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En Espagne, une entreprise veut construire le premier élevage intensif de pieuvres au monde

Le projet se situe sur l’archipel des Grandes Canaries et repose sur une parcelle de plus de 52 000 m². L’entreprise veut élever 1 million de céphalopodes à raison de 3 000 tonnes par an destinées à l’alimentation.

La société espagnole Nueva Pescanova a annoncé vouloir ouvrir le premier élevage intensif de pieuvres au monde durant l’été 2023. Près d'1 million de pieuvres y seraient tuées chaque année ! Jusqu’ici capturées à l’état sauvage, la croissance de la demande internationale incite les industries agro-alimentaires à élever des pieuvres en captivité, malgré l’incompatibilité de la sensibilité de l’animal avec ce modèle, et l’impact écologique destructeur qu’il représente.

Selon Reuters, la compagnie espagnole a expliqué que l’objectif est de répondre à la demande mondiale en céphalopodes, en augmentation constante ces dernières années. Entre 2010 et 2019, la valeur du fonds de commerce est passée de 1,2 à 2,4 milliards d’euros, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Les captures ont donc augmenté de 9 % pour aboutir à 380 000 tonnes de pieuvres capturées chaque année, soit plus de 10 fois le nombre de captures de 1950, mais sont toujours insuffisantes face à la demande. Aux côtés du Japon, de la Corée du Sud et de l’Italie, l’Espagne fait partie des plus gros importateurs.

Eduardo Almansa, scientifique de l’Institut espagnol d’océanographie qui collabore avec Nueva Pescanova, a affirmé :

« Si nous voulons continuer à consommer des poulpes, nous devons chercher une alternative… parce que les pêcheries ont déjà atteint leur limite. »

Le projet se situe sur l’archipel des Grandes Canaries et repose sur une parcelle de plus de 52 000 m². L’entreprise veut élever 1 million de céphalopodes à raison de 3 000 tonnes par an destinées à l’alimentation.

Selon un rapport publié par l’ONG britannique « Compassion in World Farming » pour dénoncer les projets d’élevage des poulpes, la pieuvre commune, Octopus Vulgaris, est la principale espèce élevée en Europe. En Espagne, des chercheurs ont travaillé au développement de cages dans l’océan et de bassins sur terre.

Mais les pieuvres sont des créatures fragiles qui se blessent facilement. Le corps du poulpe n’est pas adapté aux endroits clos, car il ne possède pas de squelette interne ou externe, ce qui le rend très fragile.

Et la méthode d’abattage prévue, à l’aide d’eau glacée, est particulièrement décriée, d’autant qu’« il est scientifiquement prouvé qu’elle provoque une douleur, une peur et une souffrance considérables, ainsi qu’une mort prolongée », selon les associations environnementales opposées au projet.

Le poulpe est également un animal solitaire. Il souffre des densités élevées et du surpeuplement, qui sont des aspects typiques de l’élevage industriel. C’est aussi un animal particulièrement intelligent qui, en raison de sa curiosité naturelle, a besoin d’explorer et de manipuler son environnement.

Le projet prévoit d’élever 10 à 15 animaux par mètre cube d’eau : ces situations sans espace ni stimulations sensorielles peuvent aboutir à des risques d’agressivité, de territorialisme et provoquer du cannibalisme chez l’animal.

Les pieuvres sont par ailleurs carnivores et consomment quotidiennement trois fois leur poids en nourriture. Leur élevage nécessiterait de pêcher des poissons sauvages, et aggraverait l’amplitude de la crise mondiale de la surpêche. Environ un tiers des prises mondiales de poissons est d’ores-et-déjà transformé en nourriture pour d’autres animaux, et la moitié d’entre elles sont destinées à l’aquaculture.

A ce rythme, la FAO estime que les stocks de poissons des océans va s’effondrer d’ici 2048.

« L’élevage de poulpes à échelle industrielle aggraverait considérablement ce problème », alerte le rapport.

Le Parti animaliste espagnol, PACMA, a relevé l’incompatibilité du projet avec l’accord de Paris : « Nous soulignons que les dommages du projet seraient sociaux, environnementaux, culturels, de santé publique et par conséquent, économiques généraux pour la population des îles Canaries. […] La centrale prévue par Nueva Pescanova pourrait représenter 0,3 % des émissions totales de Gran Canaria, ce qui est loin des calculs du projet, qui la situent à environ 0,025 % de l’ensemble de l’archipel des Canaries. » 

Si mis en place, la quantité d’eau utilisée pour le projet sera comparable à la consommation annuelle d’une population de 1400 personnes. Et ce alors que 75% du territoire espagnol est déjà en voie de désertification.

La PACMA alerte : « Cela représente la consommation annuelle de huit macro-élevages porcins. Dans un scénario de changement climatique et de pénurie d’eau, cela pourrait affecter les écosystèmes naturels et l’approvisionnement humain actuel lui-même. »

A l’opposé de ce projet, en avril, au Royaume-Uni, le Parlement britannique a reconnu juridiquement les pieuvres comme des êtres sensibles ayant une conscience propre, et étant capables de souffrir physiquement et psychologiquement. L’initiative repose sur un rapport de l’université britannique London School of Economics and Political Science qui regroupe 300 études scientifiques pré-existantes.

Les auteurs indiquent que les pieuvres sont capables de ressentir du plaisir, de l’excitation, du désir et de la détresse. Pour les scientifiques, un élevage de poulpes mis en place dans le respect de leur bien-être est impossible. 

Une pétition destinée au Parlement Européen a été mise en place pour arrêter le projet d’élevage de pieuvres aux grandes canaries, et a déjà reçu plus de 60 000 signatures sur les 75 000 visées. 

Sources : « THE STATE OF WORLD FISHERIES AND AQUACULTURE », FAO, 2018 /  « World’s first octopus farm stirs ethical debate », Reuters, 23/02/2022 / « Cette société espagnole veut ouvrir la première ferme d’élevage de poulpes au monde », National Geographic, 24/02/2022

Maïté Debove

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