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En Afrique, de plus en plus d’éléphants naissent sans défenses, une conséquence directe du braconnage

Or, cet impact sur la génétique et la taille des défenses pose un problème sur la santé et le comportement de l’espèce mais aussi l’écosystème dans lequel elle évolue.

En 2018, des analyses effectuées dans un parc national au Mozambique, montraient que le pourcentage d’éléphants naissant sans défenses ne cesse d’augmenter. Trois ans plus tard, une étude menée par une équipe de chercheurs confirme le rôle du braconnage massif mené pendant la guerre civile sur ce phénomène avec une nouvelle découverte. Cette mutation génétique engendrée par le braconnage ne se voit que chez des femelles sans défenses, car les embryons mâles touchés ne peuvent parvenir à leur terme.

Le commerce d’ivoire impacte le comportement des éléphants

En plus des 900 000 morts et des millions de déplacés, la guerre civile du Mozambique a également touché les éléphants durant ses vingt ans de conflit. En effet, pour financer leurs achats d’armes, les deux camps opérèrent un braconnage massif des défenses d’éléphants afin de tirer des revenus du commerce de leur ivoire .

Ce braconnage a détruit la population de pachydermes de plus de 90 %, à tel point qu’il ne reste aujourd’hui que quelques centaines d’individus dans un pays où ils se comptaient en milliers.

Surtout, cet abattage massif a entraîné la prolifération d’une anomalie génétique chez les femelles de l’espèce qui se sont mises à naître sans défenses.

Joyce Poole, spécialiste des études comportementales des éléphants, affirme que « les défenses d’un éléphant mâle sont plus grosses et plus lourdes que celles d’une femelle du même âge. Seulement, une fois que la population a subi une forte pression de braconnage, les braconniers ont commencé à se concentrer également sur les femelles. Avec le temps, la population a vu cette proportion très élevée de femelles sans défenses ».

Dans la revue Science du 21 octobre, une équipe de chercheurs a mis à jour le recensement des pachydermes sans défenses au Parc national de Gorongosa. Alors qu’on ne recensant que 18 % de femelles sans défenses au début des années 1970, leur nombre a grimpé à 52 % à la fin du conflit, et encore 30 % dans la première génération de jeunes éléphantes nées après la guerre.

D’un point de vue plus global, la taille des défenses, quand elles sont présentes, semble vouloir se faire « plus discrète ». Une recherche au Kenya, effectuée en 2015 montre que les éléphants ayant survécu « aux grandes périodes de chasse » ont des défenses plus petites que les mesures effectuées dans les années 70. « Leurs progénitures nées après 1995 montraient également des défenses rétrécies » affirme cette étude.

Crédit Photo : Tobin Rogers

L’impact du braconnage sur la génétique

Surtout, les données rassemblées par les chercheurs ont mis à jour une précision de taille : cette mutation dominante placée sur le chromosome X est fatale aux jeunes mâles en empêchant les embryons de se développer à leur terme. Le responsable principal : le génome AMELX qui est celui associé à un syndrome mâle-létal dominant. C’est ce génome qui diminue la croissance des incisives latérales maxillaires (homologues aux défenses d’éléphant).

« Cette étude fournit des preuves d’une sélection rapide, engendrée par le braconnage, pour la perte d’un trait anatomique important chez une espèce clé des écosystèmes. » précisent les chercheurs

Or, cet impact sur la génétique et la taille des défenses pose un problème sur la santé et le comportement de l’espèce mais aussi l’écosystème dans lequel elle évolue.

En effet, les éléphants utilisent leurs défenses afin de creuser dans le sol pour trouver de l’eau et des minéraux souterrains, ou encore lors de la période de reproduction, pour la compétition entre les mâles. Mais ce n’est pas tout : en creusant et épluchant les écorces d’arbres, les éléphants sont de véritables architectes de l’écosystème dans lequel ils évoluent.

Moins il y aura d’éléphants avec des défenses, plus il y aura d’impacts potentiellement néfastes tels que la réduction de la bioturbation, des changements dans la composition des espèces végétales, une réduction de l’hétérogénéité spatiale et une augmentation de la couverture arborée, qui pourraient affecter une myriade d’autres propriétés de l’écosystème.

« À Gorongosa, le rétablissement de l’abondance des éléphants et de la morphologie des défenses ancestrales peut être crucial pour la restauration de l’écosystème. La restauration de ces fonctions peut nécessiter des échelles de temps beaucoup plus longues que le braconnage massif ayant entraîné ce phénomène, et peut ainsi limiter le rythme des efforts de réensauvagement. Comprendre la dynamique d’évolution rapide de l’Anthropocène est donc essentiel, non seulement pour révéler les impacts biologiques des activités humaines contemporaines, mais aussi pour concevoir des stratégies pour les atténuer. » concluent les chercheurs

Le travail des chercheurs est loin d’être fini. Ils souhaitent à présent comprendre pourquoi certaines femmes ont une seule défense, connaître les habitudes de vie et d’alimentation des femelles sans défense et si les rares mâles repérés sans défense dans d’autres parcs ont survécu à cette anomalie génétique ou s’il s’agit plutôt d’accidents.

Le temps presse : les éléphants d’Afrique sont aujourd’hui officiellement menacés d’extinction, depuis le 25 mars 2021. Dans la savane, leur population a reculé d’au moins 60 % en 50 ans, et dans les forêts de plus de 86 % en 31 ans. En cause : le braconnage et la disparition de leurs habitats.

Lire aussi : L’éléphant de forêt d’Afrique est désormais en danger critique d’extinction

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