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De l’émerveillement à la prise de conscience, le cri du cœur des apnéistes pour protéger les milieux marins

De ce rapport singulier à leur corps et leur mental que les apnéistes développent en solitaire, dans les abysses, découle une relation tout aussi singulière aux mondes marins et aux animaux qui y vivent.

Aux quatre coins de la planète, les apnéistes sont des observateurs privilégiés de la richesse des océans comme de leur dépérissement. En témoignent pour La Relève et La Peste quatre apnéistes français hors-du-commun, Julie Gautier, Arnaud Jerald, Alice Modolo et Guillaume Néry.

L’apnée, « faire un avec l’élément »

Apnéistes professionnels, Julie Gautier, Guillaume Néry, Alice Modolo et Arnaud Jerald n’en sont pas à leur première interview. Au contraire, leurs exploits respectifs et les projets qui en découlent les propulsent régulièrement sur le devant de la scène.

Pourtant, à la question de savoir comment ils décriraient la pratique de l’apnée à une personne non initiée, plusieurs s’interrogent, beaucoup réfléchissent.

« C’est tellement particulier comme expérience, entame Guillaume Néry. Ça n’a vraiment rien à voir avec les autres sports qui se pratiquent dans l’eau… »

Alice Modolo en apnée

Alice Modolo – Crédit : Federico Buzzoni

Et pour cause : la pratique de l’apnée implique de se « fondre totalement dans l’élément », avance l’apnéiste, à la différence de la natation ou même de la plongée en bouteille.

« De fait, cela induit un état d’esprit très particulier », poursuit celui qui a découvert l’apnée à l’adolescence, à Nice, et qui, avant d’arrêter la compétition, avait établi en 2015 un nouveau record français en descendant à 126 mètres de profondeur.

« La particularité de l’apnée, c’est que ça permet vraiment de se rapprocher de soi-même et d’apprendre à connaître ses limites », développe Julie Gautier, qui avait, elle, décroché en 2007 le record de France d’apnée en poids constant avec une profondeur de – 68 mètres.

Guillaume Néry en apnée

Guillaume Néry – Crédit : NERYBLUE

S’ouvrir progressivement aux mondes marins

De ce rapport singulier à leur corps et leur mental que les apnéistes développent en solitaire, dans les abysses, découle une relation tout aussi singulière aux mondes marins et aux animaux qui y vivent.

« Certains apnéistes sont uniquement tournés vers la performance physique et dans ce cas, leur pratique est très tournée vers l’intérieur, explique Julie Gautier, mais quand on pratique l’apnée en se tournant vers l’extérieur, vers l’univers où on plonge, ça prend vraiment une autre dimension. Presque instinctivement, on en vient à se mettre au niveau des mammifères marins avec lesquels on évolue », poursuit l’apnéiste, qui a grandi sur l’île de la Réunion et qui, d’aussi loin qu’elle se souvienne, a toujours pratiqué l’apnée l’océan chevillé au corps.

A des milliers de kilomètres, Alice Modolo a elle emprunté une toute autre voie dans son cheminement vers l’océan. Initiée à l’apnée à la fosse de plongée de Clermont-Ferrand, Alice Modolo a découvert l’océan en compétition, et les aléas d’évoluer dans un milieu aussi fluctuant.

« En 2019, j’ai fait une syncope lors d’une plongée à 100 mètres, rembobine-t-elle. Ce jour-là, il y avait énormément de courant, mais je n’ai pas été en mesure de le percevoir», continue celle qui a battu, trois ans plus tard, un record du monde en descendant à 96 mètres de profondeur en poids constant bi-palmes.

« A ce moment-là, je me suis dit que je faisais des performances exceptionnelles, mais que je ne connaissais pas l’univers dans lequel j’étais. Cela ne pouvait plus durer. Maintenant, j’apprends à vraiment regarder la mer et à l’apprécier pour sa juste valeur. »

Alice Modolo en apnée

Alice Modolo – Crédit : Federico Buzzoni

Les apnéistes, des observateurs privilégiés de la richesse sous-marine

Depuis son incident, loin de fantasmer les milieux marins, Alice Modolo apprend à les connaître, à savoir y repérer les dangers autant que les richesses, à l’image des poulpes, castagnoles et étoiles de mer qu’elle a découverts, émerveillée, à la sortie du confinement à la rade de Villefranche-sur-Mer.

