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Des citoyens sinistrés attaquent l’État en justice pour inaction climatique

En France, deux personnes sur trois sont fortement exposées aux risques climatiques, une personne sur quatre habite en zone inondable, et la moitié des maisons individuelles sont sous la menace de fissures. 

Inondations, maisons fissurées, passoires thermiques, accès à l’eau, les conséquences du réchauffement climatique se multiplient. Un groupement de 14 associations et personnes sinistrées lance une action en justice contre l’État sur les enjeux d’adaptation pour « l’obliger à agir » et prendre « des mesures concrètes et ambitieuses de prévention et protection ».

Le recours en justice donne deux mois à l’État pour revoir son troisième plan d’adaptation au changement climatique (PNAAC-3), lancé le lundi 13 mars 2025, avant la saisine du Conseil d’État.

Des sinistrés vulnérables

Selon le collectif, le PNAAC-3 doit repenser son approche pour répondre aux « vulnérabilités de certaines catégories de la population (personnes précaires, atteintes de maladie ou de handicap, marginalisées à cause de leur genre, de leur origine, de leur classe sociale ou de leur âge). »

Parmi les sinistrés qui attaquent l’État, on retrouve Jean-Raoul Plaussu-Monteil, un ingénieur épileptique vivant en Isère. Les vagues de chaleur estivales lui causent des troubles du sommeil, de la déshydratation, de l’hyponatrémie, ce qui augmente considérablement ses risques de crise et perturbe l’absorption de ses médicaments. A l’été 2023, les canicules l’empêchent de sortir en journée, le contraignant à l’isolement.

Une situation inégalitaire que l’on retrouve également pour de nombreux locataires et habitants des quartiers populaires. Salma Chaoui, étudiante en master d’économie, a vécu plusieurs années dans un logement social de Paris avec sa mère et son petit frère. Classé D énergétiquement, l’appartement souffre de problèmes d’humidité, de moisissures, d’infiltration et d’inconfort thermique lors de période de canicule ou de grand froid.

Des incommodités qui n’arrangent pas l’état de santé de son petit frère, atteint d’une maladie chronique de l’œil, et de sa mère, qui souffre de douleurs articulaires.

Les plaignants lors de la conférence de presse – Crédit : l’Affaire du Siècle

Des maisons fissurées

Une autre cause du réchauffement climatique est l’augmentation des fissures dans les maisons et appartements. Le phénomène est bien connu : le retrait-gonflement de l’argile. Les sols argileux se gorgent d’eau lors des périodes humides, ce qui augmente leur volume, puis s’assèchent durant l’été et se rétractent, rendant les constructions instables. D’ici 2050, le coût de ces dégâts atteindra 143 milliards d’euros en cumulés.

Mahamed Benyahia, qui fait partie du collectif lançant l’action en justice contre l’État, connaît bien ce cas. En 2018, des fissures apparaissent dans sa maison. L’état de catastrophe naturelle n’est pas reconnu, son assurance refuse de l’indemniser. L’Association Urgence Maisons Fissurées est fondée. Dans la Sarthe, là où il habite, plus de 200 maisons sont touchées par le retrait-gonflement.

Le Haut Conseil pour le Climat préconise, dans sa critique du PNACC-3, de « repenser l’équilibre entre les acteurs du secteur de l’assurance ».

Mohamed Benyahia – Crédit : Polaire Studios

Des inégalités territoriales 

Le collectif critique également l’absence de contextualisation territoriale du plan d’adaptation. En première ligne, les territoires ultramarins subissent des « difficultés structurelles qui s’aggravent lors d’événements climatiques extrêmes ». C’est notamment le cas des Mahorais, qui connaissent des coupures d’eau à répétition.

Racha Mousdikoudine, représentante de l’association Mayotte A Soif, témoigne : « être pauvre à Mayotte, ce n’est pas seulement vivre sous le seuil de pauvreté comme 77 % de la population, c’est aussi travailler dur pour avoir les moyens d’acheter de l’eau potable… mais c’est surtout souffrir de la soif, parce que les rayons sont vides et que nos robinets sont à sec »

Le milieu rural agricole est aussi un des grands oubliés du plan. Le terrain de Jérôme Sergent, néo-paysan dans le Pas-de-Calais, a été inondé huit fois en quatre mois entre novembre 2023 et mars 2024, perdant 18 volailles et du matériel. 

« À chaque fois qu’il pleut, c’est l’angoisse ! Puisque rien n’a changé, on se dit qu’on va à nouveau revivre ce cauchemar… » se désole t-il.

Racha Mousdikoudine de Mayotte A Soif – Crédit : Aurélie Constant

« Obliger l’État à agir »

Prenant à bras-le-corps la question, les citoyens sinistrés et associations, parmi lesquelles Notre Affaire à Tous, Oxfam France et Greenpeace, demandent à l’État de « réviser le troisième plan national d’adaptation au changement climatique ».

Il pointe notamment du doigt l’absence de financement dédié à ce PNACC-3 qui piochera dans différents budgets préexistants : le fonds Barnier à hauteur de 300 millions d’euros, le Fonds vert à hauteur de 260 millions (dont l’enveloppe a récemment été réduit de 1,35  Md €, passant de 2,5 Md € en 2024 à 1,15 Md € en 2025), les Agences de l’eau à hauteur d’un milliard d’euros, et 30 millions d’euros consacrés à la prévention du retrait-gonflement des sols argileux qui provoquent des fissures et l’inabitanilité des bâtiments.

Également attaqué par le groupement, le caractère non-contraignant des mesures, pour la plupart « incitatives ou de nature incrémentales ».

Le PNACC-3 a été fortement critiqué par le Haut Conseil pour le Climat (HCC), ce dernier estimant que « les financements […] restent très insuffisants » et « ne garantissent […] pas la capacité à protéger les personnes et les activités économiques de l’aggravation des impacts ». 

Face à l’augmentation exponentielle de toutes ces problématiques, le HCC appelle à prendre des « mesures d’adaptation transformationnelle […] en favorisant une action rapide, profonde et systémique ». Le but étant d’anticiper en amont avant que les phénomènes climatiques ne deviennent trop importants. 

 

Florian Grenon

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