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En France, certaines forêts émettent du carbone au lieu d’en stocker, un changement alarmant

Dans la région Grand-Est, où la mortalité a été multipliée par cinq en moins de dix ans, la forêt émet ainsi du dioxyde de carbone depuis 2017.

Dans un récent rapport, l'Académie des sciences tire un bilan préoccupant sur l'état des forêts françaises qui, pour certaines, n'arrivent plus à assurer plus leur rôle de puits de carbone. Les auteurs appellent à des changements majeurs pour endiguer la catastrophe.

C’est un changement de paradigme majeur que pointe le comité des sciences de l’environnement de l’Académie des sciences dans son rapport “Les forêts françaises face au changement climatique”, paru en juin dernier.

Alors que les forêts, qui couvrent 31% du territoire métropolitain, jouent un rôle majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique grâce à leur capacité d’absorption du CO2, ces dernières assurent de moins en moins leur rôle de puits de carbone.

À tel point qu’en dix ans, la capacité de stockage du CO2 par les écosystèmes forestiers a été divisée par deux. La forêt française, qui absorbait 57,7 millions de tonnes de CO2 (Mt CO2) en 2011, n’en absorbait plus que 31,2 millions en 2021.

Une situation alarmante qui peut s’expliquer par différents facteurs selon Philippe Ciais, co-auteur du rapport et climatologue au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. Le réchauffement climatique, d’abord.

En dix ans, la croissance des arbres a chuté d’environ 10 %, du fait notamment des sécheresses récurrentes ces dernières années, “ce qui diminue leur fonction de puits de carbone”, détaille le chercheur. Les périodes de sécheresse extrême et la multiplication des ravageurs ont également conduit à des dépérissements massifs.

Mais l’activité humaine est également responsable de la situation actuelle”, rappelle Philippe Ciais, pointant du doigt l’augmentation de la récolte de bois.

Hauts-de-France, Corse, Grand-Est : des régions émettrices de carbone

Dans ce contexte, certaines régions sont tout particulièrement impactées. C’est le cas des Hauts-de-France, de la Corse et du Grand-Est où, d’après des données fournies par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et reprises par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), les forêts sont devenues des sources de carbone.

Dans la région Grand-Est, où la mortalité a été multipliée par cinq en moins de dix ans, la forêt émet ainsi du dioxyde de carbone depuis 2017.

“C’est une région qui a subi de très importantes attaques de scolytes, détaille Philippe Ciais, des insectes parasites qui s’attaquent aux résineux. Dans le même temps, les récoltes ont été très importantes.

Si les données du Citepa ont de quoi inquiéter, il se pourrait qu’elles ne permettent pas encore de mesurer l’étendu du problème, alerte le chercheur, puisque ces dernières ne prennent pas en compte l’impact de la sécheresse historique et des incendies de 2022.

L’inventaire réalisé par l’IGN est régulièrement réactualisé. Par rapport aux dernières données dont nous disposons, il a pu se produire des phénomènes de mortalité que nous ne seront capables de mesurer que d’ici quelques années.

Des changements d’ampleur à entreprendre

Alors que la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le constat tiré par les auteurs du rapport de l’Académie des sciences est sans appel : il est impératif que des changements de grande ampleur soient effectués si la France veut atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée.

La filière bois, d’abord, doit s’adapter au contexte sociétal et climatique en “évitant notamment d’augmenter les prélèvements de bois dans les régions où les puits de carbone baissent”, souligne Philippe Ciais.

Les densités de peuplement doivent également être “ajustées aux conditions hydriques” et la diversité des essences doit être “augmentée fortement” afin de renforcer, entre autres, “la résilience des peuplements face aux événements climatiques extrêmes”.

La question qui se pose maintenant, c’est comment aider la nature en replantant des essences qui vont se porter mieux et qui seront plus adaptées, poursuit Philippe Ciais, qui imagine par exemple la replantation d’hêtres plus au Nord. Des recherches sont en cours, mais on découvre à peine l’étendue du problème, souligne-t-il. C’est un processus qui va être long.

Surtout, la France doit effectuer une révision de sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC), établie pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, “en tenant compte de l’évolution récente du bilan de carbone forestier”.

On ne peut plus compter sur les puits de carbone comme on le faisait jusqu’ici pour atteindre la neutralité carbone à laquelle on s’est engagé, conclut Philippe Ciais. Et si on continue comme c’est le cas actuellement, c’est sûr, on n’y arrivera pas.

Alors que le gouvernement doit présenter prochainement les grandes orientations de la troisième édition de sa SNBC, les auteurs du rapport espèrent être entendus.

 

Cecile Massin

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