Pour lutter contre la pollution massive liée à l’industrie de la mode, les Ateliers Textile ont ouvert leurs portes au printemps 2021 à Montignac-Lascaux (Dordogne). Alice, Bérénice et Gitta sont trois couturières qui œuvrent dans la convivialité de la Recyclerie à la création soignée d’objets de tous les jours pour les enfants, de kimonos et d’accessoires à partir de tissus récupérés, selon le principe du surcyclage (ou « upcycling » en anglais).
L’idée a germé dans la Recyclerie par la fondatrice du projet, Stéphanie Kompe, afin de trouver une alternative face au flux astronomique de vêtements collectés qui parvient à la Recyclerie, Le pied allez TRIEZ.
Alice Lambelet, modéliste et responsable de l’atelier, après avoir travaillé dans des marques de mode, a décidé de faire le pas vers une activité qui promeut l’économie circulaire, estimant que l’industrie de la mode ne fait pas les efforts suffisants pour correspondre aux changements profonds que nécessitent la crise climatique.
Les priorités des Ateliers Textile à travers leurs confections de vêtements sont ainsi de ne pas davantage saturer le marché de la mode, et d’éviter l’enfouissement ou l’incinération des textiles, qui méritent une seconde vie pour ces couturières engagées.
La première étape consiste à trier les nombreux objets des arrivages. La plupart des vêtements en bon état sont revendus dans la boutique de la recyclerie à bas prix, tandis qu’une autre partie de tissus divers est réservée à l’atelier.
Les vêtements ne sont pas prédominants dans la sélection et les tissus sont très variés, on réutilise des nappes ou des rideaux. Le choix se porte davantage sur les tissus naturels plutôt que synthétiques, qui tendent à avoir une meilleure conservation dans le temps.
La seconde étape est la récupération. C’est le moment d’un travail fastidieux et long, mais très créatif. Trois modèles de Kimonos en découlent, ainsi qu’une grande variété d’objets tels que des chouchous, des sacs à vrac, des range-couverts et des fanions.
Alice indique pour LR&LP que l’objectif est d’ « exploiter le dernier petit bout de tissu avec une pièce ».
Cette étape est un moment de convivialité et d’échanges entre les imaginaires : chacune des couturières y met sa patte, et trois univers distincts sont transmis par l’intermédiaire de pièces uniques.
Les Ateliers Textile se sont également créés dans la continuité des valeurs de la Recyclerie, avec l’ambition d’un véritable partage. Les stagiaires et bénévoles qui y sont conviés sont de tous types : des étudiants en échec scolaire ou des adultes en reconversion peuvent par exemple rejoindre l’atelier afin d’observer et apprendre.
Stéphanie Kompe nous explique que l’idée est de permettre à ceux qui en ont besoin de retrouver des liens sociaux en prenant part à des évènements collectifs, dans une ouverture intergénérationnelle et mixte :
« La couture favorise la discussion. Les langues se délient dans l’échange d’idées, quel que soit ton âge, ton niveau et ton parcours. »
La couture, historiquement davantage faite d’ouvrières et de couturières, prouve ici être porteuse pour tous. D’après Stéphanie, elle permet aux personnes en retrait de pouvoir se dire : « Je ne suis pas juste une personne en situation d’exclusion. »
Les Ateliers Textile veulent montrer au grand public le vrai prix d’un travail délicat nécessitant lenteur et patience. Alors que la publicité souhaite nous faire oublier l’impact de la fabrication des objets que l’on achète, l’industrie de la fast-fashion pratique des prix extrêmement bas par le biais d’un dumping social et environnemental délétère.
L’empire Shein, grossiste chinois de mode en ligne pour adultes et enfants, a par exemple dépassé Zara et H&M et pesait en 2020 10 milliards de chiffre d’affaire, mais pas sans dégâts. L’ONG Public Eye a publié une enquête en novembre 2021 où elle révèle les conditions de travail de ses employés.
Les résultats sont effarants : les ouvriers et ouvrières travaillent 75 heures par semaine, dans des ateliers aux fenêtres condamnées et issues de secours inexistantes. Des conditions sordides qui rappellent l’effondrement du Rana Plaza en 2013, l’une des catastrophes les plus meurtrières de l’histoire du travail qui avait révélé les formes inhumaines de production qui se cachent derrière la mondialisation.
Selon les chiffres de l’Ademe, l’industrie textile telle que nous la connaissons, en plus d’engendrer des conditions de travail lamentables, est aujourd’hui le troisième secteur le plus consommateur d’eau. Les Nations Unies et les associations estiment que le secteur émet 1,2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, c’est-à-dire 10 % des émissions mondiales.
Ayant de la suite dans les idées, les membres de la Recyclerie de Montignac-Lascaux comptent se lancer dans la création d’objets issus du réemploi de mobilier, qui leur parvient aussi en grand nombre. Si le travail des Ateliers Textile présente des défis, il est toutefois très enrichissant : le remue-méninge collectif offre des nouvelles activités et des nouvelles compétences toutes les semaines et est à ce sens particulièrement valorisant, en plus d’être une aventure riche d’humanité et de sens.
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