Un parc éolien tout particulier a été construit à Andilly en Charente-Maritime : en partenariat avec des habitants. Une manière pour ces citoyens de s'approprier l'aménagement du territoire et la production d’électricité.
Un parc éolien coopératif
Depuis mars 2024, 3 nouvelles éoliennes tournent à la sortie de la commune d’Andilly. Inauguré officiellement le 17 mai 2025, ce parc d’une puissance totale de 16,8 mégawatts, produit l’équivalent de l’électricité consommée par plus de 10 000 foyers. Il a été mis en place en partenariat étroit avec des habitants de la commune : une première en Charente-Maritime.
« Le projet à démarré en 2017 parce que les agriculteurs d’Andilly étaient démarchés par des promoteurs éoliens, raconte Julien Desré, coordinateur de la Coopérative de Production d’Energie Citoyenne (COOPEC) Aunis Atlantique, pour La Relève et La Peste.
« Des habitants d’Andilly qui faisaient partie de l’association « A nous l’énergie », créée pour développer les collectifs citoyens d’énergies renouvelables, sont allés voir le maire en lui disant « si vous ne voulez pas vous faire avoir : partez sur un projet citoyen. Sinon le développeur va installer ses éoliennes, vous payer un loyer et ça va s’arrêter là. Elles vont produire de l’électricité pendant 25 ans, avec un bénéfice qui ira dans la poche des actionnaires et le territoire n’aura rien du tout » ».
La Mairie d’Andilly, avec l’appui de cette association et de la communauté de communes Aunis Atlantique, a donc lancé un appel à manifestation d’intérêt, en posant comme condition pour le développeur que les citoyens soient actionnaires du projet. La société Valorem, spécialisée dans le développement d’énergies renouvelables, a accepté ces termes.
Une société de projet se crée alors entre Valorem, actionnaire majoritaire avec 51 % du capital, la région Nouvelle-Aquitaine via le fond d’investissement Terra Énergies qui en détient 18 % et le groupement de la commune d’Andilly, de la communauté de communes Aunis Atlantique et de l’association « A Nous L’Énergie ! 17 », qui en détiennent 31 %.
En 2022, ces trois dernières structures se retirent du capital au profit de la Coopérative de Production d’Énergie Citoyenne (COOPEC) Aunis Atlantique : créée pour représenter les citoyens voulant s’investir dans le développement du projet éolien.
« C’était l’occasion de pouvoir enfin participer à quelque chose pour l’environnement, témoigne Joëlle, jeune retraitée ayant rejoint le projet comme sociétaire de la COOPEC, pours La Relève et La Peste. On est bombardés de mauvaises nouvelles pour lesquelles on nous culpabilise. Là, on œuvre pour qu’elle chose qui nous rassemble ».
Aujourd’hui, la COOPEC réunit environ 400 sociétaires : habitants et collectivités du territoire.
Le parc éolien d’Andilly
Des bénéfices et une gouvernance partagée
En tant qu’actionnaire du parc éolien, la COOPEC touche des bénéfices liés à la vente de l’électricité à Enercoop : un fournisseur d’énergie renouvelable coopératif. Ces bénéfices sont ensuite réinvestis directement sur le territoire.
« On perçoit 62 000 euros par an en tant qu’actionnaire du parc éolien. Mais une coopérative citoyenne ne peut pas enrichir ses sociétaires, explique Julien Desré. Donc on réinvestit tous les bénéfices sous forme d’actions d’économie d’énergies et de lutte contre la précarité énergétique. On paie par exemple des audits énergétiques pour les foyers qui veulent faire une rénovation énergétique de leur logement en touchant les aides de l’État. On donne aussi des aides pour l’achat de vélos électriques et on rémunère des encadrants pour le programme « Savoir rouler à vélo ».
