Vous cherchez un média alternatif ? Un média engagé sur l'écologie et l'environnement ? La Relève et la Peste est un média indépendant, sans actionnaire et sans pub.

Dans l’Oise, la justice juge une route illégale un an après sa mise en service

La Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) estimait elle aussi, dans un rapport rendu en 2020, que « les moyens pour rétablir des continuités écologiques sont insuffisamment décrits et les mesures pour compenser les conséquences de la rupture du corridor sont à approfondir ».

En 2021, la préfecture de l’Oise accordait à la commune de Sainte-Maxence une dérogation pour la construction d’une route de 720 mètres, pourtant vivement contestée. 2,4 hectares, où se trouvaient 46 espèces protégées, allaient être défrichés, à l’encontre de toute considération environnementale. Le 11 mars, 1 an et 1 jour seulement après la mise en service de la route, le tribunal administratif d’Amiens vient de donner raison aux défenseurs de l’environnement sur son illégalité.

Une route détruit 47 espèces protégées

Tout commence en 2020, lorsque le maire de Pont-Sainte-Maxence, Arnaud Dumontier, annonce vouloir construire une route, sur une parcelle de 2,4 hectares du massif forestier d’Halatte, qui permettrait de désenclaver le quartier prioritaire des Terriers.

Selon le magistrat, ces travaux avaient pour but de faciliter le temps d’intervention pour les secours et d’améliorer l’insertion économique et sociale des habitants. La consultation publique, cependant, rend un avis largement défavorable à une telle construction, d’autant que le terrain visé abrite une exceptionnelle biodiversité.

Au total, 47 espèces protégées, animales et végétales, ainsi que des arbres centenaires, y sont répertoriés. Les écureuils roux, notamment, mais aussi le pic noir, des chauve-souris ou de nombreux amphibiens.

Il n’en fallut pas plus pour que les citoyens et associations de défense de l’environnement, pris sous l’aile de la LPO de l’Oise, se mobilisent pour empêcher le début des travaux d’un projet qu’ils jugeaient absurde.

« Les habitants proposaient d’autres solutions. Par exemple, l’augmentation des fréquences de bus, qui leur permettraient d’accéder plus facilement au centre-ville, ou l’élargissement de la voie actuelle. Mais certainement pas construire une deuxième route », explique Olivier Robert, délégué de la LPO de l’Oise, pour La Relève et la Peste.

Crédit : LPO Oise

Un arrêté pris en urgence

La Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) estimait elle aussi, dans un rapport rendu en 2020, que « les moyens pour rétablir des continuités écologiques sont insuffisamment décrits et les mesures pour compenser les conséquences de la rupture du corridor sont à approfondir ».

Bien qu’elle constate par ailleurs « que les impacts du projet sur les milieux et la biodiversité sont importants », rien n’y fait. Le maire dépose une demande de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces et habitats protégés en mai 2021, au nom de « l’intérêt public majeur », qu’un arrêté de la préfète de l’Oise vient lui accorder quelques mois plus tard.

« Nous avons immédiatement demandé l’annulation de cet arrêté. Et aujourd’hui, un an après la mise en service de la route, le jugement sur le fond nous donne finalement raison », déplore Olivier Robert pour La Relève et la Peste. La route est bel et bien illégale.

L’intérêt public majeur non justifié

Le 11 mars dernier, le tribunal administratif d’Amiens déconstruisait en effet point par point le bien-fondé de la route, défendu jusqu’alors par la commune de Pont-Sainte-Maxence et la préfecture de l’Oise.

La juridiction avance « qu’aucune raison impérative d’intérêt public majeur […] ne justifie la dérogation accordée à la commune de Pont-Sainte-Maxence ». 

En vertu de l’article L. 411-1 et du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont donc interdites.

Ni l’argumentaire concernant la sécurité, permettant aux secours une meilleure intervention selon le maire, ni celui de l’amélioration de l’insertion sociale des habitants n’ont été étudiés ou démontrés pour justifier de tels travaux.

En outre, le rapporteur estime que « l’absence de solutions alternatives satisfaisantes n’est pas démontrée » et que, par conséquent, « l’association LPO est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 27 octobre 2021 de la préfète de l’Oise ».

En conclusion, le tribunal annule donc l’arrêté autorisant la dérogation à l’interdiction de destruction de la préfète, et demande à l’État de verser la somme de 1500 euros à la LPO. La route n’aurait ainsi jamais dû exister.

Crédit : LPO Oise

Il y a quelques semaines, La Relève et la Peste vous racontait l’histoire, tristement similaire, de la route GCO à Strasbourg, elle aussi jugée illégale par la justice bien après la fin de ses travaux et sa mise en service.

Ces deux cas démontrent bien l’impunité avec laquelle agissent régulièrement les élus, en dépit de la loi mais aussi de toute considération environnementale ou sociétale. 

Ces expériences devraient également servir d’exemple pour des combats toujours en cours, à l’image de celui de l’A69. Comme on le constate, c’est une course contre la montre qui se joue dans ces affaires.

Et quid des infrastructures déjà construites, jugées illégales ultérieurement ? Il s’agirait ici de repenser la question des sanctions à prévoir, les mesures compensatoires n’étant que rarement proportionnées aux dégâts engendrés.

Il est en effet légitime de se demander pourquoi le démantèlement des constructions ne pourrait-il pas s’imposer afin de dissuader les porteurs de projets à systématiquement passer en force sans attendre les décisions rendues par la justice.

« Notre avocate et les juristes de la LPO sont en train de regarder ce que nous pouvons faire. Ce qui est certain, c’est que nous n’allons pas en rester là. », assure Olivier Robert.

Sources : Avis délibéré de la mission régionale d’autorité environnementale Hauts-de-France sur le projet d’aménagement d’une voie de désenclavement du quartier des Terriers à Pont-Sainte-Maxence (60), MRAE, 12/05/20

Juliette Boffy

Faire un don
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

Votre soutien compte plus que tout

Découvrez Océans, un livre puissant qui va vous émerveiller

Plongez en immersion avec les plus grands scientifiques pour tout comprendre sur l’état de nos océans. Des études encore jamais publiées vous feront prendre conscience de l’incroyable beauté de nos océans. Tout cela pour vous émerveiller et vous donner une dose d’inspiration positive.

Après une année de travail, nous avons réalisé l’un des plus beaux ouvrage tant sur le fond que sur la forme. 

Articles sur le même thème

Revenir au thème

Pour vous informer librement, faites partie de nos 80 000 abonnés.
Deux emails par semaine.

Conçu pour vous éveiller et vous donner les clés pour agir au quotidien.

Les informations recueillies sont confidentielles et conservées en toute sécurité. Désabonnez-vous rapidement.

^