L’archipel de Mayotte a été dévasté par le cyclone Chido. L’ampleur de la catastrophe illustre tristement les conséquences du dérèglement climatique sur un territoire délaissé par les pouvoirs publics.
Mayotte, délaissé des pouvoirs publics
Jour noir pour les habitants de Mayotte lors du passage du cyclone Chido, qui a ravagé l’archipel et rasé des zones entières du territoire avec des vents de plus de 225 km/h. Le bilan provisoire est d’au moins 250 blessés et vingt morts, mais le préfet de Mayotte redoute d’en découvrir « plusieurs centaines » voire « plusieurs milliers » sous les décombres.
En cause : les bidonvilles faits de cabanes en tôle, bien trop fragiles pour affronter une telle tempête. Ils abritaient la plupart des 300 000 habitants du 101e département français, le plus pauvre du pays. Alors que 77 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur logement.
« L’île est détruite. La totalité de l’habitat informel a tout simplement disparu. Entre 30 et 40% des toitures des autres habitations se sont envolées. Il n’y a plus d’eau et le réseau électrique est complètement foutu. Il faudra plusieurs semaines pour le rétablir. Maintenant l’urgence est de donner à boire et à manger aux centaines de milliers de sinistrés, sans quoi dans 3 jours, ce sera le chaos sur le chaos… » témoigne le photographe Gabriel Barathieu qui vit sur place
Détail dramatique rapporté à l’AFP à propos du cyclone Chido à Mayotte : de nombreuses personnes sans papiers, peuplant les bidonvilles, n’auraient pas rejoints les abris ouverts par la préfecture de peur qu’il s’agisse d’une ruse pour les expulser. Triste symbole du désengagement de l’État, le nouveau premier ministre Bayrou n’assistera « qu’à distance » à la réunion de crise sur Mayotte. « La raison ? Il sera dans un jet en direction du conseil municipal de Pau, où il a l’intention de rester maire » accuse la vice-présidente de l’Assemblée nationale Clémence Guetté
« Mayotte est déjà confrontée à de profondes inégalités sociales et souffre d’un cruel manque d’investissements de l’État dans ses services publics, ce qui démultiplie les conséquences dramatiques d’un cyclone comme Chido. L’État a une double responsabilité dans cette tragédie : celle d’avoir abandonné Mayotte à une grande pauvreté depuis des décennies, et celle de son inaction climatique irresponsable », commente Sarah Cleaver, chargée de campagne Climat à Greenpeace France.
La trace du dérèglement climatique
Le cyclone Chido a beau être un phénomène naturel, il a probablement été amplifié par le dérèglement climatique. Le GIEC explique notamment que les cyclones tropicaux intenses pourraient augmenter de 10% avec 1,5 °C de réchauffement global, et de 20% avec 4°C de réchauffement global. Le cyclone Chido est le plus intense qu’ait connu Mayotte depuis 90 ans.
« Tout au long de son évolution, le cyclone Chido, s’est renforcé sur des eaux très largement plus chaudes que la normale. Sa trace dans l’océan indien témoigne d’une énergie puisée dans l’eau et d’un brassage important. Il est fortement probable que le cyclone ait été boosté par le changement climatique, sans non plus être 100% à son origine » décrypte l’agroclimatologue Serge Zaka
Et l’île mahoraise souffrait déjà des conséquences du dérèglement climatique. Fin 2023, l’archipel de Mayotte subissait une sécheresse d’une ampleur inédite depuis 1997 avec les habitants privés d’eau deux jours sur trois. La déforestation et l’urbanisation galopante posent de sérieux soucis sur l’île, les arbres arrachés par le cyclone Chido sont donc une catastrophe.
Le gouvernement aurait-il pu prévoir ce genre de crise et développer des infrastructures adéquates ? Définitivement, ainsi que le pointait en rapport de l’Assemblée nationale en mai 2024 : « À Mayotte, la situation est ingérable alors que cette île a de forts risques sismiques et cycloniques. De l’aveu-même du directeur de l’ARS, en cas d’événement majeur, le bilan humain serait catastrophique ».
Face à l’ampleur des destructions, les associations multiplient les appels aux bonnes volontés pour porter assistance aux habitants de l’archipel. Un article de Franceinfo recense les différentes initiatives en cours.
L’événement à Mayotte rappelle à quel point les territoires les plus pauvres seront les plus durement affectés par les conséquences du dérèglement climatique. Les relents néocolonialistes avec lesquels sont traités les DOM-TOM par l’État français devraient alerter toutes les populations des îles pour qu’elles commencent à s’organiser, et anticiper les risques.
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