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Élevage industriel : un désastre sanitaire pour les salariés et les animaux

« La grippe espagnole de 1918, qui a fait des millions de morts dans le monde entier, était au départ une simple grippe aviaire. Il en va de même pour les bactéries. Les élevages sont un problème majeur de santé publique. »

Plus de 25 000 poulets entassés dans un bâtiment clos de 1 200 mètres carrés au sol (une minuscule feuille A4 par bête), ramassés cinq à cinq par des travailleurs sans contrat et sans protection, jetés dans des caisses pour être emmenés aux abattoirs, où ils mourront avant d’avoir vu la moindre lueur de jour : ce sont les conditions de vie de la plupart des poulets que nous consommons, comme le révèle une nouvelle enquête de L214, diffusée jeudi 19 novembre au matin.

Des poulets trop lourds pour supporter leur propre poids

L’association de défense des animaux se fonde sur le témoignage d’un lanceur d’alertes employé comme « ramasseur » dans diverses exploitations icaunaises de la marque DUC, propriété du groupe néerlandais Plukon Food, spécialisé dans la production de volaille.

Les ramasseurs font partie de ces travailleurs de l’ombre des élevages intensifs : toutes les nuits, ils passent quatre ou cinq heures à « encaisser » des poulets qui seront immédiatement conduits de leur unique lieu de vie à leur lieu de mort, et ce métier ne leur les élève pas même au-dessus du seuil de pauvreté.

« Employés à l’heure et travaillant tous les jours de la semaine, nous explique Brigitte Gothière, porte-parole de L214, les ramasseurs ne gagnent pas plus de 25 euros par jour, 7 à 800 euros par mois. Ce sont des sous-traitants mandatés dans des élevages “en intégration”, c’est-à-dire où la marque DUC ne possède pas les murs, mais les bêtes, les outils et l’alimentation. »

La plupart des employés n’ont pas de contrat ou n’ont jamais reçu l’exemplaire signé par l’entreprise. On ne fournit aux ramasseurs ni gants pour prévenir les coups d’ailes et de serres donnés en tout sens par ces animaux paniqués, ni masques susceptibles de les protéger des poussières. Au moment du « ramassage », ces hangars ont accumulé les déjections de 25 000 poulets pendant trente-cinq jours.

Les animaux bougent, la poussière se soulève, l’air est imbibé d’ammoniaque et de substances nuisibles. Les employés commencent à tousser au bout de quelques jours. 

Enfermés toute leur existence dans des espaces étroits, à 17, 19 ou 21 par mètre carré, ces poulets sélectionnés génétiquement depuis des générations développent des affections locomotrices, cardiaques, respiratoires.

Selon Brigitte Gothière, « leurs problèmes physiques viennent de la disproportion entre les muscles et le reste du corps. Les pattes et les organes se suivent pas le rythme de croissance et ne peuvent résister aux deux kilos de chair du poulet. »

Résultat : 30 % des animaux subissent une luxation, une hémorragie ou d’autres blessures au moment de leur ramassage.

« Quand on les soulève, on entend les pattes se briser », déclare le lanceur d’alertes.

Ce type de bâtiments est-il légal ? Si l’on en croit l’analyse de L214, aucune irrégularité n’y a été relevée. Pire, 80 % des poulets d’élevage sont détenus dans de telles conditions, sans aucun accès à l’extérieur.

La France, qui en produit 800 000 millions par an, est l’un des cinq pays d’Europe autorisant les plus hauts niveaux de concentration de ces bêtes, dont 1 à 4 % décèdent à chaque rotation, selon le type d’élevage dans lequel elles grandissent.

Crédit : L214

L’élevage industriel, un facteur de pandémies

Depuis le début de l’épidémie du nouveau coronavirus, les élevages intensifs et les abattoirs sont régulièrement mis en cause pour leur rôle dans la propagation de maladies qui deviennent de plus en plus transmissibles à l’homme.

Dans son ouvrage Pandémies, une production industrielle (Seuil, 2020), la journaliste Lucile Leclair démontre que « l’industrie agricole a créé un nid douillet pour les [organismes] pathogènes » comme les virus.

Alors que les maladies infectieuses sont principalement contractées par la fauve sauvage, l’élevage intensif en multiplie la fréquence et les répercussions. Ces maladies colonisent des animaux dont le système immunitaire est sous pression permanente, entassés par milliers, que la sélection a homogénéisés au point d’en faire des espèces très vulnérables et à la fois résistantes aux antibiotiques « préventifs ».

Les doses de médicaments qu’on leur administre sont si fréquentes et puissantes qu’elles renforcent les bactéries, qui se reproduisent et migrent dans l’environnement, l’eau, les sols, la viande, jusqu’à l’être humain.

« Les élevages sont de véritables bombes à retardement, renchérit Brigitte Gothière, un terrain parfait pour la propagation des maladies nouvelles, inconnues, comme le Covid-19. »

Environ 75 % des maladies animales pourraient un jour devenir transmissibles à l’être humain.

« La grippe espagnole de 1918, qui a fait des millions de morts dans le monde entier, était au départ une simple grippe aviaire. Il en va de même pour les bactéries. Les élevages sont un problème majeur de santé publique. »

Le 5 novembre, le ministère de l’Agriculture a averti qu’« une dynamique d’infection » de grippe aviaire progressait actuellement vers l’ouest de l’Europe. Peu de temps après, de premiers foyers ont été découverts en Belgique, aux Pays-Bas et en France. Ils ont donné lieu à des campagnes d’euthanasie. La présence de cette maladie colportée par les oiseaux sauvages, mais non encore transmissible à l’homme, a nécessité de prendre des mesures de confinement des volailles et des oiseaux élevés à l’échelle industrielle.

Encore une fois, constate Brigitte Gothière, « on suit les recommandations du modèle agricole actuel, sans le remettre en question, car en confinant les animaux, on les maintient dans un environnement propice aux contaminations. » La politique de l’autruche.

L’association L214 dénonce l’inertie du système français, dans lequel l’industrie agroalimentaire, incluant l’élevage mais aussi la chasse, empêche systématiquement de modifier le moindre texte législatif.

En août dernier, les députés du groupe Écologie Démocratie Solidarité, disparu depuis lors, ont présenté une proposition de loi à l’Assemblée nationale afin d’accélérer les mesures en faveur des animaux. Fonds de soutien à la transition, interdiction de l’élevage de bêtes pour leur fourrure, de la chasse à courre et des spectacles d’animaux, diminution progressive de l’élevage intensif et de la ponte industrielle : la proposition comportait de réelles avancées.

Cependant, nous raconte la porte-parole de L214, ces mesures ont été torpillées. « Il y a eu des manœuvres d’obstruction folles, alors que ce texte législatif se fondait uniquement sur des initiatives consensuelles, plébiscitées par 80 % des Français, à l’occasion d’un référendum. Mais en octobre dernier, pendant le débat à l’Assemblée, certains députés ont fait en sorte que la loi ne puisse même pas être votée, notamment en prolongeant les discussions à outrance. » Bienvenue en France.

Augustin Langlade

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