Il fallait s’y attendre. Parmi les mesures exceptionnelles mises en place pour gérer la crise du covid19, certaines passent outre les exigences d’une autre crise bien plus profonde et durable : la crise écologique. Le ministère de l’Agriculture a publié au Journal officiel les conditions d’attribution des aides financières pour les arrêts temporaires d’activité dus au coronavirus. Celles destinées à la pêche sont jugées inacceptables par l’association Bloom qui oeuvre dans la préservation des océans. En effet, ces aides favorisent, une fois de plus, la pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale.
Selon l’association, le décret ne se base que sur le chiffre d’affaire et non sur des critères sociaux ou environnementaux, privilégiant ainsi les gros armateurs. L’indemnisation se fera à hauteur de 30% du chiffre d’affaires réel pour les bateaux de plus de 12 mètres. Pour les autres, ce sera uniquement le chiffre d’affaire de référence, c’est à dire ce que l’État estime.
« Une aberration lorsque l’on sait qu’en France la petite pêche côtière ne représente que 22% des captures en valeur mais qu’elle couvre 52% des emplois du secteur. En n’incluant aucun critère social et environnemental en complément du chiffre d’affaires, le Ministère français de l’Agriculture acte donc d’emblée que l’essentiel des aides sera capté par les plus gros armements, au détriment des emplois et de l’environnement. » explique ainsi Bloom
Pour l’ONG de protection des océans, l’argent public devrait être alloué en priorité aux entreprises dont les navires utilisent des méthodes de pêches non destructrices, et rappelle l’importance de la petite pêche côtière : les pêcheurs connaissent le territoire, ils prélèvent en connaissance des écosystèmes avec des méthodes de pêche douces. Depuis des années, ils assistent au pillage des océans par les chalutiers et gros bateaux sous l’égide des instances étatiques.
Ensuite l’Union Européenne, sous couvert d’un discours écologique, impose des quotas qui sont fatals pour les petits pêcheurs. La rareté de certaines espèces les oblige à travailler plus longtemps pour pêcher moins, comme le bar par exemple. Et pour cause, le volume prélevé par les petits pêcheurs reste stable au cours des années, tandis que les chalutiers de fond et les chalutiers pélagiques raclent tout au passage, laissant les côtes sans poissons.
Bien plus qu’une affaire de sous, cet arrêté montre bien le mépris général de l’État envers les petits producteurs. Côté fruits et légumes, si les petits marchés sont progressivement autorisés à rouvrir selon leur capacité à faire respecter les règles de sécurité, c’est d’abord l’industrie alimentaire qui a été sauvée.
Aucune mesure pour aider les petits paysans à distribuer leurs produits en grande surface pendant la crise n’a été mise en oeuvre. La même logique est à l’oeuvre dans le monde de la pêche. Nous avions déjà signalé le « deux poids deux mesures » qui a lieu dans ce secteur.
Pour l’association Bloom, cet arrêté a été produit en consultant uniquement le Comité national des Pêches, c’est à dire l’organe de la pêche industrielle alors que l’ONG avait lancé un appel rejoint par 390 pêcheurs, Chefs, associations, élus et scientifiques, pour sauvegarder la petite pêche côtière.
« Il démontre de manière flagrante l’absence totale de représentation de la petite pêche côtière, des scientifiques et de la société civile (ONG) dans les discussions que mène le gouvernement. BLOOM demande donc l’abrogation de l’arrêté du 2 mai ainsi qu’une consultation plus large dans les plus brefs délais. »
Une fois encore, c’est un problème politique qui est à l’origine d’une injustice économique. Malgré les Gilets Jaunes, la Convention Citoyenne pour le Climat, et la baisse de confiance des Français, le gouvernement ne semble pas prêt à inclure les citoyens dans les décisions prises pour nous en sortir.