Le 2 mars 2022, Greenpeace France, les Amis de la Terre et Notre Affaire à tous assignent TotalEnergies en justice, au tribunal judiciaire de Paris. La multinationale est accusée d’une vaste campagne de greenwashing dans le cadre du changement de son nom d’entreprise, promeut une fausse neutralité carbone et distille des informations sur les prétendues vertus environnementales du gaz fossile et des biocarburants.
Total, devenu TotalEnergies en mai 2021, a accompagné son changement de nom d’une grande campagne publicitaire illustrée d’éoliennes, de panneaux solaires et de véhicules électriques.
La société avait également annoncé le 5 mai 2020 son ambition de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050, ou zéro émission nette, un équilibre à atteindre entre les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine et leur retrait de l’atmosphère par l’homme.
Cependant, selon un décryptage de Greenpeace, la stratégie de l’entreprise ne va nullement dans le sens d’un zéro émission nette.
Le dossier replace le terme de zéro émission nette dans son contexte, et cite l’Ademe, qui explique que l’objectif de « net zero » n’a de sens que s’il s’applique à l’échelle mondiale, puisque nous ne pouvons nous y diriger que si les Etats se coordonnent dans ce sens.
C’est par ailleurs dans le glossaire du rapport du GIEC de 2018 que l’organisme précise pour la première fois sa définition d’émissions nettes de CO2 égales à 0, soit : « la situation dans laquelle les émissions anthropiques nettes de CO2 sont compensées à l’échelle de la planète par les éliminations anthropiques de CO2 au cours d’une période donnée. »
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Outre ce problème d’échelle, dans les données qu’elle expose, TotalEnergies ne comptabilise pas les émissions générées par les consommations de ses clients, c’est-à-dire entre 85 et 90 % des émissions dont elle est à l’origine, pour ne présenter que celles de ses opérations industrielles.
De plus, selon l’Agence internationale de l’énergie, l’objectif neutralité carbone d’ici 2050 suppose une augmentation considérable des énergies renouvelables, en parallèle à une diminution majeure de notre exploitation de pétrole et de gaz.
Selon les recommandations du GIEC, par rapport à 2010, la production de gaz et de pétrole doit diminuer respectivement de 87 % et de 74 % d’ici 2050, pour atteindre une production de 11 millions de barils de pétrole par jour au maximum.
Or, selon une enquête d’Oxfam France, TotalEnergies soutient un scénario d’augmentation globale de la production mondiale de gaz et d’une diminution de la production de pétrole de seulement 43 % d’ici 2050. Dans cette optique-là, les 11 millions de barils de pétrole seraient largement surpassés en nombre.
La multinationale a également fait la promotion des énergies fossiles et des biocarburants, affirmant que le gaz fossile est « la moins polluante » et « la moins émettrice de gaz à effet de serre des énergies fossiles », tandis que les biocarburants seraient des « alternatives bas-carbone », qui permettent de « réduire 50 à 90 % des émissions de gaz CO2 » par rapport à leur équivalent fossile.
Le gaz fossile est quasi exclusivement composé de méthane et pollue sur l’ensemble de son cycle de vie. Quant aux biocarburants, ou agrocarburants, ils sont produits majoritairement à partir d’huile de palme et de soja, dont les cultures monopolisent de vastes terres agricoles, entraînant la déforestation et destruction d’écosystèmes de grande ampleur.
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Clara Gonzales, juriste pour Greenpeace France, explique que les énergies fossiles représentent encore 90 % de l’activité de TotalEnergies et 80 % de ses investissements.
Elle ajoute : « Ce ne sont pas les slogans publicitaires qui empêcheront le réchauffement climatique, mais bien les réductions d’émissions. Le droit de la consommation impose une communication honnête et fiable en matière climatique et environnementale pour protéger les consommateurs. Notre dépendance aux énergies fossiles détruit le climat, fait grimper les factures énergétiques et attise les conflits, comme celui qui surgit entre la Russie et l’Ukraine aujourd’hui : il est urgent de mettre un terme à la désinformation de l’industrie pétro-gazière. »
Afin d’anticiper et mettre un terme aux prochaines campagnes de greenwashing, 20 ONGs ont également lancé une initiative citoyenne européenne, qui nécessite le recueil d’un million de signatures venant de sept pays membres.
Crédit photo couv : Nouveau logo de Total à La Défense – Christophe ARCHAMBAULT / AFP