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Devenir agriculteur, le parcours du combattant des jeunes

Les mille métiers qu’on leur demande d’exercer pour ne pas trop dépendre des circuits de distribution et défendre le prix de leur travail est partie intégrante de leur demande de soutien bancaire et justifieraient des aides de l’Europe plus importantes.

Difficulté d'accès à la terre, surendettement, crise climatique... Les défis sont nombreux pour les jeunes aspirants au métier d'agriculteur que l’on soit issu du monde agricole ou NIMA (Non Issu du Monde Agricole).

Les jeunes en agriculture

Les États Généraux des Agricultures Alternatives ont ouvert les débats ce vendredi 7 février 2025 pour leur 4ème édition.Pour la première fois, ils s’ouvraient avec une série de tables-rondes consacrées aux élèves des lycées agricoles bourguignons. Ils et elles se sont succédé.es autour d’un thème : l’installation par la reprise familiale, la constitution d’un collectif ou via des espaces tests que l’on soit issu du monde agricole ou NIMA (Non Issu du Monde Agricole).

Elles et ils ont une vingtaine d’années et comme projet d’entrer dans ce monde qu’on leur dépeint comme tellement dur et difficile. Et même s’ils sont prêts à y aller, c’est bien l’image qu’ils en ont. Le premier obstacle, ce sont les banques qui ne les suivent pas, qui ne tiennent pas nécessairement compte de l’expérience qu’ils peuvent acquérir mais qui donnent toujours la préférence à l’exploitation familiale rentable depuis des années, plutôt qu’au démarrage des nouvelles générations.

Or une installation, c’est du foncier, du matériel et un temps de démarrage avant de procéder à la moindre récolte ou à un abattage.

Ce peut être aussi du matériel de transformation pour de la vente directe ou en circuit-court, et tout ce qui est indispensable à l’administratif comme au commercial. Les mille métiers qu’on leur demande d’exercer pour ne pas trop dépendre des circuits de distribution et défendre le prix de leur travail est partie intégrante de leur demande de soutien bancaire et justifieraient des aides de l’Europe plus importantes.

Le climat bouleverse le futur

Si les bouleversements de plus en plus visibles du climat mettent en jeu les rendements, ils s’ajoutent aux légitimes inquiétudes des futurs agriculteurs et agricultrices. Que l’on soit issu du milieu agricole ou non, l’inconnu technique dans lequel plongent les lycéens peut s’avérer assez insondable. Et les banques s’en font l’écho via leur refus.

Chacun.e d’eux est pleinement conscient.e. des difficultés mais se projette en fonction de sa situation personnelle. Toutefois, dit l’un d’eux, « moi, travailler gratis, c’est pas mon truc ! » lorsqu’on évoque les difficultés de financement et de rentabilité.

« J’ai choisi mon autonomie en évitant les banques. J’avance petit à petit. Je suis partie d’une toute petite surface et j’ai choisi un mode de vie sobre. Ma marge nette n’est guère différente à l’arrivée que celle de certains de mes confrères en grande culture. Car une fois leurs emprunts et charges diverses remboursés, ils ont beaucoup travaillé et ne gagnent pas mieux leur vie que moi » renchérit une jeune cultivatrice de plantes aromatiques et médicinales.

Il est évident que ce modèle n’est pas adaptable aux grandes cultures. Peu à peu, au fil des échanges va se dégager l’idée que la culture paysanne de petite et moyenne dimension peut avoir une rentabilité et offrir une qualité de vie désirable.

Reprendre une ferme familiale

Pour nos jeunes étudiant.es, c’est plus confortable au plan du foncier. Il est déjà acquis dans la plupart des cas, à l’exception des familles qui sont en fermage, c’est-à-dire qui louent leurs terres. Un fermage ne se transmet pas.

En revanche, les enfants de paysans propriétaires sont sûrs d’avoir des espaces à cultiver, qu’ils doivent parfois partager avec leur fratrie. Les futurs paysan.nes s’inquiètent de la difficulté à remettre en cause les habitudes de culture familiales, ou de rester bloqué.es.

Pour que la reprise avec un frère ou une sœur soit envisageable, il faut que la superficie soit suffisante pour sortir deux revenus. Si la ferme est déjà équipée d’un matériel opérant, la transmission de l’histoire et des connaissances liées à la pratique se font sans le dire. Et s’il n’y a pas de frottement d’ego, la transition peut être assez douce.

Le choix du collectif

D’autres privilégient le montage de fermes collectives. Pour cela, diverses formes de structures juridiques existent : SEP, SNC, EARL et GAEC. La première, la Société En Participation n’est pas reconnue comme entité juridique représentative par l’État. Pourtant, elle peut rassembler 5 à 10 fermes qui décident de travailler ensemble sur une superficie de plus de 1000 ha.

La Société en Nom collectif est une seconde option juridique, aux côtés de l’Établissement Agricole à Responsabilité Limitée et du Groupement Agricole d’Exploitation en Commun. Toutes ces organisations permettent aux agriculteurs de remplacer la concurrence par la complémentarité et la lutte par la collaboration.

Elles ont comme corollaire de leur imposer le dialogue, la construction de compromis cohérents et la recherche d’une forme d’harmonie indispensable au bon fonctionnement de l’ensemble.

N’être pas seul pour faire face aux aléas est plus rassurant, en échange de quoi, il faut découvrir les joies de la démocratie au quotidien.

Les espaces tests

Peu connus, peu répandus, ces espaces tests ont même surpris les étudiant.es. Tremplins pour l’installation, ils sont souvent mis en place par des collectivités publiques. Une mairie exerce son droit de préemption sur une ferme qui se vend. Cela lui permet de garder la propriété du foncier et de mettre terres et locaux en location, pour favoriser l’installation de jeunes paysans.

Les jeunes ont un à trois ans, selon les projets, pour exercer leur métier, en découvrir toutes les joies et les contraintes, et trouver une terre à acquérir. On aimerait que cela renforce la confiance des banques à leur égard.

Ces espaces tests simplifient l’administratif, proposent des surfaces réduites qui évitent aux débutant.es une pression trop intense. Les propriétaires privés, parfois des agriculteurs qui souhaitent partir et n’ont pas de repreneurs, peuvent s’inscrire dans ce schéma.

Les non-issus du milieu agricole

Quand on n’est pas issu du milieu agricole, qu’on est un.e « neorural.e », ça se corse encore un peu. L’enquête menée par les lycéen.ne.s a vu la liste des inquiétudes s’allonger encore. L’isolement dans lequel les laissent parfois les agriculteurs locaux est une vraie crainte quand on ne part de rien : pas de foncier, pas de bâtiments, pas de matériel et des connaissances plus théoriques qu’expérimentales.

« L’avantage, confie l’une d’eux, c’est qu’au moins, on peut faire ce qu’on veut. On n’a pas de comptes à rendre à une tradition familiale de mode de cultures. » 

La faiblesse des aides à l’installation et surtout à l’acquisition foncière leur semble incompréhensible dans la situation qui est la nôtre. Une fois la terre trouvée, le peu d’historique paysan transmis et la charge de travail les inquiètent un peu, mais pas assez pour renoncer.

Les unes comme les autres sont prêts à remonter leurs manches mais veulent que leur travail soit reconnu et rémunéré.

Isabelle Vauconsant

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