« Je vais aussi beaucoup plonger à Charm el-Cheikh, en Égypte, continue-t-elle. Après chaque entraînement, j’observe le tombant. C’est d’une beauté folle, c’est fascinant. »

Des souvenirs d’émerveillement, Arnaud Jerald en a également à la pelle. Âgé de seulement 27 ans, le jeune homme, qui a battu cet été son propre record du monde avec une plongée à 122 mètres en poids constant bi-palmes, se souvient notamment de « moments forts lors de rencontres avec des cétacés ».

« J’ai rencontré ma première baleine à Moorea en Polynésie, en nageant depuis le bord, détaille-t-il. C’est inoubliable, l’espace de quelques secondes, le temps s’arrête. »

Arnaud Jerald en apnée

Arnaud Jerald – Crédit : Daan Verhoeven

La résilience des océans malgré les bouleversements

Observateurs privilégiés des richesses des océans, les apnéistes le sont également du dépérissement des milieux marins. Julie Gautier, qui a notamment vécu plusieurs années à Mayotte, au milieu de l’océan Indien, y est revenue quelques années plus tard et a découvert, effarée, le blanchissement des coraux. « J’ai pleuré », lâche-t-elle.

Des épisodes de blanchissement du corail que Guillaume Néry a lui aussi observé, en Polynésie cette fois « sur des zones gigantesques ». « C’était flagrant et brutal », explique-t-il, soulignant également les changements de température qu’il observe en mer depuis plusieurs années.

« Dans la rade de Villefranche-sur-Mer, avant, en hiver, l’eau était à 12°, témoigne-t-il. Maintenant, elle est à 14°. Les changements sont très visibles. »

Hébété par l’état des milieux marins, ce dernier se refuse pourtant à perdre espoir, au même titre que Julie Gautier et Alice Modolo, qui rappellent d’une même voix la résilience des milieux marins.

« Dans les zones protégées, l’effet réserve est flagrant, détaille Guillaume Néry. Les espèces reviennent rapidement et de façon beaucoup plus visible que sur terre ». Un constat partagé par Julie Gautier : « Dès qu’on fout la paix à l’océan, la vie revient », rappelle celle qui se veut « alarmiste » mais pas « défaitiste ».

Guillaume Néry avec les raies

Guillaume Néry – Crédit : NERYBLUE

De l’apnée à un engagement militant

Décidés à témoigner de la beauté des milieux marins, Julie Gautier et Guillaume Néry ont réalisé en duo plusieurs films sous-marins, parmi lesquels les très médiatiques Free Fall et One breath around the world. Des courts-métrages à succès, que le duo ne qualifie cependant pas de militants.

« Par contre, si nos images permettent d’éveiller des émotions chez des gens qui s’engageront ensuite dans une démarche écolo, c’est tant mieux », explique Guillaume Néry.

Avec la réalisation de Bakélite, porté par l’association On est prêt dans le cadre de la campagne #SickOfPlastic, Julie Gautier a de son côté franchi un nouveau cap.

« Ce film vise à alerter sur la pollution des océans, explique-t-elle. Aujourd’hui, je me revendique clairement comme activiste, mais ça n’a pas toujours été le cas », conclut Julie Gautier, qui partage des combats communs avec Alice Modolo.

Aux côtés de l’actrice Pénélope Cruz, du chef Juan Arbelaez ou encore de la danseuse Marie-Agnès Gillot, l’apnéiste est devenue ambassadrice de l’association No More Plastic, créée pour sensibiliser le public à la pollution plastique et microplastique dans les océans.

« Sans la pratique de l’apnée, je ne me serais peut-être pas engagée pour la sauvegarde des océans, confie-t-elle. C’est pour ça que c’est important de permettre aux gens de se reconnecter à la nature, de se reconnecter à eux-mêmes. A partir de là, ça peut créer des vocations, des combats communs. »

Cecile Massin

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