La Corse est particulièrement exposée aux risques d’incendies. Grâce à un important travail de recherche et à la formation de comités feux de forêt, l’Ile de Beauté a réussi à diminuer par six le nombre d’incendies entre les années 1980 et 2010. Un exemple réussi de prévention et gestion des risques, mais aussi de coopération avec la nature.
Alors que le monde entier a les yeux rivés sur les monstres de flammes qui dévorent l’Australie, la question se pose de la résilience d’un territoire et la façon de minimiser les risques en période de crise climatique. Si la taille gigantesque des feux de forêt en Australie est sans commune mesure avec ce que la France a déjà vécu, le cas de la Corse est un exemple très intéressant pour la résilience des territoires face à la montée en puissance des évènements climatiques.
« J’ai grandi dans la zone de Corse la plus frappée par les incendies, la Balagne. Les années 80, en Corse, c’est 118 408 hectares brûlés, sur 870 000. Les années 2010, c’est dans les 20 000. 6 fois moins. Malgré le changement climatique, qui nous frappe aussi, faut pas croire. La chance ? Non, un gros travail. Pas toujours parfait, loin de là, mais un travail à plein de niveaux : prévention, surveillance, intervention, et un programme de recherche à l’Université. » témoigne ainsi Fabien Abraini sur son compte Twitter, doctorant en littératures comparées et anthropologie à l’Université de Corse
Ainsi, la création de comités feux de forêt a permis d’avoir aujourd’hui une centaine de bénévoles sur l’ensemble du département de Haute-Corse. Ces comités ont pour mission de sensibiliser la population aux comportements à risque, de trop nombreux incendies étant encore causés par négligence ou malveillance humaine, et effectuent un travail de surveillance tout au long de l’année. Ils apportent leur aide aux sapeurs-pompiers et peuvent intervenir sur le départ de petits feux (généralement <100m²).

Les autorités corses ont également mis en place des zones dites de « pare-feux » à grande échelle, notamment dans les endroits à faible activité agricole avec de larges portions de maquis. En montagne, des pistes de défense contre l’incendie ont été aménagées avec des réservoirs pour faciliter l’intervention des pompiers et garde-forestiers. Ces mesures de prévention sont complétées par des brûlages dirigés qui consistent à détruire par le feu des herbes, broussailles, litières, rémanents de coupe, branchages, bois morts, sujets d’essence forestière ou autres représentant un facteur à risque pour la propagation des incendies.
« Il faut évidement lutter contre les causes du réchauffement climatique mais aussi remettre en cause les croyances qui irriguent la pensée occidentale : l’idéologie qui voudrait soumettre la nature, la dominer, mais également le préservationnisme – c’est-à-dire l’idée selon laquelle les équilibres naturels et la présence humaine sont incompatibles, que la nature fait bien les choses, qu’il faut s’en retirer, la protéger en la sanctuarisant et en la mettant sous cloche. Au contraire, je pense qu’il faut prôner une sorte de coopération et de partenariat, développer un modèle de soin de la forêt où cette dernière ne serait pas uniquement vue sous l’angle de l’extractivisme. Concrètement, cela veut dire revenir à des pratiques menées par des peuples indigènes mais aussi par les paysans traditionnels. Monter la garde, débroussailler, habiter le territoire, faire des feux de surface pendant la saison des pluies. Devenir l’auxiliaire de la nature. Faire avec elle plutôt que contre. S’opposer à la nature, c’est la détruire mais c’est aussi détruire nos chances de vie sur la Terre. » explique Joëlle Zask, auteure de « Quand la forêt brûle », explique pour Reporterre
Actuellement, deux nouveaux programmes de recherche stratégiques sont en cours de validation par l’Université de Corse et le CNRS, dont l’un s’inscrit dans un projet européen de coopération autour des feux de forêt visant à étudier les vulnérabilités des habitations devant les incendies pour mieux organiser leur protection.
En période de crise climatique et écologique, ce travail de connaissance et coopération avec la nature devient donc primordial pour le maintien de l’équilibre de nos écosystèmes.