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Dans les Vosges, la réintroduction du grand tétras fait débat

« En Norvège, ils se trouvent dans un environnement qui leur convient tout à fait, avec le froid, la neige qui dure, chose que l’on n’a plus chez nous. Et, surtout, ils ne subissent pas la menace touristique », explique le vice-président de Vosges Nature Environnement.

Le 26 avril dernier avait lieu, au cœur du massif des Vosges, le lâcher de neuf grands tétras venus de Norvège. L’action faisait suite à un arrêté préfectoral permettant la réintroduction de ces oiseaux forestiers aujourd’hui en voie d’extinction sur le territoire. Mais les associations de défense de l’environnement, qui critiquent vivement cette décision, estiment que les conditions climatiques et touristiques du massif ne sont plus adaptées à la bonne survie de l’espèce.

Un conseil scientifique défavorable

C’est en 2021 que le projet de réintroduction de grands tétras dans le massif des Vosges, initié par la DREAL et piloté par le Parc naturel des Ballons des Vosges, prend forme, malgré un avis défavorable formulé par le Conseil scientifique régional.

Face à ce revers, un comité de pilotage, avec un conseil scientifique propre, est mis en place par les institutions. Ce dernier formule alors un avis plus nuancé, avançant la théorie du grand tétras  comme espèce « plastique ».

« Ils ont estimé que cette espèce pouvait s’adapter aussi bien au changement climatique qu’à l’afflux touristique sur le territoire. Cette démarche me rappelle ce que l’on évoquait à propos du tabac ou à propos des pesticides : quand vous avez des scientifiques qui démontrent une certaine nocivité pour l’environnement ou la santé publique, ceux qui ont intérêt à ce que cela continue vont contacter d’autres scientifiques qui acceptent, eux, de produire une étude différente. Après, ça crée le doute », détaille Jean-François Fleck, vice-président de Vosges Nature Environnement (VNE), pour La Relève et la Peste.

Les associations de défense de l’environnement, tout comme le conseil scientifique, sont clairs : le grand tétras ne peut aujourd’hui survivre dans un environnement en proie aux conséquences du réchauffement climatique mais aussi de la surfréquentation touristique, où ses conditions d’habitabilité ne sont plus favorables à sa pérennité.

Un recours au tribunal rejeté

À la mi-avril, malgré les contestations, la Préfecture des Vosges donne son feu vert pour débuter la réintroduction. L’arrêté prévoit de faire venir de Norvège, là où l’espèce est foisonnante et autorisée à être chassée, quarante oiseaux par an capturés dans leur milieu naturel, pour une durée de cinq ans.

Face à cette décision, cinq associations décident alors de déposer un recours en référé pour s’opposer au premier lâcher et suspendre le projet. Mais le 25 avril, le tribunal administratif de Nancy rejette la demande et la réintroduction débute dès le lendemain.

« Pour l’instant, rien n’a été statué au fond. Parce qu’effectivement, il n’y avait pas de menace immédiate, par rapport à l’environnement, de réintroduire quelques espèces. Ce qui n’empêche pas que, peut-être dans quelques mois, après un suivi, nous pourrions obtenir une décision qui sera plus en rapport avec les conditions environnementales réelles », explique Jean-François Fleck à La Relève et la Peste.

En effet, selon le défenseur de l’environnement, aucune réintroduction de l’espèce n’a fonctionné jusqu’à présent. 

« La plus récente que l’on connaît est celle des Cévennes, avec 600 espèces réintroduites. Il n’y en a plus une seule. Par ailleurs, les scientifiques s’accordent à dire qu’il faut un minimum de 500 individus sur une surface de 25 000 hectares pour assurer la pérennité. Or, dans les Vosges, on n’a que 10 000 hectares de disponibles ».

Laurent Seguin, président du Parc naturel des Ballons des Vosges, estime, dans un article de nos confrères de France 3 Grand Est, que les neuf grands tétras ont été lâchés « dans la réserve naturelle nationale du massif du Grand Ventron, sur un terrain très favorable à leur réintroduction ».

Une surfréquentation touristique

Les oiseaux relâchés ont été importés de Norvège, là où les conditions leur sont bien plus favorables.

« Ils se trouvent dans un environnement qui leur convient tout à fait, avec le froid, la neige qui dure, chose que l’on n’a plus chez nous. Et, surtout, ils ne subissent pas la menace touristique », ajoute le vice-président de Vosges Nature Environnement.

Selon Jean-François Fleck, cet afflux de visiteurs ne concerne pas uniquement le grand tétras, mais bien toute la biodiversité. 

« Dès lors qu’il n’y a pas une politique vraiment affichée de contrôle, d’interdictions d’aller dans les milieux naturels, le tourisme se développe, l’hiver, avec tous les loisirs liés à cette saison, mais aussi l’été, et perturbe l’ensemble de l’écosystème », ajoute-t-il pour La Relève et la Peste.

« Il s’agit du principe même de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Dans un projet de translocation d’une espèce, il doit y avoir une suppression ou une résorption majeure des causes de son déclin ou de sa disparition. C’est-à-dire que l’ensemble des acteurs connaît les conditions, les causes de son déclin, que ce soit le changement climatique ou le tourisme. Ici, rien n’a été fait », continue Jean-François Fleck.

Pour lui, comme pour les autres défenseurs de l’environnement, l’idéal serait d’instaurer, au minimum, une tranquillité de décembre à juin pour préserver l’énergie du grand tétras durant l’hiver mais aussi pour protéger les couvées.

« C’est vraiment déprimant de voir que les institutions comme l’État, ou le Parc naturel du ballon des Vosges se discréditent dans ce genre de prise de décision. Ils procèdent à des consultations parce qu’ils sont contraints par la loi, mais, comme ce ne sont que des avis, de toute façon, ils n’en tiennent pas compte », se désole Jean-François Fleck pour La Relève et la Peste.

Dans les mois à venir, l’ensemble des acteurs associatifs seront donc attentifs au devenir des oiseaux réintroduits, puisqu’ils seront munis d’émetteurs, avec un suivi de leurs conditions de vie.

« Il a été dit qu’il y aurait tout un programme de mesures d’accompagnement prévues. C’est assez flou pour le moment. À ma connaissance, il n’y a pas de plan drastique, de zones de quiétude qui seront développées. Je pense que, malheureusement, cela se fera à la marge », conclut Jean-François Fleck.

Source : « Neuf grands tétras réintroduits dans le massif des Vosges, malgré la polémique », France 3 Grand Est, 26/04/24

Juliette Boffy

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