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Des manifestants reçoivent des amendes « sans contact » : fichés puis identifiés par vidéosurveillance

Cette affaire, présentée comme « une histoire qui n’en est pas une » par la Direction Départementale de la Sécurité Publique (DDSP), pose pourtant de nombreuses questions démocratiques sur la possibilité d’exercer son droit d’expression et de manifestation sans crainte de répression, et le fait de circuler dans la rue sans se retrouver fiché par les services de renseignements généraux.

A Millau, en Aveyron, des dizaines de citoyen.ne.s ont eu la mauvaise surprise de recevoir une ou plusieurs amendes de 135€ pour avoir manifesté à la sortie du confinement, alors que les rassemblements à plus de 10 personnes étaient interdits. Seulement, aucune de ces personnes n’a été interpellé ou arrêté durant lesdits événements. Elles ont toutes été verbalisées à posteriori, les services de renseignement les ayant repérés de visu puis confirmé leurs identité grâce aux caméras de vidéosurveillance de la ville. Une première politique en France qui inquiète sur la portée liberticide de ces dispositifs.

C’est un article de Numerama, site spécialisé dans l’information liée au numérique, qui a lancé l’alerte sur cette étrange histoire politique. A Millau (Aveyron), plus d’une centaine de citoyens exaspérés par la gestion gouvernementale de la crise sanitaire se réunissent le lendemain du déconfinement, soit le 12 mai, pour faire part de leur mécontentement dans un concert de casseroles.

Tous équipés de masques et respectant les distances de sécurité, ils ne sont pas interpellés ou contrôlés par le policier et les deux agents de renseignements territoriaux qui les observent de loin. Dix jours après, le 22 mai, nouvelle mobilisation sur le marché de la ville toujours dans le respect des règles sanitaires en se séparant en plusieurs groupes de moins de dix personnes. Là encore, la manifestation se déroule dans le calme et sans aucun contrôle des autorités.

Manifestation du 12 mai

Les militants ont donc été très surpris de recevoir, dès la fin du mois de mai, des amendes de 135 euros à leur domicile pour sanctionner « un rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale où l’Etat d’Urgence sanitaire est déclaré », c’est à dire la fameuse interdiction de manifester à plus de dix sur la voie publique, instituée par le décret du 23 mars 2020.

D’autant plus que certaines personnes se sont faites verbalisées pour l’action du 22 mai, alors qu’elles affirmaient tout simplement « faire leur marché ». C’est une rencontre de conciliation organisée le 17 juin avec le sous-préfet, le commandant de police local et certaines des personnes verbalisées qui leur a apporté quelques éclairages.

Ce serait les agents des renseignements territoriaux qui les auraient identifié sur place, puis ils auraient utilisé les caméras de vidéosurveillance de la ville pour confirmer l’identité des manifestants.

La préfecture de l’Aveyron a déclaré que la vidéoprotection, pour la police, « n’a été qu’un outil d’identification, même si 99 % des reconnaissances avaient été réalisées sur place. Elle n’est qu’un support pour accréditer les destinataires du PV et non le contraire »

Pour la vigie citoyenne Technopolice sur les dérives liberticides de la systématisation des moyens de vidéosurveillance dans l’espace public, cette première constitue un précédent dangereux dans l’utilisation du fichage des citoyens et de l’utilisation des caméras pour les verbaliser.

« Mettre des amendes est un outil répressif commun. La nouveauté réside dans le fait que la police utilise le fichage des renseignements territoriaux pour distribuer des amendes aux militants et militantes. Le fichage – censé être informel – se transforme en sanction pénale. Ce faisant, ils révèlent le fichage massif pratiqué par la police aveyronnaise, avec photos, noms, prénoms et adresses (a minima) des millavois·es et alentours. » expliquent-ils sur leur site web

En effet, les caméras ne sont pas censées être utilisées comme outils d’identification. Lorsque le Maire de Millau a installé le système de vidéosurveillance dans la ville, il a mis en avant l’objectif de « lutter contre le sentiment d’insécurité ». Suite à la rencontre avec les habitants verbalisés, la Ville a d’ailleurs tenu à préciser « qu’elle n’a aucune responsabilité dans la décision de verbaliser certaines des personnes qui s’y étaient rassemblées. »

Une précision pour le moins ironique alors que c’est la municipalité qui a mise en place le dispositif, comme le détaille le site Technopolice.

« On soupçonnait que dans les petites villes, les agents des renseignements territoriaux procédaient à une surveillance plus resserrée, a renchéri Arthur Messaud, de l’association La Quadrature du Net, sur le site de Numerama. « Ces agents sont parvenus à reconnaitre des gens mêmes s’ils portaient des masques, en utilisant la vidéo comme appui. » Selon le juriste, cette situation « assez originale » révèle « le niveau de maillage très resserré autour de la population locale ».

Cette affaire, présentée comme « une histoire qui n’en est pas une » par la Direction Départementale de la Sécurité Publique (DDSP), pose pourtant de nombreuses questions démocratiques sur la possibilité d’exercer son droit d’expression et de manifestation sans crainte de répression, et le fait de circuler dans la rue sans se retrouver fiché par les services de renseignements généraux.

L’affaire est maintenant entre les mains de la justice puisque les millavois verbalisés ont décidé de contester les amendes. Prochaine étape : présenter leurs arguments devant le Tribunal de police. Ce faisant, ils devraient avoir accès aux pièces de la procédure et ainsi découvrir quels sont les agents qui ont su les reconnaître. Affaire à suivre car Millau est loin d’être la seule ville à avoir installé un système de vidéosurveillance dans l’espace public.

Laurie Debove

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