En parallèle, les personnes faisant partie de la COOPEC peuvent ouvrir un compte courant d’associé, pour investir de l’argent non pas seulement dans la coopérative en tant que structure, mais aussi dans les projets qu’elle porte : notamment le projet éolien. Le sociétaire prête ainsi de l’argent à la COOPEC pour que cette dernière puisse avoir des fonds propres et contracter des prêts bancaires. Bloquée durant un certain temps, cette somme est ensuite redistribuée avec des intérêts.
Avec 31 % du capital, la COOPEC reste minoritaire d’un point de vue actionnarial. Elle est néanmoins majoritaire au sein du comité de pilotage.
« Pour la gouvernance, du parc éolien, la COOPEC est majoritaire avec 3 voix sur 5, explique Julien Desré, pour La Relève et La Peste. Valorem et la Région via Terra Énergie n’ont qu’une voix chacun. Pour toutes les décisions prises pour le fonctionnement ou la maintenance du parc, la COOPEC est majoritaire. Ce sont donc les citoyens sociétaires qui mènent le jeu alors que pour un parc éolien classique, c’est l’actionnaire qui met le plus d’argent qui décide de tout ».
Joëlle, habitante d’Andilly et Julien Desré, coordinateur de la COOPEC
Un projet qui ne faisait pas l’unanimité
Si certains Andillais se sont fortement investis en faveur de la construction du parc éolien, ce dernier est loin d’avoir fait l’unanimité parmi les habitants du territoire. En 2021, une très large majorité des plus de 400 personnes ayant répondu à l’enquête publique s’étaient prononcés contre le projet.
Ils dénonçaient entre autres, une « pollution visuelle et sonore », « une dévaluation du prix des maisons » ou encore « une manipulation des habitants par la société Valorem ». Un collectif « NON aux éoliennes Andilly-Sérigny » avait été créé, avec une page Facebook alimentée jusqu’en 2024. « Stop au projet éolien antidémocratique », « une minorité de l’entre-soi profite et la majorité subie » peut-on encore y lire.
Les personnes impliquées dans le projet minimisent quant à elles l’ampleur de l’opposition entre habitants autour de la construction des éoliennes. « Une association de 40 personnes de la commune s’est constituée contre le projet, reconnaît Alain Beneteau, conseiller municipal à Andilly et sociétaire de la COOPEC. Mais elle s’est finalement auto-dissoute ».
« Je n’ai pas ressenti personnellement de mauvaise ambiance dans Andilly, témoigne Joëlle pour La Relève et La Peste. Au contraire, le projet m’a permis de rencontrer des personnes que je ne connaissais pas. Des voisins n’étaient pas d’accord avec le projet, mais cela n’a pas posé de problèmes : chacun a son avis ».
Les promoteurs du parc éolien assurent avoir aujourd’hui convaincus un certain nombre d’opposants au projet, au fil des nombreuses réunions publiques. Et ce, grâce aux compromis effectués…
« Des comités de suivi ont été mis en place. Tout le monde pouvait venir, poser des questions, proposer des choses, etc. Les contestations ont diminué parce que les gens n’ont pas découvert 3 éoliennes qui poussent du jour au lendemain, explique Julien Desré. Il y a eu beaucoup de modifications du projet suite à ces discussions. On est passés de 5 éoliennes prévues à 3 pour réduire l’impact sur le paysage et la faune. On a aussi consulté les habitants et fait des campagnes d’enregistrements de sons pour réduire les nuisances sonores. »
Finalement, malgré les oppositions, le projet n’a été visé par aucun recours juridique : un fait très rare dans le cadre de projets éoliens.
« Le fait qu’on mette tout le monde dans la boucle : les citoyens, les instances de l’Etat, le parc naturel régional du Marais Poitevin, les associations locales, ont permis qu’il n’y ait pas de blocages juridiques, estime le salarié de la COOPEC. Cette démarche prend du temps mais permet d’en gagner sur l’ensemble du projet. »
Désormais, la COOPEC se tourne vers de nouveaux projets de production d’énergies renouvelables. Elle vise l’installation d’un parc de panneaux photovoltaïques au sol à l’emplacement d’une ancienne déchetterie, impropre aux activités agricoles.
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