pollution. Cette année-là, les bénévoles descendaient 5 tonnes de déchets laissés à l’abandon.
La grande majorité des 10 tonnes accumulées avaient alors été dégagées de la montagne. Pourtant, chaque année, de nouveaux détritus s’amassent. Chaque année, Clean Everest ressort de terre pour une nouvelle mission. C’est un travail sans fin.
This is a selfie from Everest.
All this trash was left by people who considered themselves high achievers. pic.twitter.com/4EOSEv7nMF
— Benjamin Luk 🎬 (@benjaminluk) April 1, 2024
Un seul remède : éduquer
Après la première expédition en 2013, l’alpiniste française Marion Chaygneaud-Dupuy a lancé Clean Everest en partenariat avec l’administration chinoise du Bureau de la Montagne, ainsi que la compagnie privée des guides et l’École des Guides de Montagne à Lhasa.
Ensemble, ils créent la charte Clean Mountain. Cette dernière est composée de 4 volets. Le premier, et sans doute le plus important, est la protection de l’eau, vitale pour plus de 2 millions de personnes en Asie. Les autorités locales ont constaté une dégradation des eaux de source qui s’écoulent en contrebas.
Deuxième volet, la protection de la faune et de la flore. Troisième volet, la gestion des déchets, avec notamment la création de système de récupération et de gestion des déchets repliables sur toutes les montagnes. La tâche est immense. Sur les sentiers qui mènent à l’Everest en partant de Katmandou, le nombre de dépôts d’ordures à ciel ouvert est passé de 58 en 2017 à 75 aujourd’hui.
"Leave No Trash"
Location – Everest Region
Good morning X have a great day #HalaMadrid #kohlantarp #RealMadridAtleti #Traitors pic.twitter.com/rttjuh20Ri— Alee Dilawes (@AleeDila) January 11, 2024
Le quatrième volet, l’éducation, permettra de résoudre cette prolifération. De plus en plus de jeunes Népalais et Tibétains sont sensibles et éduqués aux questions écologiques.
L’association Tri-Haut pour l’Everest a mis en place un système de caution pour les alpinistes. Ces derniers sont tenus de verser une somme d’argent avant leur ascension, et la récupère si et seulement si il ramène au moins 8 kg de déchets à leur retour.
L’ONG SPCC (The Sagarmatha Pollution Control Committee) tente également d’installer des centres de tri dans les villages les plus proches des circuits touristiques qui mènent au sommet. Malgré les informations relayées autour de la pollution du toit du monde, son attrait se renforce année après année. Entre 2006 et 2019, le nombre d’alpinistes a augmenté de 64 %. Depuis 2019, il n’est plus rare, au moment des pics de fréquentation au printemps, que des files d’attente se créent sur les flancs de la montagne. Cela oblige les équipes à attendre dans des températures glaciales qui peuvent être fatales pour les grimpeurs.
L’expérience se rapproche de plus en plus d’un parcours touristique grand public, qui rompt avec la beauté de l’Himalaya et renforce son extinction due à la pollution et à l’empreinte carbone causée par les voyages en avion des grimpeurs.
Bien que les initiatives se multiplient, l’ampleur de la tâche s’annonce féroce. Les touristes, qui négocient leur ascension à plusieurs dizaines de milliers d’euros, n’ont pas conscience des dégâts qu’ils génèrent. Les expéditions de nettoyage contiennent l’avancée de l’océan de déchets. Mais qu’en est-il des ordures invisibles, celles englouties par la neige et la glace ?