Désireux d'aller vers des modes de vie plus sobres, Sophie Ayoubi et Valentin Douarre ont créé en avril dernier la « lowbjethèque », à La Garde, dans le Var. Une initiative inédite en France qui, sur le modèle des bibliothèques d'objets, vise à permettre à ceux qui le souhaitent de découvrir les objets low-tech dans leur quotidien.
La Relève & La Peste : Vous venez de créer l’association LOWbjetheque, aux côtés de Valentin Douarre. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est cette « lowbjetheque » ?
Sophie Ayoubi : L’idée de la « lowbjetheque » qu’on a imaginée avec Valentin, c’est de fonctionner comme une bibliothèque d’objets, c’est-à-dire comme un endroit où l’on puisse librement emprunter des objets, mais avec des objets à démarche low-tech.
Ces objets doivent donc répondre aux critères de la low-tech, en opposition aux objets high-tech, c’est-à-dire qu’ils doivent être utiles, durables, et accessibles. D’ailleurs, quand on parle d’accessibilité, il s’agit d’une accessibilité financière autant qu’intellectuelle.
C’est pour cette raison que les plans des objets low-tech sont en open source. L’idée, c’est que ceux qui n’ont pas les moyens de les acheter puissent se les procurer.
LR&LP : Quel objectif poursuivez-vous avec le prêt d’objets low-tech ?
A. : L’ambition est d’amener les gens à se préparer au monde d’après. On sait très bien que les ressources vont être plus rares, plus difficiles à trouver, et qu’il est impératif d’être plus économe en énergie. A partir de là, il est intéressant de se demander vers quels objets on peut se tourner pour avoir un mode de consommation plus simple et plus sobre.
Pour cela, la « LOWbjetheque » va permettre de tester concrètement quels objets low-tech chacun peut utiliser pour répondre à ses besoins quotidiens. Derrière l’ambition écologique, il y a aussi une question financière, puisqu’utiliser des objets low-tech permet de faire des économies liées à l’économie d’énergie.
LR&LP : Quels sont les objets qui pourront être empruntés à la « LOWbjetheque » ?
A. : A terme, de nombreux objets ! Pour le moment, la « LOWbjetheque » en compte une vingtaine. Parmi eux, un « cuicui », conceptualisé et fabriqué à la main par l’entreprise canadienne Rudimenterre. Ce « cuicui » permet de cuire plusieurs plats à la fois à partir d’une source de chaleur unique, grâce à l’empilement de contenants. C’est extrêmement ingénieux, entraîne des économies en énergie, et en plus c’est un très bel objet !
Dans la « LOWbjetheque », il y a également une marmite norvégienne. Elle permet de continuer à cuire son plat sans électricité grâce à un principe d’isolation qui garde la chaleur. Cela demande un peu d’anticipation parce que la cuisson prend du temps, mais une fois qu’on a pris le coup de main, c’est très simple !
On dispose aussi de fours solaires qui, pour l’un, permet de monter jusqu’à 140°. Et parmi nos autres objets atypiques, il y aura une machine à laver à pédale ! Elle est adaptée pour des petites contenances. C’est une low-tech très économe car elle n’utilise pas d’électricité et consomme beaucoup moins d’eau qu’une machine à laver classique.
LR&LP : Comment vous procurez-vous ces objets atypiques ?
A. : Pour le moment, nous avons achetés pas mal d’objets sur nos fonds propres avec Valentin. Notre ambition est de réussir à développer des partenariats avec des fournisseurs d’objet low-tech, afin qu’ils nous aident à alimenter la « LOWbjetheque ». On va aussi lancer des appels à don pour récupérer les objets qui dorment chez les gens et qui pourraient être réutilisés.
LR&LP : Quand ces objets vont-ils pouvoir être empruntés et selon quelles modalités ?
A. : Nous sommes basés à La Garde, à côté de Toulon, dans le département du Var en région Provence-Alpes-Côtes / Sud. Pour le moment, nous n’avons pas encore de local, mais on y travaille. D’ici là, dans les prochaines semaines, on va définir des lieux où les adhérents pourront venir récupérer les objets qu’ils souhaitent tester et emprunter.
On a fixé la cotisation à 30 euros par an, avec un tarif de 3 à 30 euros à la semaine pour chaque objet emprunté, ce qui nous permettra notamment d’amortir les éventuels frais liés à l’entretien des objets.
Depuis notre lancement en avril, on est entouré d’une vingtaine de personnes qui nous aident. On vient de lancer les adhésions pour toucher un public beaucoup plus large.
LR&LP : En parallèle du prêt d’objets, vous développez un programme d’activités autour des low-tech. Pouvez-vous nous en dire plus ?
A. : On veut que les gens puissent emprunter des objets low-tech, mais on veut aussi aller plus loin. L’enjeu de ce programme d’activités est de proposer aux gens de fabriquer des objets qui soient low-tech et zéro déchets, pour qu’ils soient actifs.
On souhaite également faire des ateliers où des réparateurs interviennent, afin qu’ils sensibilisent à l’entretien des objets. Ces interventions pourraient également aller de pair avec des ateliers de valorisation des déchets. En fait, on imagine vraiment un projet très global, qui sera régi par trois grands principes : l’intergénérationnel, l’interculturalité et la mixité.
Concernant l’aspect intergénérationnel, aujourd’hui, la jeunesse est éco-anxieuse. A travers la low-tech, l’enjeu est de montrer aux jeunes que la surconsommation n’est pas une fatalité et qu’on peut faire des choix éclairés. Dans le même temps, il y a beaucoup de bonnes pratiques qu’avaient les anciens et qui ont été mises sous le tapis. On voudrait revaloriser ces savoirs pour que les seniors puissent les partager.
Pour ce qui est de l’interculturalité, la low-tech renvoie directement à l’idée qu’au-delà de nos frontières, il existe des techniques très intéressantes pour réussir à économiser l’énergie et il faut qu’on s’en inspire. Concernant la mixité, enfin, on veut faire des ateliers inclusifs pour que les femmes, notamment, se sentent libres et légitimes de fabriquer des objets low-tech.
Avec la low-tech, c’est toutes ces petites révolutions qu’on prône, mine de rien.
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