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Des plantes à la place des tombes, les cimetières naturels essaiment en France

Les linceuls sont exclusivement en fibre naturelle et les cercueils doivent être en matériaux biodégradables, afin de limiter la pollution des sols. Les stèles en bois « se fondent avec le paysage et le végétal ».

En France, une dizaine de cimetières naturels entendent proposer à ceux qui le souhaitent d'être inhumé dans le respect de l'environnement. Si cette démarche est pour le moment encore marginale, elle commence à essaimer, comme au carré écologique du cimetière parisien d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), inauguré en 2019.

À première vue, le cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, ressemble à n’importe quel autre espace funéraire. Dans les allées, à l’écart du vacarme de la capitale, les pierres tombales se succèdent en enfilade sous le crachin de mai et à l’entrée, un gardien renseigne depuis sa cahute les quelques passants du jour.

Pourtant, à y regarder d’un peu plus près, un espace de verdure retient l’attention au détour d’une allée. Là, la végétation se déploie gaiement sans qu’aucune traditionnelle tombe en marbre ne se dessine à l’horizon. Les sépultures sont recouvertes de terre et seul un petit panneau indique au flâneur curieux qu’il s’agit là d’un « espace funéraire écologique ».

Inauguré en 2019, cet espace de 1560 m2 propose à ceux et celles qui le souhaitent d’être inhumé dans le respect de l’environnement. De fait, alors que d’après une étude de 2017 commandée par les Services funéraires de la ville de Paris, une cérémonie d’inhumation produirait jusqu’à 833 kg de CO2 – soit presque autant qu’un aller-retour Paris-New York en avion –, être inhumé dans un carré écologique permet à l’inverse de réduire son empreinte carbone de manière significative.

Un cahier des charges strictes

Pour ce faire, dans le carré écologique du cimetière parisien d’Ivry, le cahier des charges à respecter par les familles du défunt sont strictes. Sur cet emplacement préalablement enherbé naturellement et bordé sur trois côtés par des alignements de platanes, les familles ont notamment pour obligation de ne pas recourir à un thanatopracteur, habituellement chargé de prodiguer des soins pour ralentir la dégradation du corps.

Les linceuls sont exclusivement en fibre naturelle et les cercueils doivent être en matériaux biodégradables, explique la Ville, afin de limiter la pollution des sols. Sur place, les stèles en bois « se fondent avec le paysage et le végétal », peut-on lire sur l’écriteau à l’entrée du carré écologique, afin de « conserver les qualités paysagères et écologiques » du lieu. Et à marcher sur le lieu, difficile de dire le contraire. Tout produit chimique est interdit et les creusements des tombes s’effectuent sans engin mécanique.

Une démarche qui s’inscrit dans celle, précurseuse, du cimetière naturel de Souché, à côté de Niort (Deux-Sèvres). En 2014, ce cimetière a été le premier de France à proposer une alternative concrète aux modèles de nécropoles actuels en créant un cimetière dit naturel. Dans le respect d’une charte conçue par la conservation municipale des cimetières, le défunt est déposé en pleine terre dans un cercueil ou une urne en matériaux biodégradables, lit-on sur le site de la Ville de Niort.

« Le site fait l’objet d’une gestion douce et raisonnée où la végétation spontanée est reine et les déchets verts sont valorisés sur site pour leur intérêt écologique », apprend-on également.

Un intérêt économique autant qu’écologique

Autant d’atouts qui peuvent pousser à faire le choix de se tourner vers ce mode d’inhumation encore peu connu. Au cimetière parisien d’Ivry par exemple, 61 emplacements ont été loués depuis 2019 sur les 157 disponibles. Un chiffre qui peut sembler dérisoire par rapport aux 48 000 concessions du site, mais qui montre néanmoins l’intérêt croissant que suscite ce type d’initiatives.

Une dizaine de cimetières dits naturels existent d’ailleurs à ce jour en France et le modèle essaime. Dans le quartier Mireuil, à la Rochelle (Charente-Maritime), un cimetière écologique a par exemple été inauguré le 17 mai dernier. Cette année encore, la commune de Neauphie-le-Château (Yvelines) a également ouvert un cimetière naturel.

Pour les familles, ce choix peut également être motivé par l’intérêt financier que représente une inhumation écologique. Au cimetière parisien d’Ivry, par exemple, une concession décennale au sein du carré écologique coûtait 343 euros au 1er avril dernier contre 440 euros pour une concession dite classique.

« Outre le coût de l’inhumation, la famille doit également financer l’achat d’une stèle en bois d’origine locale ou en pierre locale, précise la Ville, mais pas un monument en pierre qui coûte plusieurs milliers d’euros et qui provient le plus souvent de l’étranger avec une très forte empreinte carbone. »

Une réflexion plus large autour du « compostage humain »

De quoi donner à réfléchir sur la façon dont enterrer les défunts peut entrer en résonance avec les enjeux environnementaux actuels. Certains veulent d’ailleurs aller plus loin que les deux options auxquelles on peut aujourd’hui accéder – la crémation ou l’inhumation.

Présidée par Pierre Berneur, l’association Humo Sapiens milite ainsi pour rendre accessible la « terramation ». Cette alternative funéraire, parfois qualifiée de « compostage humain », vise concrètement à transformer le corps en un humus sain et fertile.

« L’idée, ce n’est pas de dire que le corps du défunt va se transformer en arbre, comme on a parfois tendance à le caricaturer, entame Damien Charabidze, chercheur qui travaille de près sur le sujet, pour La Relève et La Peste. Il s’agit plutôt de réfléchir à un procédé qui permette au corps humain, installé sur un lit végétal, de se transformer en humus grâce à la mise en contact d’un broyat végétal nécessaire à sa décomposition », poursuit le biologiste de formation.

Et de renchérir : « au bout de quelques mois, l’humus pourra réintégrer le cycle du vivant et permettre, par exemple, de nourrir un arbre ».

Pour l’heure, cette alternative funéraire régénérative n’est pas légale en France. Elle l’est par contre dans certains états des États-Unis et est au stade d’émergence dans plusieurs pays européens.

« En collaboration avec des citoyens, des collectivités, des chercheurs et des professionnels du funéraire, on travaille à ce que d’ici une dizaine d’années, on puisse proposer à ceux qui le souhaitent un mode de sépulture qui soit profondément moderne et qui ne soit plus dans une logique de séparation, mais d’alliance entre l’humain et le reste du vivant », détaille Pierre Berneur pour La Relève et La Peste.

Des propos largement appuyés par Damien Charabidze : « si on réduit la terramation à une question purement technique, on passe à côté du sujet. La question qui se pose, c’est celle du rapport à la Terre et du sens qu’on veut donner à notre mort ».

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Cecile Massin

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